Préambule
Impossible de traiter de l’histoire de l’Irlande ou de publier un roman historique se déroulant sur cette île au passé épique (ce qui est prévu pour l’automne) sans consacrer un petit article exclusif aux « Gaëls », ces Celtes qui auraient donné leur typicité à la culture irlandaise… et, en grande partie également, aux cultures écossaise et mannoise…
Pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu, je ne saurais trop vous recommander de commencer par la lecture de mon article généraliste sur les Celtes, afin de remettre plus aisément l’histoire supposée des Celtes d’Irlande dans le contexte global des grandes migrations « celtiques » marquant la proto-histoire européenne… Je recommande également, dans le même esprit, la lecture préalable de mon article plus spécifique sur les Scots…
Ceci étant posé, lançons-nous sans tarder!
Définition
Au sens historique, le terme de « Gaël » (en irlandais : Gael, plur. Gaeil ; en gaélique écossais : Gàidheal, plur. Gàidheil) renvoie à un peuple (ou à un ensemble de peuples/tribus) d’origine proto-celte installé sur l’île d’Irlande, puis sur l’île de Man, dans les Hébrides et dans l’ouest de l’Ecosse (donc dans l’ouest des îles britanniques) au temps de l’Âge des métaux, c’est-à-dire à l’époque où les Pictes occupent pour leur part plutôt le centre et l’est de l’Ecosse (voir mon article sur le sujet) et les Bretons (ou peuples brittoniques) la future province romaine de Britannia ( = la future Angleterre). Il s’agirait donc, dans l’acception historique du terme, d’un groupe de tribus celtiques antiques de l’ouest de l’archipel irlando-britannique du Ier millénaire avant JC. Leur langue, le gaélique, donnera l’irlandais, le gaélique écossais et le mannois modernes (nous y reviendrons).
Dans un sens plus contemporain, le terme renvoie aujourd’hui aux Irlandais, aux Écossais et aux Mannois de culture gaélique (vs ceux, principalement dans l’Ulster, descendant de protestants anglo-saxons, par exemple), et plus précisément aux locuteurs des trois langues gaéliques officielles susmentionnées (et leurs nombreux dialectes).
Origine du peuple gaël
Selon les textes et les sources, on trouve aux Celtes d’Irlande deux origines régulièrement avancées, l’une légendaire, l’autre supposément « historique ».
Selon la légende, les Gaëls (plus tard appelés « Scots » ou Scotii par les Romains) auraient été les descendants de Scota et de Goídel Glas, venus d’Egypte, qui seraient venus peupler l’Hibernia antique (= l’île d’Irlande ; notons que les Romains auraient désigné par le terme de Scotia le nord de l’île, d’où le nom des futurs Scots).
Mais, d’un point de vue historique, rien de tel, bien sûr. L’arrivée sur l’île de Celtes survient entre 700 et 500 av. JC (période dite de La Tène). Avant cela, on distingue 3 périodes différentes au sein de l’Histoire primitive de l’Irlande : le Mésolithique, le Néolithique et l’Âge des Métaux (Bronze en l’occurrence).
Les Celtes implantés sur place partageant de très nombreux traits culturels avec d’autres peuples celtes du centre et de l’ouest de l’Europe, (notamment ceux de la péninsule ibérique et ceux de la future Grande-Bretagne), on hésite encore quant aux origines précises de ces différents clans. On pense donc que certaines vagues de peuplement de l’Irlande seraient originaires :
- d’Espagne (voir mon article sur les Celtes) ; la mythologie celtique elle-même conserve le souvenir de cette « origine espagnole » puisque, selon le Lebor Gabála Érenn (Livre des Conquêtes d’Irlande), les Milesiens (c’est-à-dire les Gaëls) sont dits « fils de Míl Espáine » ;
- et de Grande-Bretagne.
En tout état de cause, ces divers peuples celtes (à l’instar de tous ceux d’Europe de l’Ouest) auraient été issus d’une civilisation, dite de La Tène, qui aurait dominé l’Europe centrale et occidentale. En ce qui concerne l’Irlande néanmoins, il n’existe à ce jour aucune preuve d’une invasion ou d’une vague migratoire datée et de grande échelle. Il est donc possible et probable qu’à l’instar des autres îles britanniques, le peuplement de l’Irlande ait été le fruit de plusieurs vagues migratoires successives venues de différentes régions (continent / autres îles britanniques). La porte demeure donc ouverte à toutes sortes d’hypothèses.
