Vous commencez à me connaître : impossible de publier un roman sans partager avec vous toute une batterie d’articles en présentant le contexte (articles bonus, coulisses, cartes géographiques, synthèses historiques…)
Mon prochain roman, Retour à Blue Valley (parution : mai 2021) se déroulant au cœur du Montana, il m’était impossible de ne pas succomber à la tentation de rédiger, au passage, une « Petite Histoire des Etats-Uniques d’Amérique », à l’instar de toutes mes « Petites Histoires » partagées déjà sur ce blog…
Pour plus de lisibilité, j’ai découpé cette « petite » synthèse en 5 parties.
Sans attendre, voici donc la première ! Bonne lecture !
1e PARTIE : DES ORIGINES A LA COLONISATION EUROPENNE
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Aux origines… (la période précolombienne)
Aux origines, bien sûr, il y a les Amérindiens : les « Native Americans », comme disent les Etats-Uniens aujourd’hui. Des peuples vraisemblablement venus des grandes steppes asiatiques (Mongolie, Sibérie actuelles…), via le détroit de Béring (entre la Russie et l’Alaska) des millénaires avant les Blancs (les dates avancées pour cette migration vont de – 12 000 à – 30 000 et même – 100 000 ans : il est en réalité fort probable qu’il y ait eu, dans les faits, plusieurs vagues successives…).
En tout état de cause, un vaste mouvement migratoire qui aurait eu lieu à la faveur de la dernière ère glaciaire : niveau de la mer bas, détroit glacé, vaste plaine de 1000km de largeur servant de pont entre le continent asiatique et le continent américain en lieu et place du détroit maritime que l’on connaît aujourd’hui.
NB : certains experts pensent que tout ou partie de cette migration aurait en réalité eu lieu par bateau… via le Pacifique (!!!! des pirogues qui traversent tout le Pacifique ??), en provenance d’Océanie (ressemblances de certains Amérindiens avec les Mélanésiens, les Aborigènes…) pour toucher avant tout l’Amérique du Sud… Enfin, des restes humains trouvés au Brésil montrent de curieuses similarités avec les Africains d’aujourd’hui… et pourraient témoigner d’une autre source de peuplement ancien… (mais qui n’aurait pas laissé de descendance, en tout cas pas au moment où les Blancs touchent l’Amérique… Un peuple disparu ? Extinction « naturelle » ? Extermination par les Amérindiens venus de Sibérie ensuite ?)
Bref, pas simple ! Néanmoins, les études les plus nombreuses convergent dans le sens d’ancêtres sibériens et mongols passés par le détroit de Béring… Il s’agit, encore aujourd’hui, de la thèse la plus souvent admise (et la plus probable d’un point de vue « logistique » et matériel, avouons-le !).
Pour info, cette 1ere vidéo d’une série de 4 portant sur les premiers « découvreurs » et peuples de l’Amérique est, à cet égard, très bien faite :
Ces premiers occupants de l’Amérique se répartissent sur l’ensemble du continent américain (Amérique du Nord, du Sud et centrale) en se divisant en d’innombrables tribus (des centaines), qui évoluent bien sûr au cours du temps et finiront par donner de nombreux peuples très connus de l’Histoire : Sioux, Cheyennes, Aztèques, Mayas, Iroquois, Incas, Hurons etc.
Ces peuples sont d’une diversité de mythes, rites, pratiques, coutumes, langues et habitats incroyable. Certains d’entre eux fondent de véritables cités, des villages en terrasses, des empires (les Aztèques, les Incas), des maisons à plusieurs étages ; certains sont nomades, d’autres sédentaires. Certains pratiquent les sacrifices humains, d’autres un véritable culte de la nature sous toutes ses formes, d’autres le cannibalisme, d’autres encore des danses du soleil ou de la pluie ; d’autres encore savent creuser des réseaux d’irrigation, connaissent la céramique ou tissent des vêtements en coton. Ils vivent dans des environnements aussi variés que les grandes plaines de l’Ouest américain, le grand Nord canadien, la jungle amazonienne ou les montagnes de la cordillère des Andes…
On s’en doute : ils n’ont alors pas grand-chose à voir les uns avec les autres et les guerres, comme partout ailleurs, sont nombreuses… et incessantes. Des centaines de cultures et quelque 2000 langues se partagent alors le continent américain.
