L'Histoire (la grande !)

Petite histoire de l’Irlande 3/3

Suite et fin de ma petite histoire de l’Irlande en 3 parties.

PARTIE III – L’Irlande aujourd’hui

Aujourd’hui, l’île d’Irlande est toujours divisée entre :

  • d’une part, la République d’Irlande (ou Irlande tout court), pays indépendant et république parlementaire de 5 millions d’habitants répartis sur 26 comtés (85% de la superficie de l’île), avec pour capitale Dublin et pour devise l’euro (Etat membre de l’Union européenne, quasiment exclusivement catholique).
  • Et, d’autre part, l’Irlande du Nord, pays-nation constitutif du Royaume-Uni au même titre que l’Ecosse, l’Angleterre ou le Pays de Galles, peuplé d’1,8 millions d’âmes (2/3 de protestants, 1/3 de catholiques) réparties sur 6 comtés (15% de l’île), avec pour capitale Belfast et pour devise la livre sterling.

L’Irlande « libre » (Irlande du Sud)

L’économie

Concernant la « République d’Irlande », la seconde moitié du XXe siècle est marquée par :

  • l’entrée du pays dans la CEE (Communauté Economique Européenne, future UE) en 1973
  • une croissance économique considérable (mis à part dans les années 70), à tel point que l’Irlande, surnommée « Tigre celtique » (croissance de 6% de 1995 à 2007), servira de modèle pour les états issus de la dislocation du bloc soviétique à la fin des années 1990
  • la lutte contre les malversations
  • une crise de 2008 particulièrement violente (crise économique et politique majeure de 2007 à 2011 – taux de chômage supérieur à 15%, déficit public établi à 32,4 % du PIB, dette monstrueuse – proportionnellement au nombre d’habitants, l’Irlande est en 2016 le deuxième pays le plus endetté au monde après le Japon…)
  • un retour à la croissance spectaculaire (le plus élevé de l’UE… et même du monde !)

Autrefois parent pauvre des îles britanniques (un peu comme les Highlands écossaises), frappée de famines et de misère, l’Irlande est aujourd’hui un pays développé d’Europe à part entière, au même titre que l’Italie ou l’Espagne et, dans une certaine mesure, un paradis fiscal.

Les plus grandes villes du pays sont Dublin, Cork, Limerick, Galway et Waterford.

La religion

Malgré une diminution généralisée (mais toute relative) de la pratique religieuse, l’Irlande demeure le pays occidental possédant la plus forte pratique religieuse (entre 35 et 50 % de pratiquants réguliers, contre près de 90 % de pratiquants jusque dans les années 1980).

La religion catholique occupe donc toujours un rôle prédominant dans la culture et dans l’identité irlandaises (longtemps l’un des piliers des revendications indépendantistes irlandaises et utilisée pour se démarquer du Royaume-Uni protestant, elle est encore loin de menacer de s’éteindre comme dans d’autres pays d’Occident et demeure largement considérée comme un marqueur identitaire).

Elle n’empêchera néanmoins pas l’adoption (quoique progressive et, surtout, fort tardive) d’une politique sociale relativement libérale (légalisation du divorce en 1995, dépénalisation de l’homosexualité en 1993, autorisation de l’avortement dans certains cas depuis 2018…) ; au XXIe siècle cependant, son influence est en perte de vitesse : elle ne peut empêcher le mariage homosexuel (2015) et l’avortement (2018), contre lesquels elle avait pourtant mené une campagne en faveur du « non ».

Il n’en demeure pas moins que la fête nationale de l’Irlande demeure éminemment religieuse : il s’agit de la Saint Patrick (#évangélisation de l’Irlande, souvenez-vous !), le 17 mars. Et, aujourd’hui encore, 78,3 % des habitants de l’île (globale) se déclarent catholiques (quasiment la totalité des habitants du Sud et près de la moitié des habitants d’Irlande du Nord).

Côté langue

Il existe deux langues officielles en Irlande. La constitution dispose que la première langue nationale est l’irlandais (le gaélique), et que l’anglais est une langue annexe. C’est le gaélique qui a été déclaré comme langue nationale auprès de l’Union Européenne, et en gaélique que le président fait sa déclaration ! Les ministres et le président doivent également pouvoir donner des interviews en irlandais et mener des débats dans cette langue ; les fonctionnaires et les avocats sont également tenus de la maîtriser parfaitement pour pouvoir servir et défendre les intérêts irlandophones. Il existe aussi des chaînes de télé et des stations de radio en irlandais, la langue est obligatoire au lycée et présente dans les épreuves du bac ; il existe un défenseur des droits des locuteurs irlandophones, la signalisation du pays en bilingue.

