L'Histoire (la grande !)

Petite histoire… de l’Empire Britannique

Comme chacun de mes romans, Alexander (série Passions Londoniennes – tome 1 ( parution en mars 2020) m’a amenée à effectuer de nombreuses recherches (pour mon plus grand bonheur). Ce qui me permet aujourd’hui de partager avec vous, outre une Petite Histoire de l’Angleterre en 4 parties, une synthèse des Guerres Napoléoniennes et une autre de la Première Révolution Industrielle, ce petit article sur la construction (puis le déclin) de l’Empire Britannique…

Un sacré morceau, quand on se plonge dans 5 siècles d’Histoire !

Mais je suis une impatiente : commençons donc sans tarder !

1 – L’Age des Grandes Découvertes

L’Empire britannique voit ses origines dans la Guerre de Cent Ans (contre la France) qui lui vaut la perte (avec sa défaite en 1453) de ses possessions pluriséculaires sur le continent : la Normandie (possession de la couronne anglaise depuis Guillaume le Conquérant, au XIe s.), l’Aquitaine (dite « Guyenne », depuis Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt), quelques ports du Nord comme Calais, les possessions en Val de Loire des Plantagenêt… Le roi de France a tout repris. Dès lors, l’Angleterre se tourne vers la mer pour trouver de nouveaux marchés. C’est d’ailleurs l’époque de la découverte de nombreux « Nouveaux Mondes » avec :

  • Le Portugais Dinis Dias qui atteint le Cap Vert en 1444
  • Le Portugais Bartolomeu Dias qui atteint le Cap de Bonne-Espérance (pointe sud de l’Afrique) en 1487
  • Le Portugais Vasco de Gama qui, en 1498, atteint l’Inde, après avoir doublé ce même Cap de Bonne-Espérance et traversé l’océan Indien, ouvrant ainsi la route maritime orientale vers les Indes
  • Le Génois Christophe Colomb qui, en 1492, « découvre » les Antilles et l’Amérique du Nord (en réalité, les Scandinaves vers l’an 1000, et peut-être les Chinois au début du XVe s., auraient touché les diverses côtes de l’Amérique bien avant lui…)
  • Le Florentin Amerigo Vespucci (au service des Médicis, puis de la Castille et du Portugal), qui traverse l’Atlantique plusieurs fois et fut le premier à comprendre que Colomb a en fait découvert un nouveau continent
  • Le Portugais Magellan qui part en 1519, découvre le détroit qui porte son nom (entre l’Amérique du sud et la Terre de Feu), ainsi que de (très) nombreuses autres terres et mers (Pacifique, Océanie, Asie…) inconnues des Européens, et réussit le premier tour du monde
  • Le Français Jacques Cartier qui, en 1534, découvre le Saint-Laurent et explore ce qui deviendra le Canada
  • Le Hollandais, Willem Janszoon, qui explore la côte ouest de l’Australie (nommée Nouvelle-Hollande) en 1606
  • Le Hollandais Abel Tasman, qui explore la Nouvelle-Zélande dès 1642
  • Etc.

L’Angleterre, de même que la France et la Hollande, participe à ce grand mouvement exploratoire, quoique moins massivement et hardiment que l’Espagne et le Portugal, qui devancent largement les trois premiers dans ce mouvement aventurier, puis colonial (ils détiendront et contrôleront pendant des siècles l’Atlantique sud, le contournement de l’Afrique par le sud et l’Océan Indien). C’est l’âge des navigateurs, des explorateurs et des grands capitaines et pilotes qui risquent tout au nom des diverses couronnes pour que le partage du monde ne se fasse pas sans leur souverain. Les cartes du monde se dessinent, les informations sont méticuleusement collectées et répertoriées, les limites du monde connu des Européens sont repoussées.