Venus aussi par le détroit de Béring plus tard : les Esquimaux de la culture de Dorset (vers -2 500 av. JC), puis de la culture de Thulé (vers l’an 500 ap. JC). Ils donneront les Inuits de l’Alaska, puis du Canada, puis du Groenland d’aujourd’hui…
Puis, pendant des millénaires, l’Amérique ne connaîtra plus aucune autre phase migratoire venue de l’extérieur : le détroit maritime de Béring s’est formé avec la fin de l’ère glaciaire, le continent américain est isolé du reste du monde par deux immenses océans : l’Atlantique à l’est, le Pacifique (bien plus vaste encore) à l’ouest.
Les seuls étrangers à fouler (brièvement, mais pour sûr !) le sol américain avant que les grandes puissances européennes ne croient « découvrir » l’Amérique en 1492, ce sont des Vikings venus du Groenland (et, avant cela, d’Islande) autour de l’an Mil (le continent aurait peut-être même été aperçu une première fois par l’un d’entre eux quelques années auparavant) : ils touchent deux-trois îles et côtes de l’est du futur Canada mais n’y demeurent pas (des traces archéologiques ont été retrouvées, on estime leur présence à une décennie maximum – et probablement de façon épisodique – et on suppute que leurs rapports avec les autochtones rencontrés ne les ont pas incités à rester : ils repartent presque aussitôt vers le Groenland, où leur colonie, pour le coup, perdura encore plusieurs siècles, jusqu’à la fin du XIVe s.). D’après certaines découvertes et recherches génétiques, il n’est en revanche pas exclu qu’ils aient laissé en Amérique quelques gènes…
Mais ces passages ne sont qu’éphémères, fugaces. Personne n’y reste, personne n’en parle vraiment. Une chose est certaine : les grands royaumes européens de la Renaissance n’en ont, pour leur part, et avant 1492, absolument jamais entendu parler…
Pour tout savoir des théories en cours ou passées (et parfois rocambolesques) sur d’autres peuples (Phéniciens, Romains, Grecs, Irlandais, Gallois, Polynésiens, Chinois, Malais, Arabes…) ayant peut-être foulé le sol américain avant Christophe Colomb, je vous invite à voir ces 3 vidéos ! Passionnantes ! (la suite de la fameuse série de 4 mentionnée un peu plus tôt dans cet article)
A noter : j’avais déjà lu certaines de ces théories à droite à gauche (notamment celle des Chinois, celle de Niccolo Zeno…). Néanmoins, le seul passage précolombien avéré (« pour sûr ») sur le sol américain (hors Amérindiens et Esquimaux) reste, à ce jour, celui des Vikings.
Avant l’arrivée des Européens, on estime la (très faible) population américaine à quelques millions d’habitants au total (Nord et Sud confondus) : de 1.5 à 8 millions selon les estimations. Certains avancent néanmoins le chiffre de 75 millions d’Indiens (!).
La « découverte » des Amériques par les Européens
Quand le Moyen Âge commence à toucher à sa fin, cela fait des siècles que l’Europe regarde vers l’Est : croisades, relations commerciales, axe est-ouest de la Méditerranée, route de la soie…
Mais les grandes Républiques de la péninsule italienne, Gênes et Venise en tête, contrôlent et dominent étroitement les routes des épices, le commerce des denrées orientales de valeur, et tous les échanges est-ouest. Au XVe s., les puissances ibériques (Portugal, Castille, Aragon), situées à l’extrémité occidentale du bassin méditerranéen, cherchent à prendre davantage de parts dans ce marché et, en quête de nouvelles routes vers les Indes leur permettant d’éviter la Méditerranée (bien trop contrôlée à leur goût par les grandes cités commerciales italiennes, et en partie bloquée par ailleurs depuis la prise de Constantinople par les Turcs en 1453), se mettent à explorer les océans.