Toutefois, tout cela est essentiellement théorique : l’anglais reste fortement majoritaire, et l’irlandais, bien qu’enseigné obligatoirement à l’école, n’est plus pratiqué dans la vie courante que par une minorité de personnes (environ 1,8 million d’Irlandais ont une connaissance de la langue, et 538 283 disent la parler tous les jours, même si ce chiffre est plutôt rapporté à 100 000 selon d’autres sources…), surtout dans l’Ouest (depuis toujours la partie la plus traditionnelle de l’île et la moins soumise à l’influence anglaise), et elle n’est la première langue maternelle que de moins de 1% de la population (vs 4,6% des Bretons, à titre de comparaison…).

Démographie

L’Irlande ne s’est jamais relevée de la Grande Famine. Avec tout juste 7 millions d’habitants au total, sud et nord confondus (contre 8,5 millions en 1845, rappelons-le !), l’Irlande a une densité de peuplement relativement faible, presque deux fois inférieure à la moyenne de l’UE.

En fait, si en 1845, le pays est très densément peuplé, il perd plusieurs millions d’habitants en seulement quelques années (Grande Famine + migrations massives – voir mon article sur le sujet) et ne cesse de se dépeupler pendant les décennies qui suivent (les départs pour le Nouveau Monde excédant les naissances, même après la fin de la famine en 1851-1852). La population ne cesse donc de décroître jusque dans les années 1960 : 3,2 millions d’habitants en 1901, 2,8 millions en 1961.

Ce n’est qu’à partir des années 60 que la population croît de nouveau : jeunesse relative de la population (par rapport au reste de l’Europe, vieillissant), taux de natalité très élevé (encore une fois, au regard des chiffres européens), et forte immigration (d’Europe, du Royaume-Uni et d’Europe de l’Est).

Avec un million d’habitants, Dublin concentre près du quart de la population du pays ( !!), loin devant la 2e ville du pays, Cork (120 000 habitants !)

Culture

Revendiquant haut et fort sa culture celtique, l’Irlande est considérée comme l’une des six « nations celtiques » avec l’Ecosse, la Bretagne, l’île de Man, le Pays de Galles et les Cornouailles.

Le symbole officiel du pays est la harpe celtique (qui figure sur les pièces de monnaie – euro), mais le trèfle irlandais est souvent utilisé comme autre symbole, notamment par l’équipe irlandaise de rugby. Son hymne national est Amhrán na bhFiann, un chant publié dans le journal Irish Freedom (Liberté irlandaise) en 1912, et immédiatement adopté par les Irish Volunteers (milice irlandaise nationaliste). Le refrain sera déclaré hymne national officiel en 1926, en remplacement du God Save Ireland.

Côté littérature, l’Irlande compte quelques célèbres écrivains, dont Jonathan SwiftOscar WildeJames JoyceGeorge Bernard ShawSamuel BeckettWilliam Butler YeatsEoin Colfer, et John Millington Synge.

Et (juste pour le plaisir, je l’avoue) 3 acteurs d’origine irlandaise (parmi tant d’autres, je vous l’accorde, cette sélection est parfaitement subjective) : Pierce Brosnan (irlandais naturalisé américain – j’avoue, j’ai toujours craqué…), Gabriel Byrne, (découvert pour ma part dans le rôle du loyal d’Artagnan dans l’Homme au masque de fer !) et Allen Leech (Tom Branson, dans la série Downton Abbey ! mon chouchou de toute la série !)

Politique

Le paysage politique irlandais d’aujourd’hui prend la forme d’un bipartisme opposant les partis héritiers des deux camps s’étant affrontés durant la guerre civile irlandaise :

  • le Fianna Fáil (littéralement « Soldats de la destinée ») aussi appelé Parti républicain, issu des opposants au traité anglo-irlandais de 1921 menés par Éamon de Valera
  • et le Fine Gael (littéralement « le clan des Gaëls »), qui descend des partisans de ce traité dirigés par Arthur Griffith et Michael Collins.

Le premier a souvent eu une position dominante depuis les années 30.