Navigateurs participant à ce vaste mouvement exploratoire au nom de l’Angleterre :

  • Jean Cabot (un Génois au service d’Henri VIII d’Angleterre) qui, en 1497, découvre Terre-Neuve, au large du Canada (il croit, comme Colomb, avoir atteint l’Asie)
  • Richard Chancellor qui, au début du XVIe s., explore l’Atlantique Nord, recherche le « passage du Nord-Est », découvre de ce fait la mer Blanche en contournant la Scandinavie par le Nord, établit des relations commerciales avec le tsar de Russie Ivan le Terrible
  • D’autres viendront, mais plus tard (le Capitaine Cook, notamment…)

Parmi les grands facteurs ayant poussé toutes les principales puissances européennes à chercher de l’or et de nouvelles richesses outre-mer figuraient :

  • Le désir de se procurer les produits orientaux, devenus rares, chers et difficiles à se procurer depuis l’expansion de l’Empire Ottoman, qui fait barrage (prise de Constantinople par les Turcs : 1453)
  • Une population en forte croissance
  • Des conflits religieux (fuite de protestants persécutés, notamment)
  • Un souci d’évangélisation des autres peuples du monde (volonté des papes successifs…)
  • Les progrès en matière de navigation

2 – L’Age des Migrations et de la Colonisation

Ce n’est qu’à partir du règne de la reine Elizabeth Iere (toute fin du XVIe s.) que les Anglais tentent une implantation démographique en Amérique. Auparavant, au cours du XVIe, sous les différents Tudors, les Anglais se contentent (par la « guerre de course » menée par les « corsaires », Sir Francis Drake, John Hawkins et Sir Walter Raleigh en tête), de piller les galions espagnols pleins de richesses du Nouveau-Monde et de saper leurs initiatives outre-Atlantique (les Portugais et les Espagnols sont alors très en avance sur les Anglais et les Français, ils sont déjà solidement implantés dans les Amériques, sur la côte occidentale de l’Afrique, au Brésil et jusqu’en Chine, ils contrôlent la route maritime qui contourne l’Afrique par le sud…). Certains penseurs et auteurs anglais, cependant, commencent à faire pression sur le gouvernement pour qu’un Empire britannique concurrent voie également le jour (les empires portugais et espagnol sont déjà vastes, et les Français commencent à s’établir dans la « Nouvelle-France », le long du fleuve Saint-Laurent (Québec actuel)!)

Pour rappel, l’Empire espagnol comprend alors, grosso modo, toute l’Amérique Centrale (sauf le futur Brésil) et les Philippines, et l’Empire Portugais, très différent, comprend alors le futur Brésil (partage de Tordesillas) et une série de comptoirs le long des côtes africaines (orientales comme occidentales), dans l’Océan Indien, sur la route des Indes orientales, et en Inde même. Ils dirigent les premières plaques tournantes du trafic négrier (dont le Brésil sera le plus gros bénéficiaire et le plus gros demandeur tout au long de la traite). Il s’agit, pour les Portugais, moins d’occuper des régions ou de les coloniser que de contrôler une route commerciale de l’Orient vers Lisbonne, d’y drainer toutes sortes de richesses (épices) et d’acquérir des monopoles. En réalité, cet empire, plus fragile que l’Eldorado des Conquistadores espagnols, succombera très vite aux velléités hollandaises, françaises et anglaises, une fois ces puissances européennes réveillées (au cours du XVIe s. seulement, tandis que les explorateurs espagnols et portugais sillonnaient déjà abondamment les mers au XVe s.).

Les Hollandais, de leur côté (Provinces-Unies) se mettent à pratiquer le grand cabotage, s’installent à leur tour un peu partout (Guyane hollandaise, quelques îles des Antilles, comptoirs en Asie, en Afrique…), remplacent les Portugais en plusieurs endroits, se font de gros commerçants de produits orientaux et créent les Indes néerlandaises.

Les Français et les Anglais suivent alors le mouvement… Revenons-en donc aux Anglais…

L’installation en Amérique du Nord

Les Premiers migrants anglais s’installent à Jamestown, en Virginie, en 1607, puis à Terre-Neuve en 1610. Ils sont suivis de près par les Pilgrim Fathers (protestants puritains) qui, en 1620, quittent l’Angleterre des Stuarts catholiques pour l’Amérique du Nord, où ils fondent le noyau de la Nouvelle-Angleterre.

Au cours des XVIIe et XVIIIe s., le dispositif des Treize Colonies d’Amérique est créé peu à peu (Rhode Island, Connecticut etc.), de la prise de la Nouvelle-Amsterdam aux Hollandais (rebaptisée « New York » et qui permet de rattacher la Nouvelle-Angleterre du nord aux colonies plus au sud de Virginie, de Maryland, de Caroline du Nord, de Caroline du Sud et de Pennsylvanie qui ont été fondées tout au long du XVIIe) à la fondation de la Géorgie en 1732.

Les Anglais s’installent aussi, comme les Français, dans plusieurs îles des Caraïbes où ils développent le système des plantations de canne à sucre reposant sur l’esclavage, système lancé depuis longtemps, on l’a vu, par les Portugais au Brésil.