A titre d’exemple, le celtologue irlandais T. F. O’Rahilly fait des Gaëls ou Goidels plus précisément le dernier peuple celte à avoir migré en Irlande (vers – 100), après 3 autres vagues, celles des Cruithne (ou Pritenu, vers – 700, − 500), celle des Builg ou Iverni (Erainn), vers – 500 et celle des Lagin, des Domnainn et des Gálioin, vers – 300.
En matière d’Histoire celte (comme viking, d’ailleurs), en l’absence de sources écrites, tout est encore sujet à débat, hypothèses et autres controverses. On fait avec ce qu’on a !^^
Culture et civilisation
A l’instar des Celtes du continent, les Gaëls apportent sur l’île une civilisation se caractérisant, entre autres, par :
- une organisation clanique
- une structure sociale tripartite (aristocratie guerrière / agriculteurs-producteurs-artisans-éleveurs / druides-bardes-vates, 3 classes auxquelles il convient d’ajouter, à l’occasion, les prisonniers de guerre et les esclaves)…
- des pratiques druidiques et magiques
- un calendrier celtique ponctué par quatre grandes fêtes religieuses et saisonnières : Beltaine, Imbolc, Lugnasad et Samain (toujours célébrées aujourd’hui)
- toute une mythologie (dieux, héros, mythes des origines, aventures guerrières, mythes fondateurs, rois et peuples légendaires, royaumes, capitales et villes mythiques, bansidh et autres créatures aujourd’hui considérées comme folkloriques…)
… et qui dominera l’Irlande au point d’y être exclusive pendant plus de mille ans… Jusqu’à l’arrivée des Vikings, en fait.
Les rois ne sont alors bien souvent que des chefs au pouvoir incertain et aux successions problématiques.
C’est au sein de cette culture, où l’on parle ce qui deviendra le gaélique, que les premiers poètes composent des chants et légendes qui constitueront le patrimoine autochtone et la mythologie celtique.
Le terme de « Gaël », tout comme celui de « Scot », aurait désigné de façon générique de nombreuses tribus celtes, incluant les Attacotti (aussi attestés en Ecosse), les Brigantes (homonymie avec les Brigantes de « l’île de Bretagne », Ecosse, Angleterre et Pays de Galle), les Iberni, les Eblani, les Darini, les Vodiae… (Pour une liste complète des peuples celtes d’Irlande, c’est ici). C’est Ptolémée qui aurait dressé en – 100 le premier une liste des peuples gaëls d’Irlande, vraisemblablement à partir des récits de marins gallo-romains et britto-romains qui connaissaient les fleuves de l’île et la géographie de sa côte est.
Ces clans fusionnent progressivement pour constituer quatre royaumes (qui donneront naissance aux provinces traditionnelles et actuelles) : l’Ulster, le Leinster, le Munster et le Connacht (Connaught).
Au début du Ve siècle, un « Ard rí Érenn » (roi suprême d’Irlande) domine l’île tout entière. Il siège à Tara, dans le Meath, et les autres rois lui doivent le boroma, tribut payable en bétail (son non-paiement entraîne des guerres et razzias dont la mythologie locale se fait l’écho).
Langue
Les Celtes qui émigrèrent sur l’île d’Irlande et dans la partie septentrionale de ce que l’on nomme aujourd’hui la Grande-Bretagne, parlaient une langue indo-européenne, le gaélique, qui s’est différenciée des autres langues celtiques insulaires et qui a donné naissance aux langues gaéliques ou goïdéliques, aussi appelées langues celtiques « en Q » (l’irlandais, le mannois et le gaélique écossais, déjà mentionnés), par opposition aux langues celtiques dites en P (gallois, cornique, breton).