L’Irlande du Nord

Le cas de l’Irlande du Nord, pourtant intégrée au riche et prospère Royaume-Uni, s’avèrera beaucoup moins heureux. Car si, au sud, la guerre est finie dès 1922, au Nord, elle ne fait que commencer : les populations catholiques et protestantes peu à peu se séparent, se regroupent et s’enferment dans des ghettos sécurisés, les catholiques sont discriminés, le chômage, la misère, la famine touchent une grande partie de la population, notamment à Belfast. Et si, à Dublin, la guerre civile est terminée et la paix s’instaure, dans le Nord, la partition, toujours d’actualité et bien vivace au sein même de l’Ulster, ne peut être oubliée si facilement.

Si bien que le Nord de l’île finira, de 1968 à 1998, soit pendant 30 longues années, meurtri par une guerre civile sanglante. Une guerre opposante nationalistes catholiques (qui demandent l’égalité des droits civiques, ce qu’ils n’ont toujours pas dans cette partie de l’île… ils représentent 30% de la population d’Irlande du nord) et unionistes protestants.

Un conflit découlant, in fine, moins d’une question de religion au sens strict que de l’ancienne politique de colonisation britannique du XVIIe siècle (la plupart des catholiques de l’île descendant des Celtes autochtones d’origine, et les protestants, des colons anglais et écossais des Plantations du XVIIe siècle…) et de sa résultante sociale (les catholiques étant majoritairement pauvres et trouvés parmi les classes inférieures parlant le gaélique, privées de droits sociaux et dépossédées de leurs terres depuis belle lurette ; et les protestants se trouvant parmi les riches propriétaires terriens et industriels parlant anglais…) ; une opposition qui se retrouve dans les forces alors en présence en Irlande du Nord, lorsque l’indépendance de l’Irlande du Sud est proclamée au début du XXe siècle et se double d’une véritable frontière avec l’Irlande du Nord (qui demeure au sein du Royaume-Uni).

De fait, au sein de l’Irlande du Nord, on retrouve alors :

  • des protestants (majoritaires) qui se sentent avant tout britanniques, veulent férocement rester au sein du Royaume-Uni et ne veulent en aucun cas de l’Irlande Unie que réclament certains (= indépendance pour toute l’île).
  • des catholiques, qui se sentent avant tout irlandais.

Et donc, du côté politique :

  • les Nationalistes, en général catholiques, qui sont pour une république et un pays unis, un seul et même pays sur toute l’île d’Irlande (réunification du nord et du sud de l’Irlande) ;
  • les Républicains, une branche plus extrême que les Nationalistes, associé généralement à l’IRA, l’Armée pour l’Irlande Libre (groupe paramilitaire responsable de nombreux attentats au cours des 3 dernières décennies du XXe siècle) ;
  • les Unionistes/Loyalistes, irlandais du Nord généralement protestants souhaitant rester au sein du Royaume-Uni (Unionistes), fidèles à la monarchie (Loyalistes) et refusant l’Irlande Unie ; ils sont au pouvoir et mènent la vie dure aux catholiques, privés de nombreux droits ;
  • Les Orangistes, ordre protestant plus extrême (que les Unionistes), s’opposant farouchement à l’Irlande Unie et liés au groupe paramilitaire UVF (Force Volontaire de l’Ulster).

Dès les années 60, les catholiques d’Irlande du Nord, très pénalisés socialement, s’organisent en marches pacifiques (comme celles des Noirs aux Etats-Unis et contre l’apartheid en Afrique du Sud) pour faire abolir la ségrégation dont ils sont victimes au quotidien, obtenir la justice sociale et faire reconnaître leurs droits civiques (réforme du droit de vote, égalité devant la loi, droit au logement, droit au travail etc…). Mais la violence policière et des groupes d’opposants ultra-protestants (groupes armés et supplétifs de la police associés) les transforment rapidement en émeutes et, bientôt, c’est une véritable guerre civile qui éclate entre partis opposés, partis radicalisés et milices. Les forces d’autodéfense et commandos ultras prolifèrent et les communautés se barricadent dans leurs quartiers respectifs.

La rupture définitive a lieu le 5 octobre 1968, à Londonderry : des policiers, protestants ultras, chargent la foule : les protestations catholiques s’amplifient.

Le 30 janvier 1972, autre tragédie : lorsque des paras britanniques (le 1er bataillon du régiment de parachutistes, réputé pour sa brutalité), prétendant riposter à des tirs de l’IRA, tirent sur les manifestants d’une marche pacifique à Derry ; c’est le « Bloody Sunday » dont U2 fera une chanson culte… 14 morts. Aucune victime n’était armée, la plupart ont reçu des balles dans le dos. Pendant vingt ans, jusqu’à ce que Tony Blair fasse rouvrir l’enquête quant aux responsabilités en jeu lors du Bloody Sunday, la vérité quant au massacre de ce dimanche de janvier 72 sera censurée.