Les comptoirs de commerce et colonies anglais ailleurs dans le monde

Pour veiller à leurs intérêts économiques, les Anglais (à l’instar des ressortissants des autres puissances européennes) s’installent aussi alors :

  • En Gambie (Afrique de l’ouest) en 1618, pour veiller au bon déroulement de leur part du commerce triangulaire
  • A Madras (1639), Bombay (1662) et Calcutta (1696) pour veiller aux intérêts de la Compagnie des Indes orientales anglaise qui, à la fin du XVIIe, parvient presque à rivaliser avec ses concurrentes ibériques.

L’Angleterre possède en outre :

  • Les Bermudes depuis 1612
  • La Jamaïque depuis 1655
  • Les Bahamas en 1666
  • Les Iles Caïman depuis 1670

Et elle se lance dans la traite négrière, certes avec un temps de retard sur les Portugais et les Pays-Bas (Provinces Unies), mais pour finir par assurer 1/3 de toutes les déportations d’esclaves depuis l’Afrique, des origines de la traite jusqu’à son abolition au XIXe… Deux plus grands ports négriers anglais : Bristol et Liverpool…

Les compagnies commerciales comme la Compagnie anglaise des Indes Orientales voient aussi le jour très tôt (Compagnie de la Baie d’Hudson, Somer Isles Company, Royal African Company etc)

Les grandes guerres du XVIIIe s. opposant la toute nouvelle Grande-Bretagne aux deux autres grandes puissances du moment (France et Espagne), la Guerre de Succession d’Espagne et la Guerre de Sept Ans, finissent par donner à la Grande-Bretagne :

  • Gibraltar, Minorque, l’Acadie, la Baie d’Hudson d’une part (par le traité d’Utrecht de 1713 qui clôture cette première guerre)
  • et le reste de l’Amérique française au nord (Terre de Rupert, Nouvelle-France) et à l’est du Mississippi (la moitié orientale de la très vaste Louisiane française), plusieurs Antilles (Grenade, Saint-Vincent, Tobago) et presque tous les comptoirs du Sénégal d’autre part (par le traité de Paris de 1763 qui conclut la seconde).

L’implantation en Inde s’affirme avec la conquête du Bengale et la prise de diverses autres régions jusque-là aux mains des Français. L’Inde devient le joyau de l’empire britannique (déjà !).

Ainsi, en 1775, à l’aube de la guerre d’Indépendance américaine, l’empire britannique compte deux grands ensembles : l’Amérique du Nord du Labrador (Canada) aux Antilles et une partie de l’Inde (autour de la plaine nord-est du Gange et sur le plateau central du Deccan).

3 – Au tournant du XIXe s. : la perte des Amériques et le gain de nouvelles colonies

Avec la guerre d’indépendance américaine (1776-1783), c’est évidemment un pilier de l’empire britannique (les « Treize Colonies ») qui est perdu pour l’Angleterre. Mais dans le même temps, son attention se tourne vers le Pacifique, l’Asie et l’Afrique. Résultat :

  • En 1774, les Anglais contrôlent les Fidji
  • En 1775, ils prennent les îles Sandwich du sud
  • En 1783, ils prennent les Grenadines
  • En 1786, ils s’emparent de Penang, en Malaisie, pour se ménager une base en Extrême-Orient
  • En 1787, ils fondent une nouvelle base africaine, la Sierra Leone (avec pour capitale une grande ville au nom éloquent de « Freetown »), pour l’établissement d’esclaves affranchis (même principe que le Liberia, au nom tout aussi éloquent…)
  • En 1788, ils commencent la colonisation de l’Australie, qui leur fournira une belle compensation de la perte des Amériques, même si elle n’est au tout début qu’un lointain pénitencier géant comme le fut, en partie, l’Amérique du nord… Avec l’Australie, c’est dans le Pacifique que la Grande-Bretagne s’implante solidement, et en doublant, pour le coup, les Français et les Hollandais, qui rôdaient aussi autour des côtes australiennes depuis un bon moment sans pour autant s’y installer. Il s’en est fallu de peu que l’Australie devienne colonie française ou néerlandaise… C’est à cette même époque que les Anglais colonisent la Nouvelle-Zélande.
  • Avec les guerres de la Révolution et de l’Empire français et, surtout, son écrasante victoire à Trafalgar en 1805, le Royaume-Uni s’impose comme maître des mers. Il comprend la nécessité de nouvelles conquêtes maritimes et de renforcer davantage encore sa puissance navale. En 1815, quand s’achèvent ces guerres « françaises » d’ampleur européenne, la Grande-Bretagne a gagné :
    • Malte et Gozo
    • L’île de l’Ascension (Atlantique sud)
    • La colonie du Cap (Afrique du sud)
    • Plusieurs îles des Antilles (Trinidad et Tobago, Sainte-Lucie, Dominique, Monserrat)
    • L’île Maurice (autrefois « Isle de France »), dans l’océan Indien
    • Les Seychelles (dans l’Océan Indien)
    • Ceylan (le futur Sri Lanka)
    • De nombreuses nouvelles régions en Inde
    • De nombreuses nouvelles régions en Australie
    • La province de Wellesley en Malaisie
    • Une partie du Népal et de l’Indonésie