Le Portugal tente sa chance en contournant l’Afrique et se concentre sur le cabotage le long de ce vaste continent, jusqu’à sa pointe sud. Son but : contourner l’Afrique et atteindre les Indes via l’océan Indien.
Grands explorateurs portugais :
- Dinis Dias qui atteint le Cap Vert en 1444
- Bartolomeu Dias qui atteint le Cap de Bonne-Espérance (pointe sud de l’Afrique) en 1487
- Vasco de Gama qui, en 1498, atteint l’Inde, après avoir doublé ce même Cap de Bonne-Espérance et traversé l’océan Indien, ouvrant ainsi la route maritime orientale vers les Indes
- Et, plus tard, Magellan, qui part en 1519, découvre le détroit qui porte son nom (entre l’Amérique du Sud et la Terre de Feu), découvre de (très) nombreuses autres terres, îles et mers (Pacifique, Océanie, Asie…) inconnues des Européens, et réussit le premier tour du monde…
Les Espagnols, eux, tentent leur chance par l’ouest : après tout, si la Terre est ronde, la traversée de l’Atlantique devrait leur permettre d’atteindre l’Extrême-Orient…
La suite, on la connaît : avec Christophe Colomb, en 1492, les premiers explorateurs d’Isabelle de Castille tombent sur des îles caribéennes… en croyant avoir atteint l’Asie. Il faudra attendre le Florentin Amerigo Vespucci (au service des Médicis, puis de la Castille et du Portugal), qui fera plusieurs voyages transatlantiques après Colomb, pour comprendre que ce qu’on a « découvert » n’est en réalité rien moins qu’un nouveau continent…
C’est la lucidité de ce brillant explorateur qui vaudra à l’Amérique de s’appeler « Amérique » et non « Colombie »…
Le partage de l’Amérique
Les découvertes se multipliant, les rois espagnols et portugais signent le traité de Tordesillas en 1494 afin d’éviter tout conflit : pour l’instant, ils sont seuls maîtres des océans et peuvent se partager le monde en tout liberté.
Il est donc décidé que tout ce qui serait trouvé via l’Atlantique, à l’ouest (en gros, les futures Amériques), serait espagnol, et que tout ce qui serait découvert via les routes de l’est, jusqu’en Asie, serait Portugais (i.e la future Afrique, mais aussi l’est du Brésil, que les Portugais découvrent par hasard en essayant de contourner par l’ouest des courants marins de l’Atlantique sud – toujours en essayant d’atteindre la pointe de l’Afrique – et qui se trouve lui aussi à l’est du méridien de Tordesillas, fixé avant que les Portugais ne touchent inopinément cette nouvelle terre, et bien avant que l’on ne prenne conscience que les îles et côtes américaines du nord et du sud ne forment qu’un seul et même continent !).
Les Anglais et les Français s’en mêlent…
Et les Britanniques, dans tout ça ? Et les Français ? Et l’Amérique du Nord ?
Disons-le franchement : au début, la France et l’Angleterre, trop occupées à finir de se taper dessus (fin de la guerre de Cent Ans, rappelons-le : 1453), sont complètement à la ramasse. Ce qui perdurera jusqu’à la fin des années 1500, d’ailleurs…
Mais bientôt, ces deux grandes puissances européennes se réveillent : la guerre de Cent Ans prend fin, l’Angleterre a perdu toutes ses possessions continentales pourtant pluriséculaires (la Normandie (ralliée à l’Angleterre depuis Guillaume le Conquérant au XIe s., et récupérée par Philippe Auguste au début du XIIIe siècle), l’Aquitaine (dite « Guyenne », anglaise depuis Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt), quelques ports du Nord comme Calais, les possessions en Val de Loire des Plantagenêt…) ; les rois de France peu à peu ont tout repris, et l’Angleterre se tourne vers la mer pour retrouver de nouveaux marchés.