S’ensuit une longue guerre civile de 30 ans, 30 années marquées par :

  • Des fouilles quotidiennes pour la population
  • Des quartiers compartimentés et coupés les uns des autres, isolés par des murs, transformés en camps retranchés, régulièrement en flammes
  • La pauvreté, le chômage, une vie au jour le jour
  • Une forte répression
  • Des raids et perquisitions incessants des domiciles privés, l’invasion intempestive des logements
  • Le harcèlement de la population civile
  • Des fusillades
  • Des batailles de rue
  • Des attentats à la bombe
  • Des violences quotidiennes
  • Des familles brisées par le deuil, décimées par la guerre
  • Des villes déchirées
  • Des incendies
  • Des barricades, des barrages
  • Les destructions, les violences gratuites, les actes de vandalisme, les attaques à coups de pierres, de briques, de bouteilles, de cocktails molotov
  • L’amertume, l’intransigeance, la haine, la frustration, l’oppression, l’espoir puis de désespoir, l’enchaînement des désillusions
  • Les grèves
  • La démission des gouvernements
  • L’envoi d’escadrons de la mort
  • Les attentats, les voitures piégées
  • Des incendies symboliques (comme celui de l’ambassade britannique à Dublin)
  • Des milliers et de milliers de blessés, d’évacués, de sans-abri
  • Des informateurs, des unités spéciales, des contrats, des assassinats
  • Des organismes paramilitaires aux structures souvent mafieuses
  • De véritables guerres de gangs
  • Des défilés fanfarons et provocateurs orangistes unionistes chaque année à l’été, au son des tambours, des fifres et des chants (« Nous ne nous rendrons jamais », « On est heureux, on a vaincu les papistes », « Nous ne céderons pas d’un pouce », « No surrender »… Drapeaux, chants, bonne humeur, et puis d’un coup, forcing pour entrer dans les quartiers catholiques, tout dégénère, jets de pierre…)
  • Les jets d’eau de l’armée, l’emploi de gaz lacrimogènes, les balles perdues…
  • La présence de l’armée aux entrées des quartiers catholiques, bientôt remplacés par l’IRA…
  • L’existence de zones interdites
  • La présence des blindés de l’armée britannique dans les rues
  • Les embuscades, les patrouilles, les meurtres, les détentions d’armes illégales
  • Les terrains vagues, les graffitis, les peintures et fresques murales
  • Une paralysie économique (au moins partielle)
  • Des négociations vaines, des trêves de courte durée
  • Des arrestations arbitraires à tour de bras
  • Les violences policières
  • Des centaines, parfois milliers d’attaques à main armée par an
  • L’échec de l’Accord de Sunningdale, en 1973 (tentative de finir la période dite « The Troubles » en Irlande du Nord en forçant les unionistes à partager le pouvoir avec les nationalistes. Il échouera dès mai 74).
  • L’échec de l’ Anglo-Irish Agreement (nouvelle tentative de résolution politique du conflit nord-irlandais) en 1985.
  • L’implication croissante de l’IRA visant l’armée britannique (des centaines d’attaques à main armée, d’attaques à la bombe…).
  • Des internements sans procès pour les membres de l’IRA dans la nouvelle prison de Long Kesh, surnommée les H-blocks (dans des conditions déplorables).
  • Le retrait aux détenus concernés de leur statut de prisonniers politiques pour les traiter en prisonniers de droit commun.
  • Les grèves de prisonniers catholiques contre leurs conditions d’emprisonnement (dirty protest, blanket protest, et même grèves de la faim, reprises de 1920) auxquelles Maragaret Thatcher, la dame de fer, ne cèdera pas…

Résultat : 10 grévistes meurent de faim (au bout de 40 à 65 jours de grève). Résultat (bis) : un attentat (raté) contre l’intraitable Premier Ministre, en 1984, à Brighton, et d’autres attentats sur le sol anglais (Warrington, Londres, Manchester). Plusieurs morts à chaque fois, dont des enfants à Warrington (ce qu’évoque la chanson « Zombie » des Cranberries, cette fois…)

C’est ce qu’on appelle, par un doux euphémisme, « Les Troubles »… qui feront tout de même 3526 morts  au total ! Les villes de Belfast et de Londonderry seront les plus meurtries par la guerre.