Vous reconnaîtrez là quelques colonies que j’évoque dans mon roman Alexander qui se déroule au tout début du XIXe, justement !

Au sortir de ces mêmes guerres, la France comme l’Espagne sont considérablement amoindries (voir mon article « Petite Histoire des guerres napoléoniennes ») :

  • l’empire espagnol sort détruit de ces guerres et a commencé à se disloquer : non seulement il a perdu sa flotte et son armée, mais encore ses colonies (sud-américaines, notamment), qui ont profité de l’affaiblissement de la métropole pour conquérir leur indépendance (influencées, elles aussi, par les grandes idées de la Révolution française comme de la Révolution américaine) : l’Empire colonial espagnol est le premier à se démanteler : dès 1825, la quasi-totalité des anciennes colonies espagnoles ont soit conquis leur indépendance, soit été récupérées par les Etats-Unis (Louisiane et Floride) et le Royaume-Uni.
  • La France a perdu plusieurs de ses territoires Outre-Mer et, après avoir été (très) brièvement renforcée par Napoléon, sort considérablement affaiblie de ces conflits. Ayant déjà perdu plusieurs de ses colonies suite à la Guerre de Sept Ans et à la Guerre de Succession d’Espagne, son empire n’est, à ce stade, plus qu’un lointain souvenir…

Le Royaume-Uni devient donc la première puissance hégémonique mondiale au niveau commercial et maritime. Et, tout au long du XIXe siècle, elle va cumuler les conquêtes… sur tous les continents (et tous les océans). L’Empire français va peu à peu réémerger, mais sans commune mesure avec les possessions britanniques. La Grande-Bretagne connaît alors près d’un siècle de domination presque sans partage.

4 – Le XIXe siècle : l’expansionnisme et l’apogée de l’Empire britannique

Car, malgré certains mouvements sociaux et politiques se faisant force d’opposition, l’essor de l’Empire britannique va marquer tout le XIXe siècle : en fait, chaque fois qu’une autre puissance cherche à s’installer dans une région du monde où elle pourrait menacer les intérêts économiques nationaux (comptoirs, commerce, mines, sources de matières premières…), le Royaume-Uni s’interpose dans une sorte d’agressivité défensive qui lui réussit plutôt, malgré les coûts que cela engendre pour la nation (entretien et défense des colonies, puissance navale à maintenir…). Si bien que cette première puissance européenne, emportée par le mouvement impérialiste global, conquiert des dizaines de nouvelles colonies tout au long du siècle :

  • En 1819, Singapour
  • En 1821, la Gold Coast au Ghana
  • En 1824, Malacca
  • En 1826 et 1852, la basse Birmanie
  • En 1831, la Guyane occidentale
  • De 1831 à 1854, les états encore indépendants de l’Inde
  • En 1833, les Falkland
  • En 1839, Aden (Yémen)
  • En 1840, la Nouvelle-Zélande
  • En 1841, Sarawak en Malaisie
  • En 1842, Hong Kong
  • En 1843, Natal en Afrique du sud
  • En 1848, la Côte des Mosquitos (au Nicaragua)
  • En 1846, Labuan en Malaisie
  • En 1856, Mascate (Oman)
  • En 1857, les îles Keeling (aujourd’hui Cocos), dans l’océan Indien
  • En 1862, le Honduras britannique
  • En 1868, le Basoutoland (dans l’actuel Lesotho, en Afrique)
  • En 1878, Chypre
  • En 1879, le Nigeria
  • En 1882, l’Egypte
  • En 1882, Bornéo du Nord
  • En 1885, le Bechuanaland (futur Botswana)
  • En 1888, Brunei
  • Entre 1888 et 1893, de nombreux archipels océaniens
  • En 1890, les Rhodésies (futurs Zambie et Zimbabwe)
  • En 1890, le Kenya et le Zanzibar
  • En 1894, l’Ouganda
  • En 1890, le Jubaland (en Somalie actuelle)
  • En 1899, le Soudan et le Koweït
  • … on en oublie, et le mouvement se poursuit jusqu’à l’aube de la Première Guerre Mondiale.