Petit rappel :
Les langues celtiques toujours existantes (en Grande-Bretagne et en Irlande essentiellement, mais pas uniquement, nous allons le voir) peuvent être divisées en deux groupes :
1 – le groupe gaélique ou goïdélique dérivant du vieux gaélique, avec :
- le gaélique écossais, l’une des langues nationales de l’Écosse ;
- le gaélique irlandais, première langue nationale d’Irlande et seule langue celte officielle de l’Union européenne ;
- le mannois, l’une des langues nationales de l’île de Man.
2 – et le groupe brittonique, dont les langues dérivent de la langue bretonne antique parlée dans l’île de Bretagne par les Bretons, dès avant la conquête romaine jusqu’à l’invasion saxonne, et de son éclatement consécutif en plusieurs dialectes, puis langues, un peu sur le modèle du latin et des langues romanes. Trois langues principales dans ce groupe :
- le gallois, langue nationale du Pays de Galles ;
- le cornique, parlé comme langue communautaire en Cornouailles jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (cette langue était considérée comme éteinte, mais elle connaît de nos jours un renouveau) ;
- le breton, langue de la partir occidentale de la Bretagne continentale. Proche cousin du cornique, le breton est classé comme langue celtique insulaire. Bien qu’une influence historique du gaulois sur le breton soit possible, on ne saurait vraiment le prouver.
Auraient aussi appartenu à ce groupe, au Moyen Âge :
- le cambrien dans le Gododdin, le Rheged, l’Elmet et le Strathclyde, royaumes médiévaux de l’Ecosse du sud-ouest et de l’Angleterre du nord-ouest
… et, peut-être :
- l’ivernique dans le Leinster en Irlande, dans l’Antiquité (hypothèse)
- le gaulois, parfois classé aujourd’hui au sein d’un supra-groupe gallo-brittonique
- le picte, si tant est qu’il n’ait existé qu’une seule langue picte, considéré également par certains chercheurs comme une langue brittonique, mais la question est encore très controversée (d’autres y voient une langue préceltique non indo-européenne : voir mon article sur les Pictes).
Une écriture particulière : l’Ogham
Les premiers Gaëls ne nous ont pas laissé de traces écrites et on pense qu’ils n’ont commencé à écrire qu’avec l’arrivée du christianisme. Toutefois il est difficile d’établir une date exacte car la date d’arrivée du christianisme n’est pas plus certaine.
Quoi qu’il en soit, le début de l’écriture se situe quelque part entre le Ier et le Ve siècle après J.C., quand les Gaëls mettent au point l’ogham, un système d’écriture dont on a retrouvé de nombreuses traces sur des pierres tombales et des monuments, mais également dans plusieurs parchemins particulièrement précieux, surtout en Irlande bien sûr, mais aussi en Grande-Bretagne, essentiellement dans les terres ayant subi des invasions gaëlles : l’Ecosse, le Pays de Galles et la Cornouailles. Une écriture tout à fait particulière :
Les Gaëls et les Romains
Les Celtes d’Irlande forment divers clans particulièrement belliqueux ; les Romains, qui commencent la conquête de l’île de Grande-Bretagne en 55 av. JC puis occupent pendant des décennies la belle province de Britannia ainsi créée (Angleterre actuelle – voir ma Petite Histoire de l’Angleterre), n’occuperont jamais l’Irlande (« Hibernia ), peuplée de populations trop difficilement assimilables et trop loin du cœur de l’Empire.
A l’instar des Hautes Terres d’Ecosse (Highlands), peuplées des féroces Calédoniens/Pictes (voir mon article sur le sujet), l’Irlande échappera ainsi à l’influence culturelle et à la domination politique romaine qui marquera la Britannia (routes, villes, thermes, fortifications, aqueducs…). Ainsi, à l’inverse de la Gaule ou du sud de l’île de Bretagne (= future Angleterre), et bien que le gouverneur militaire de Britannia Cnaeus Julius Agricola ait préparé l’invasion de l’île d’Irlande en 82 ap. JC (une invasion qui, pour diverses raisons, n’aura finalement jamais lieu), l’Irlande (tout comme la future Ecosse) échappera à la romanisation et conservera toute sa spécificité celtique.