Finalement, ce sera l’accord du « Vendredi Saint », le « Good Friday Agreement » (sous Tony Blair, plus impartial que ses prédécesseurs, et de meilleure volonté) signé par l’Angleterre, l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, qui mettra de mettre un terme à 3 décennies meurtrières en imposant (entre autres) :

  • un cessez-le-feu
  • le désarmement des groupes paramilitaires
  • le retrait des troupes britanniques du sol irlandais
  • la libération de prisonniers politiques
  • la décentralisation d’une partie du pouvoir en Irlande du Nord (pouvoir partagé entre catholiques et protestants)
  • la réouverture de la frontière et la libre circulation sur l’île…

En échange, les nationalistes d’Irlande du Nord doivent renoncer à une unification avec l’Irlande du Sud dans l’immédiat.

Une majorité écrasante s’est prononcée en faveur de la paix mais des tensions et bagarres perdurent. D’ailleurs, dès août 1998, quelques mois à peine après la signature de l’accord, un attentat à la voiture piégée, particulièrement meurtrier, perpétré par l’Armée républicaine irlandaise véritable, un groupe dissident de l’IRA provisoire opposé à l’accord, à Omagh, fait 29 morts de toutes confessions (mormons, catholiques, protestants, dont une femme enceinte de jumeaux, neuf enfants, des touristes…) et environ 220 blessés. L’attaque sera décrite par la BBC comme « la pire atrocité terroriste d’Irlande du Nord » et par le Premier ministre britannique Tony Blair comme un « acte de barbarie et de mal ». Les dirigeants de longue date du Sinn Féin Gerry Adams et Martin McGuinness eux-mêmes condamneront l’attaque et la RIRA (pour Real Irish Republican Army)… qui n’en rejette pas moins toujours le processus de paix.

A Belfast, il existe toujours une centaine de murs fortifiés (les « murs de la paix »…), de barbelés et de grilles (parfois électrifiées) séparant les quartiers catholiques et protestants, ainsi qu’un système de couvre-feu et de grilles fermées chaque soir avant que la nuit tombe !

A 50m de distance, des citoyens d’une même ville continuent de vivre, depuis des générations, dans deux mondes différents qui ne se mélangent pas et ne se croisent jamais… Et, tous les ans encore, des Orangistes (protestants extrémistes de l’ordre d’Orange) défilent dans les rues de Belfast (j’allais écrire « Berlin »… lapsus révélateur !!!^^), en mémoire des massacres de colons protestants au XVIIe siècle… Evidemment, ils sont escortés par les forces de l’ordre (auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à 2000 soldats envoyés par Londres pour contenir les foules et éviter les débordements !!!). Chaque année, les quartiers catholiques sont verrouillés ; chaque année, les Orangistes exigent de pouvoir les traverser ; chaque année, c’est un face-à-face sous haute tension qui a lieu dans les rues de la capitale du Nord…

Les deux Irlande… et le Brexit

Une paix fragile s’instaure entre catholiques et protestants (les deux communautés cohabitent en paix mais ne se mélangent pas…), Irlande du Sud et du Nord, jusqu’au référendum sur le Brexit en 2016… qui vient nous remettre le bazar !

Lors du vote pour ou contre le Brexit en juin 2016 en effet, les Nord-Irlandais votent à 55% pour rester dans l’UE ; mais, faisant partie intégrante du Royaume-Uni, ils doivent accepter le résultat du vote à l’échelle du royaume : la sortie de l’UE.

L’Irlande du Sud, elle, totalement indépendante, demeure bien sûr dans l’UE. Néanmoins, une nouvelle frontière est négociée et établie par le Royaume-Uni pour aménager sa sortie de l’UE : cette frontière se situe en mer d’Irlande : à l’est, le Royaume-Uni incluant Ecosse, Pays de Galles et Angleterre, sort totalement de l’UE ; à l’ouest, l’Irlande du Nord a, une fois de plus, le c*** entre deux chaises, si vous me passez l’expression. Ni totalement britannique, ni totalement irlandaise, ni totalement européenne : la circulation reste libre entre Irlande du Nord et du Sud (impossibilité de rétablir une frontière sous peine de faire voler en éclats 20 ans de paix fragile), et donc entre l’Irlande du Nord et l’UE dans son ensemble ; mais, en retour, afin de rétablir malgré tout une frontière entre Royaume-Uni et UE… une frontière est rétablie entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni… !