En Australie et en Nouvelle-Zélande, c’est la ruée vers l’or (à l’ouest du Canada aussi) : l’émigration depuis Mother England vers ces colonies s’amplifie (et se diversifie ! on n’en est plus aux simples bagnards !) et des colonies ont été établies dans tout le Nord américain jusqu’à Vancouver (le grand ouest canadien ayant longtemps été négligé).

En France, on trouve le même élan impérialiste (Afrique Noire – A.O.F et A.E.F -, Algérie, Indochine, Maroc, Tunisie, îles dans les Antilles et l’Océan Indien…), porté par les mêmes convictions idéologiques plus ou moins sincères : culte de la grandeur nationale (française, britannique…), sentiment d’une mission civilisatrice à remplir dans le monde, apport du progrès, « messianisme » convaincu… et (peut-être surtout) le souci politique de ne pas se laisser distancer par un état voisin concurrent, de ne pas être laissé « sur le carreau » ni dépassé par les événements (course au pouvoir et cercle vicieux, en somme). D’âpres débats secouent alors les métropoles entre discours colonialistes (impérialisme militant) et anti-colonialistes, ces derniers étant dans la continuité des nombreux discours philanthropiques et humanitaires qui, depuis les Lumières, visent, notamment, l’abolition de l’esclavage (obtenue un peu partout au cours du XIXe, justement…) mais aussi, de plus en plus, toute velléité impérialiste.

La Belgique (avec le Congo Belge), l’Italie (avec la Libye, l’Erythrée et le nord de la Somalie), l’Allemagne (avec quelques territoires au Togo, au Cameroun, dans le sud-ouest africain et le Pacifique), le Portugal (avec Macao, l’Angola, le Mozambique, îles du Cap-Vert, la moitié de Timor, Guinée), la Russie (avec l’Alaska bientôt revendu aux USA, une partie de la Mandchourie, le Kirghizistan, le Kazakhstan, le Turkménistan…), les Pays-Bas (avec la Guyane Hollandaise et l’Indonésie – alors dite « Indes néerlandaises »)… veillent à ne pas être en reste… Tous se lancent dans la course aux colonies et chacun veut ne serait-ce qu’un petit morceau du gâteau. On se lance dans de sanglantes guerres coloniales entre grandes puissances, on s’arrache des morceaux de territoire, on se découpe des continents entiers. Parfois, la conclusion d’accords et de traités permettant de se répartir territoires et richesses permet la réconciliation à plus ou moins long terme des adversaires.

L’Empire britannique s’est donc considérablement agrandi. Mais, au fur et à mesure que l’empire britannique s’étend, la forme politique même que prennent les colonies (surtout les « blanches » = peuplées d’Européens) évolue, et ce tout au long de ce XIXe s. : soucieux d’éviter les révoltes à moindres frais, le Royaume-Uni accorde des libertés et des régimes politiques spécifiques et sur-mesure à certaines de ses colonies (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) : des gouvernements représentatifs, le statut de dominion (colonie devenue Etat indépendant et qui reconnaît librement la souveraineté du Royaume-Uni), protectorats, mandats, états autonomes etc. En même temps qu’il s’étend, l’empire doit bien s’organiser. Le premier dominion est créé au Canada en 1867. Cette autonomisation croissante des colonies ne concerne cependant, comme mentionné ci-dessus, que les colonies « blanches », les autres demeurant sous le régime autocratique militaire anglais.