Mais cela ne signifie pas pour autant que les Gaëls vivent alors totalement à l’écart de l’Empire romain ! De fait, si les Romains étaient sans nul doute supérieurs aux Celtes en matière de génie civil et de puissance militaire, les Celtes, de leur côté, étaient particulièrement talentueux dans divers domaines :
- l’art décoratif des métaux précieux (bronze, argent, travail à la feuille d’or)
- l’émaillerie
- le travail de l’ambre de la Baltique et du corail (importé de Méditerranée)
- l’art de la navigation (et donc du commerce)
- etc.
Artisans de talent dotés de nombreux savoir-faire (voir, une fois encore, mon article sur les Celtes), mais aussi de mines d’or et d’argent (en Irlande, oui, oui !^^), les Gaëls produiront de nombreux artefacts de qualité (armes, bijoux, ustensiles domestiques ou religieux), très prisés des romains pour leurs caractéristiques décoratives spécifiques (motifs organiques inspirés de la nature, entrelacs, motifs abstraits mystérieux…) ; un art et un style qui seront à l’origine du style employé bien plus tard par les enlumineurs d’Irlande et d’Écosse, dans les livres sacrés du Moyen Âge (dont le très célèbre Livre de Kells, conservé à la bibliothèque de Trinity College, à Dublin).
Loin d’être totalement retranchés sur leur île et coupés du reste du monde, les Gaëls entretenaient donc de solides relations commerciales avec l’Empire romain (nombreuses pièces romaines retrouvées en Irlande).
Les Gaëls (ou Scots) et le royaume de Dalriada en Ecosse
Aux IIIe, IVe et Ve siècles après JC, les Gaëls (appelés Scoti ou Scotti par les auteurs latins de la fin de l’antiquité et du haut Moyen Âge) originaires du nord-est de l’Irlande attaquent régulièrement la côte ouest de la (Grande-)Bretagne (au sud comme au nord du mur d’Hadrien, donc la province romaine de Britannia autant que les terres calédoniennes-écossaises-pictes et brittoniques du nord). Après le départ des Romains en 410, ce peuple, conquérant et expansionniste, s’établit même en divers points de la côte ouest de l’île de Bretagne : le Galloway (juste au nord du mur d’Hadrien), le Devon et le Pays de Galles actuels (en province de Britannia), puis, surtout, en Argyll et dans les Hébrides, donc dans le sud-ouest des Highlands écossaises actuelles.
C’est là, dans le sud-ouest de l’Ecosse, qu’ils s’installeront durablement : au cours du Ve siècle, ils colonisent donc des terres picto-calédoniennes : les îles situées entre l’Irlande et l’Ecosse (Islay, Jura, Mull…), puis le sud-ouest de l’Ecosse (péninsule de Kintyre, Argyll, Bute, Lochaber…), puis d’autres Hébrides intérieures, et y fondent, au tournant du VIe siècle, un royaume, Dalriada, du même nom que le royaume irlandais qu’ils quittent (également le nom de leur clan) : ce royaume s’étalera donc de part et d’autre de la mer et gardera une unité culturelle relativement longtemps.
Les Scots amènent avec eux leur langue (celtique), le gaélique (aussi nommé « erse »), bientôt parlé dans toutes les Highlands. Cette langue demeure, aujourd’hui encore, très proche du gaélique irlandais. (NB : je mentionne ce royaume scot dans mon roman Pour l’amour d’une Sasunnach, le héros trouvant ses origines dans ces envahisseurs gaëls). Il s’agit donc alors d’un royaume comprenant des terres à la fois dans le nord-est de l’Irlande et dans le sud-ouest écossais.
Cela mis à part, on connaît plutôt mal l’histoire interne de ce royaume des VIe, VIIe et VIIIe siècles : une chose est sûre : une dynastie domine, celle de Fergus, et les Scots se tapent régulièrement dessus avec les Pictes, les Angles et les Bretons voisins.
NB : Malgré quelques tentatives d’évangélisation romaines du temps de la province de Britannia, ce sera avec les moines scots que la christianisation des Pictes (et donc de la future Ecosse) aura vraiment lieu… Mais j’anticipe !