L’Ulster continuera donc à respecter en partie les normes européennes : les produits nord-irlandais peuvent entrer directement en UE sans contrôle, mais les produits britanniques transitant par l’Irlande du Nord à destination de l’UE… sont contrôlés à leur point d’entrée en Ulster… qui est pourtant partie intégrante du royaume !

Tout cela pour permettre à la frontière Nord-Irlande/Sud-Irlande de rester ouverte au nom des accords pour la paix de 1998.

Un accord qui n’aura pas manqué d’être vécu comme une trahison par les loyalistes protestants pro-britanniques nord-irlandais, bien sûr… Le Brexit est-il sur le point de réveiller le spectre d’un conflit sanglant ?

Conclusion

A l’instar de nombreux pays (je pense, bien sûr, spontanément ici à l’Ecosse), l’Irlande souffre d’une mémoire collective douloureuse et encore extrêmement tourmentée. Ses blessures les plus profondes viennent sans aucun doute à la fois du colonialisme anglais et des déchirements internes, entre frères irlandais, nés de celui-ci et de l’introduction du protestantisme sur l’île… mais aussi inhérents à la culture gaélique elle-même (on l’a vu, bien avant l’arrivée des Anglo-normands sur l’île, les Celtes, divisés en clans souvent ennemis, avaient le sang plutôt chaud et s’avéraient incapables de se réunir sous un seul et unique chef).

Néanmoins, si ces vieilles querelles celtes de l’Antiquité et du Moyen Âge semblent depuis longtemps avoir été dépassées, supplantées par les nombreux problèmes nés de l’a colonisation anglaise, ces derniers sont tenaces et continuent, aujourd’hui encore, de diviser l’Irlande, particulièrement l’Ulster.

Ainsi, c’est depuis le XIIe siècle que la domination anglaise de l’île suscite, siècle après siècle, des oppositions, toujours plus nombreuses et que les velléités indépendantistes irlandaises se renforcent. Et si, jusqu’à l’Acte d’Union de 1801, qui fait de l’Irlande une province à part entière du Royaume-Uni, l’Irlande jouissait même d’une certaine autonomie et d’un parlement propre qui pouvait légiférer de façon autonome sur certaines questions, économiques par exemple, la grande révolte de 1798 qui échoue et l’Acte d’Union par lequel les Britanniques répliquent marquent l’intégration de l’Irlande au Royaume-Uni et le début des vraies revendications nationalistes irlandaises. Des revendications à la fois politiques (parlement propre, autonomie, puis indépendance), culturelles (combattre l’impérialisme culturel anglais et rétablir ou promouvoir la culture et la langue gaéliques) et religieuses (catholicisme traditionnel de l’île vs protestantisme importé et imposé).

Pour aller plus loin :

Voir aussi sur ce blog :

Mais aussi (liens externes) :

VIDEOS

L’Histoire de l’Irlande en 5 minutes (podcast)

Résumé de l’Histoire de l’Irlande préchrétienne en 5min de (vidéo : mise en paroles et en images de l’article de Wiki 😉 )

Comment l’Irlande est devenue indépendante ?  – Nota bene

Comprendre l’Irlande simplement en quelques minutes – Raconte-moi l’Irlande

L’Irlande sous le contrôle des Britanniques | Stories of Conflict, le monde en 5min chrono | ARTE

https://www.youtube.com/watch?v=6GoHxIMLCdk&ab_channel=ARTE

Comprendre 30 ans de guerre civile en Irlande du Nord

L’HISTOIRE DU CONFLIT NORD-IRLANDAIS – La Geozone

Irlande : La frontière de la discorde | ARTE

https://www.youtube.com/watch?v=QanQocSgK84&ab_channel=ShaoWeiTang-%E5%B0%91%E5%B0%89%E5%A0%82

Chanson des Cranberries

Sunday Bloody Sunday

IRLANDE, IRLANDES… LES RACINES DE LA VIOLENCE en deux parties

https://www.youtube.com/watch?v=d9r0W9CVDdU&ab_channel=ECBACANGLAIS

https://www.youtube.com/watch?v=lQ0d4fUkR54&ab_channel=ECBACANGLAIS

Comment l’Irlande est en train de perdre sa langue

L’Irlande de l’âge des vikings – colonisation, soumission et union (IXe – XIe siècle)

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