A noter : contrairement à une idée reçue, les peuples d’Afrique et d’Asie sont loin d’accepter passivement la colonisation pendant des décennies, avant de se réveiller brusquement au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale : nombre de révoltes éclatent régulièrement dans une colonie ou dans l’autre, elles sont parfois longues, parfois violentes, parfois vaines et désespérées, ou encore vouées à l’échec en raison des inégalités en matière d’armement et de technicité, mais la résistance africaine et asiatique est bien là (y compris sur le plan religieux), bien avant la deuxième moitié du XXe s. ! Bien des mouvements nationalistes et indépendantistes auront longtemps couvé sous la cendre…

5 – La Première Guerre mondiale et ses conséquences : le passage au Commonwealth

Comme pour la France et les autres puissances européennes, toutes les colonies sont mobilisées (que ce soit économiquement ou militairement) pour l’effort de guerre requis par la Première Guerre Mondiale. Mieux encore : non seulement les différentes parties de l’Empire ont répondu présentes à l’appel de la mère Grande-Bretagne, mais, en plus, avec la victoire de 1918 et le partage des dépouilles des Empires vaincus (Allemagne, Empire Ottoman…), l’Empire britannique (comme l’Empire français) se voit porté à sa plus grande extension. Dans les années suivant le Traité de Versailles, la Grande-Bretagne rafle en effet :

  • A l’Allemagne, le Sud-Ouest africain, des morceaux du Togo et du Cameroun, divers territoires océaniens et le Tanganyika (partie de la Tanzanie actuelle)
  • A l’Empire Ottoman, la Palestine, la Transjordanie, l’Iraq

(NB : la Belgique, la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon reçoivent eux aussi des morceaux de ces empires disloqués ; quant aux USA, s’ils n’ont pour ainsi dire pas de « vraies colonies », ils considèrent la plupart des pays d’Amérique du sud comme des semi-colonies, tandis que le Japon commence à avoir des velléités impérialistes en Asie – comportement qui sera flagrant pendant la Deuxième Guerre Mondiale)

L’Empire britannique est alors la première puissance mondiale, il couvre 22% des terres émergées et regroupe un quart de la population mondiale !

Cependant, du point de vue politique et administratif, l’Empire doit faire face à de plus en plus de revendications de la part de ses territoires les plus évolués et les plus affirmés (Canada, Irlande, Inde…) ; Londres doit accorder de plus en plus de libertés et d’autonomie aux uns et aux autres car, à l’instar de la France et des autres puissances européennes, et malgré la victoire de la Triple-Entente, elle a montré sa fragilité et sa vulnérabilité au cours de la Première Guerre Mondiale et, surtout, elle a demandé beaucoup à ses colonies, qui demandent un juste retour des choses, une sorte de récompense face aux efforts consentis. L’Empire doit très rapidement concéder, au cours de l’Entre-deux-Guerres, toutes sortes d’ajustements :

  • En 1921, l’Irlande acquiert son indépendance
  • L’Indian Act de 1919 accorde de nombreuses réformes à l’Inde, qui à l’aube de la Deuxième Guerre Mondiale jouit d’une quasi-autonomie
  • Les dominions sont reconnus comme totalement indépendants du gouvernement britannique et deviennent des Etats Souverains reconnus par la SDN dès 1919 (position renforcée par différents traités et conférences durant l’Entre-deux-guerres)
  • C’est le Commonwealth qui émerge, tandis que l’Empire « old school » disparaît.
  • Néanmoins, il convient de remarquer qu’à l’image de l’immense majorité des crises et revendications qui ont secoué l’Empire britannique depuis le XVIIIe s. (avec la guerre d’indépendance américaine), il ne s’agit alors, encore et toujours, que de volontés d’émancipation de la part des colons (blancs) se soulevant contre leur pays d’origine (la métropole) et qui veulent leur indépendance sans pour autant condamner le fait colonial en soi ni changer leur comportement (dominateur et impérialiste) à l’égard des populations autochtones !
  • Quelques exceptions majeures tout de même : durant l’Entre-deux-Guerres, l’Iraq et L’Egypte acquièrent leur indépendance.

6 – La Deuxième Guerre Mondiale, la décolonisation, le déclin et la fin de l’Empire

Mais c’est la Deuxième Guerre Mondiale qui va sonner le glas des grands empires coloniaux européens (France, l’Allemagne, l’Italie… et Royaume-Uni).