Pour plus de détails, voir mes articles sur :
- Les Celtes
- Les Pictes & Calédoniens, les tout premiers « Ecossais »
- Les Scots, ces envahisseurs qui donnèrent leur nom au pays
- L’Histoire de l’Ecosse (synthèse générale)
- L’Ecosse médiévale (zoom sur le Moyen Âge central)
Saint Patrick et le christianisme
Si l’Irlande échappe à la romanisation, elle n’échappera pas, quelques siècles plus tard, à la christianisation, qui marque la fin de la mythologie celtique. Selon la légende, l’île est christianisée par le très célèbre Saint Patrick ou « Padraig », un fonctionnaire britto-romain, ainsi que par d’autres missionnaires chrétiens au cours du Ve siècle ap. JC (un saint toujours très loué de nos jours : rappelons que la Saint Patrick est probablement la fête irlandaise la plus populaire et la plus connue de par le monde).
Saint Patrick est souvent représenté en train de discuter avec les druides, tentant de les convaincre que sa foi en Dieu est plus puissante que la « magie druidique ». Il aurait expliqué le principe de la Trinité par la feuille de trèfle à trois lobes (le concept de triades étant très répandu dans la mythologie celtique), d’où le symbole de l’Irlande d’aujourd’hui.
Ainsi, la conversion du pays se fait relativement pacifiquement (vs d’autres régions d’Europe, où la conversion se sera faite par la force – pensons notamment aux contrées scandinaves…), par l’intermédiaire de la classe sacerdotale celtique traditionnelle, celle des druides, des vates et des bardes).
Le rituel chrétien roman se celtise (ou plutôt, le rite celte se retrouve imprégné par les usages chrétiens et monastiques…), favorisant l’émergence d’un monachisme très particulier, doté de nombreux centres spirituels d’importance, et qui deviendra une référence en Europe. Et c’est d’Irlande que le célèbre moine Colomba partira fonder l’abbaye d’Iona, qui deviendra la base de départ de l’évangélisation de l’Ecosse. D’ailleurs, les moines venus d’Irlande et d’autres contrées celtiques seront nombreux à migrer en Europe de l’Ouest pour évangéliser les dernières populations païennes et fonder des monastères. Le monachisme celtique s’exportera massivement en Ecosse, en Bretagne, en Gaule et même en Germanie.
Ainsi si, en réalité, cette évangélisation par un dénommé Patrick pourrait n’être qu’une forme de légende, une tradition romantique (quand plusieurs évangélisateurs auraient en réalité combiné leurs efforts pour convertir l’Irlande), il n’en résulte pas moins que l’arrivée de la religion du Christ en Irlande donnera naissance, par un savant mariage entre christianisme, culture gaëlle et paganisme celtique, à ce qu’on appellera le christianisme gaël ou celtique qui s’exportera ensuite en Ecosse, terre colonisée par les Gaëls, et fera la gloire de l’Irlande (rayonnement spirituel) pendant plusieurs siècles.
Les monastères de Clonard, de Clonmacnoise, de Bangor ou de Glendalough, entre autres, seront des centres médiévaux importants de culture et de spiritualité.
Ce n’est qu’au VIIe siècle que le synode de Whitby rejettera la liturgie irlandaise et les rites celtes au profit de la liturgie romaine. Certains usages celtiques se maintiendront néanmoins jusqu’au XIIe siècle.
Pour en savoir plus, voir ces articles (extérieurs) sur :
Les Gall Gàidheal : les Vikings-Gaëls
Aussi dits en anglais « Norse-Gaels », en français « Vikings-Gaëls » ou « étrangers-Gaëls », les Gall Gàidheal, à la fois d’origine scandinave et gaëlle, formèrent un peuple qui domina une grande partie de la mer d’Irlande, des Hébrides, de l’île de Man et de l’ouest de l’Ecosse pendant presque tout le Moyen Âge.