Avec un train de retard, Français et Anglais se lancent donc dans la bataille : il ne faudrait pas que l’Espagne et le Portugal se partagent tout le gâteau sans eux… Les Provinces-Unies (futurs Pays-Bas), elles aussi, se jettent dans la mêlée, et de nouveaux explorateurs sillonneront les mers pour les décennies à venir :
- Jean Cabot (un Génois au service d’Henri VIII d’Angleterre) découvre Terre-Neuve en 1497, au large du Canada (il croit, comme Colomb, avoir atteint l’Asie)
- Verrazano explore pour François Ier les côtes du Nouveau Monde, de la Caroline du Nord jusqu’à la Nouvelle-Ecosse en 1524 ; il aurait à cette occasion touché le site de la future Nouvelle-Amsterdam (par la suite rebaptisée « New York »…) et l’aurait appelé Nouvelle-Angoulême… Le pont Verrazano-Narrows (pont suspendu de la ville de New York aux États-Unis, reliant Brooklyn et Staten Island) est encore là pour rappeler ce petit épisode de l’Histoire de la ville…
- Sous François Ier toujours, le Français Jacques Cartier découvre le Saint-Laurent (Québec) en 1534 et explore ce qui deviendra le Canada…
- Richard Chancellor, au début du XVIe s., explore l’Atlantique nord, recherche le « passage du Nord-Est », découvre de ce fait la mer Blanche en contournant la Scandinavie par le nord et établit des relations commerciales avec le tsar de Russie Ivan le Terrible
- Le Hollandais Willem Janszoon explore la côte ouest de l’Australie (nommée Nouvelle-Hollande) en 1606…
- Le Hollandais Abel Tasman explore la Nouvelle-Zélande dès 1642…
- D’autres viendront encore plus tard (le Capitaine Cook, notamment…)
Au XVIe s., l’Angleterre, la France et la Hollande participent donc à ce grand mouvement exploratoire, quoique moins massivement et moins hardiment que l’Espagne et le Portugal, qui devancent largement les trois premiers dans ce mouvement aventurier, puis colonial (ils détiendront et contrôleront pendant des siècles l’Atlantique sud, les côtes africaines et l’océan Indien). C’est l’âge des navigateurs, des explorateurs et des grands capitaines et pilotes qui risquent tout au nom des diverses couronnes pour que le partage du monde ne se fasse pas sans leur souverain. Les cartes du monde se dessinent, les informations sont méticuleusement collectées et répertoriées, les limites du monde connu des Européens sont repoussées.
Parmi les grands facteurs ayant poussé toutes les principales puissances européennes à chercher de l’or et de nouvelles richesses outre-mer figuraient :
- Le désir de se procurer les produits orientaux, devenus rares, chers et difficiles à se procurer depuis l’expansion de l’Empire Ottoman (qui fait barrage)
- Une population européenne en forte croissance
- Des conflits religieux (fuite de protestants persécutés, notamment)
- Un souci d’évangélisation des autres peuples du monde (donc soutien des papes successifs…)
- Les progrès en matière de navigation
Mais, ces quelques explorateurs mis à part, sous les différents Tudors (XVIe s.), les Anglais se contentent globalement (par la « guerre de course » menée par les « corsaires », Sir Francis Drake, John Hawkins et Sir Walter Raleigh en tête), de piller les galions espagnols pleins de richesses du Nouveau-Monde et de saper leurs initiatives outre-Atlantique (les Portugais et les Espagnols sont alors très en avance sur les Anglais et les Français, ils sont déjà solidement implantés dans les Amériques, sur la côte occidentale de l’Afrique, au Brésil et jusqu’en Chine et ils contrôlent la route maritime qui contourne l’Afrique par le sud…).
Ce n’est qu’à partir du règne de la reine Elizabeth Ière (toute fin XVIe s.) que les Anglais tentent une implantation démographique en Amérique. Certains penseurs et auteurs anglais commencent en effet à faire pression sur le gouvernement pour qu’un empire britannique voie également le jour (les empires portugais et espagnol sont déjà vastes, et les Français commencent à s’établir dans la « Nouvelle-France », le long du fleuve Saint-Laurent (Québec actuel)!)