  • Les colonies d’Asie du sud-est sont occupées par les Japonais, ce qui érodera considérablement le prestige de Londres dans cette région du monde (malgré la défaite finale du Japon)
  • La Grande-Bretagne a été littéralement détruite par les bombardements d’Hitler (prestige encore émoussé auprès des colonies…). La métropole est en ruines.
  • La première puissance mondiale, c’est une évidence pour tout le monde, ce sont désormais les Etats-Unis d’Amérique, suivis de près par l’Union soviétique. Les armées de ces deux puissances occupent l’Europe…
  • Le Royaume-Uni a montré son incapacité à défendre l’intégralité de son empire simultanément (évidemment…)
  • Il ne se relève économiquement (tout comme la France et la plupart des pays européens de l’ouest) que grâce aux capitaux américains…
  • Déjà, au tout début du siècle :
    •  la marine allemande, quoique inférieure en tonnage, avait commencé à mener la vie dure à la marine anglaise
    • l’idée selon laquelle le Royaume-Uni aurait été incapable de défendre sa métropole seul avait gagné du terrain…
    • il paraissait évident que le Royaume-Uni ne pouvait plus maintenir le « splendide isolement » dans lequel il avait traversé le XIXe (il doit à présent se trouver des alliés), ni maintenir la Pax Britannica dont il avait joui au cours de ce même siècle en dominant, seul, les mers.

Du coup, comme pour la France, un vaste mouvement de décolonisation (violente ou pacifique, selon les cas) s’ensuit (et qui concerne bien, cette fois, toutes les colonies et tous les peuples « indigènes »), bien que le Royaume-Uni ait fait partie du camp des vainqueurs :

  • L’Inde, plus grosse colonie (et l’une des plus anciennes) de l’Empire, obtient son indépendance dès 1947 ; elle est divisée en deux états, l’Inde et le Pakistan
  • Indépendance de la Birmanie et du Sri Lanka en 1948
  • La Grande-Bretagne, pressentant les problèmes qui allaient se poser au Proche-Orient, se désengage de la Palestine dès 1948
  • Dans les années 50, trois colonies obtiennent leur indépendance (Soudan, Malaisie, Côte-de-l’Or) – la « fédération de Malaisie » obtient son indépendance par la force en 1957, Singapour la quitte en 1965
  • Dans les années 60, 30 pays (Malte, Chypre, pays africains, Guyane…) obtiennent leur indépendance ! En Afrique, à la fin des années 60, tous les territoires africains de l’Empire britannique ont obtenu leur indépendance (sauf la Rhodésie du sud)
  • Les Caraïbes orientales obtiennent leur indépendance dans les années 70 et 80, ainsi que les Fidji et d’autres archipels du Pacifique
  • Les Seychelles sont indépendantes en 1976
  • Le Honduras britannique (futur Bélize) devient indépendant en 1981
  • Brunei obtient son indépendance en 1984
  • Dernière étape de cette longue agonie de l’Empire : la rétrocession de Hong Kong à la Chine… en 1997 !!!
  • Dans l’ensemble, la Grande-Bretagne a favorisé un désengagement progressif et pacifique pour éviter de s’embourber dans une guerre comme la France en Algérie.
  • Seuls 14 territoires restent sous souveraineté britannique au sein de ce qu’on appelle les « Territoires britanniques d’outre-mer » (comme nos DOM-TOM) ; certains d’entre eux sont disputés à la Grande-Bretagne par l’Argentine (îles Malouines, Iles Sandwich du sud etc), l’Espagne (Gibraltar), les Seychelles et l’île Maurice (îles en Océan Indien) etc.
  • Néanmoins, la plupart des anciennes colonies (mais pas toutes !), désormais nations indépendantes, ont rejoint de leur plein gré le Commonwealth of Nations (une association libre d’Etats indépendants). 16 d’entre eux (pas tous !), en tant que royaumes, reconnaissent encore le monarque britannique comme chef d’Etat. Le Commonwealth regroupe 53 membres, tous égaux.

Conclusion

Ainsi, l’Espagne et le Portugal furent les premières à perdre leur suprématie sur les mers et leurs lointaines colonies. Suivront l’Allemagne et l’Italie suite à la Grande Guerre puis, après la Deuxième Guerre, la France et la Grande-Bretagne.

Mais ces 5 siècles de colonisation et de domination du monde auront fait de la petite Europe la maîtresse des mers et des continents, et lui auront permis d’apposer sa marque et son empreinte aussi bien culturelles qu’économiques, politiques et sociales… sur tous les continents. Les prémices de la mondialisation assurée ensuite par les Etats-Unis (nouvelle puissance mondiale au sortir de la Deuxième Guerre), en somme…

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Texte : (c) Aurélie Depraz
Image : Pixabay

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