On s’en souvient : à partir de 795, les raids vikings déferlent sur l’Europe. L’Irlande, les Hébrides, les Shetland, les Orcades, les Féroé et les côtes écossaises ne sont guère épargnées et les raids se poursuivent, bientôt doublés de la construction de ports et de camps fortifiés dans lesquels les envahisseurs nordiques hibernent, pour mieux harceler villes, villages, côtes, abbayes, églises et monastères le printemps revenu. Les raids nordiques continueront non seulement pendant tout le IXe siècle, mais également pendant le siècle suivant, de façon plus ou moins intense selon les régions. Ce n’est qu’à la bataille de Clontarf, en Irlande, en 1014, que le roi gaël Brian Boru aurait brisé définitivement la menace viking.
Cependant, les Vikings laisseront derrière eux de nombreuses villes et des royaumes indépendants construits ou conquis par eux, Dublin, Waterford, Wexford, Cork et Limerick (pour l’Irlande), mais aussi de nombreuses chefferies, des villes et de nombreux petits royaumes dans les Hébrides, les Orcades et la côte ouest de l’Ecosse (« Stjórnavágr / Steòrnabhagh » dans les Hébrides, par exemple).
Aujourd’hui, les traces historiques ne sont pas assez nombreuses pour bien différencier les Vikings norvégiens des Vikings danois, mais l’étymologie montre que les Gaëls faisaient la différence entre un Gall dubh (étranger aux cheveux noirs) et un Gall fionn (étranger aux cheveux clairs). Le premier terme se serait appliqué aux Danois, et le second aux Norvégiens, les Gaëls d’Irlande ayant (supposément) remarqué la différence de couleur de cheveux entre ces deux groupes scandinaves.
Les Scandinaves finiront par être totalement absorbés dans la vie politique et religieuse de l’Irlande et, en Ecosse, ils se mélangeront aux Pictes (nord et ouest du pays) et aux Gaëls (sud-ouest), au gré des alliances et des conflits. Ce faisant, ils adopteront également les coutumes, la religion (christianisme celtique) et la langue locales. Cette gaélicisation donnera finalement le jour au terme de « Gall Gàidheal », c’est-à-dire des « étrangers Gaels », un peuple de « sangs-mêlés », in fine (un peu, en somme, comme les Normands en Normandie, mi-nordiques, mi-francs, parfois même de simples Vikings francisés).
A noter : cette terminologie était employée autant par certains Irlandais et Ecossais (« de pure souche ») désireux de les fustiger que par les Gaëls-Vikings eux-mêmes, qui revendiquaient pour leur part fièrement leur double héritage.
Les Gall Gàidheal domineront la mer d’Irlande jusqu’à la conquête normande vers 1169-1175 (voir la première partie de ma série de 3 articles sur l’Histoire de l’Irlande), et les Hébrides bien plus longtemps encore : ils fonderont nombre de royaumes plus ou moins durables, comme ceux de l’île de Man, d’Argyll, de Dublin, d’York et du Galloway.
A terme, un des rois des Hébrides parviendra à imposer son autorité aux autres : ce Seigneur des Îles (Lord of the Isles) mènera la vie dure au souverain officiel d’Ecosse jusqu’au XVIe siècle et les Hébrides ne seront officiellement cédées (ou plutôt vendues) par le roi norvégien Magnus VI au roi d’Ecosse Alexandre III qu’en 1266, et longtemps le Seigneur des îles, fort éloigné d’Edimbourg et de Stirling, résistera à l’autorité centrale. Si bien que le surnom gaélique des Hébrides reste Innse Gall, les « îles d’étrangers ».
NB : donnant lieu à une véritable (mais très méconnue) diaspora, des étrangers-Gaëls se seraient également établis en Islande, dans les îles Féroé… et, au moins pour une courte période… dans le Cotentin !
Conclusion
Pour poursuivre votre exploration de l’Histoire de l’Irlande, je vous propose de découvrir sans tarder la première partie de ma série d’articles sur l’Histoire du pays ainsi que cet article (d’invité) sur la mythologie celtique.
Pour les curieux, voici le lien vers mon roman L’Irlandais (parution : automne 2024).
Enfin, pour les « visuels » (ou les plus paresseux^^), vous pouvez également poursuivre l’aventure avec ces deux vidéos très intéressantes :
Texte : (c) Aurélie Depraz
Illustration générale de l’article : deux images libres de droit (Pixabay)
Sources des illustrations internes à l’article mentionnées en légende