Les Français, très occupés par les guerres de religion au sein de leur propre royaume, sont lents aussi à lancer leur propre colonisation : le XVIe s. se résume pour eux à de l’exploration géographique, du commerce de fourrures avec les Amérindiens, de la pêche à la morue dans les eaux nord-atlantiques et canadiennes… Mais pour ce qui est d’une véritable installation, il faudra attendre la fin des guerres de religion, et donc le XVIIe s. (première expédition de Samuel Champlain : 1603 ; fondation de Québec : 1608 ; fondation de Trois-Rivières : 1634 ; fondation de Montréal : 1642 ; premier intendant (Jean Talon) envoyé au Canada en 1665 ; lancement d’une politique de peuplement ; puis exploration du Mississippi et création de la très vaste Louisiane en 1682…).
Pour rappel, l’empire espagnol comprend alors, grosso modo, toute l’Amérique centrale (sauf le futur Brésil) et les Philippines, et l’empire portugais, très différent, comprend alors le futur Brésil, une série de comptoirs le long des côtes africaines (orientales comme occidentales), dans l’océan Indien, sur la route des Indes orientales, et en Inde même. Les Portugais dirigent les premières plaques tournantes du trafic négrier (dont le Brésil sera le plus gros bénéficiaire et le plus gros demandeur tout au long de la traite). Il s’agit en effet, pour eux, moins d’occuper des régions ou de les coloniser que de contrôler une route commerciale de l’Orient vers Lisbonne, d’y drainer toutes sortes de richesses (épices) et d’acquérir des monopoles. En réalité, cet empire, plus fragile que l’Eldorado des Conquistadores espagnols, succombera très vite aux velléités hollandaises, françaises et anglaises, une fois ces puissances européennes réveillées (encore une fois, au cours du XVIe s. seulement, tandis que les explorateurs espagnols et portugais sillonnaient déjà abondamment les mers au XVe s.)
Les Hollandais, de leur côté (Provinces-Unies) se mettent à pratiquer le grand cabotage, s’installent à leur tour un peu partout (Guyane hollandaise, quelques îles des Antilles, comptoirs en Asie, en Afrique…), remplacent les Portugais en plusieurs endroits, se font de gros commerçants de produits orientaux et créent les Indes néerlandaises.
L’installation en Amérique du Nord : le temps de la colonisation
Les premiers migrants anglais s’installent à Jamestown, en Virginie, en 1607, puis à Terre-Neuve en 1610. Ils sont suivis de près par les Pilgrim Fathers (protestants puritains) qui, en 1620, quittent l’Angleterre des Stuarts catholiques pour l’Amérique du Nord (à bord du Mayflower), où ils fondent le noyau de la Nouvelle-Angleterre avec la ville de Plymouth (Massachussetts). La colonisation de l’Amérique du Nord n’intervient donc que plus d’un siècle après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, alors que les Espagnols et les Portugais ont entrepris depuis longtemps une colonisation en règle (doublée de pillages et de véritables génocides) de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale…
Les Suédois et les Hollandais, pour leur part, se sont installés sur l’embouchure de l’Hudson : les Hollandais ont notamment fondé, au cœur de la « Nouvelle-Hollande » (futur New Jersey) la « Nouvelle-Amsterdam » sur la presqu’île de Manhattan (en 1609) et les Suédois se sont installés dans le Delaware en 1638 (« Nouvelle-Suède »).
Au cours des 150 années suivantes (XVIIe et première moitié du XVIIIe s.), le dispositif des Treize Colonies britanniques d’Amérique est créé peu à peu : la colonie anglaise d’Amérique prend forme. Ce processus passe par de nombreuses phases, comme :
- la prise de la Nouvelle-Amsterdam aux Hollandais (ville renommée « New York » par les Anglais…), qui permet de rattacher la Nouvelle-Angleterre du nord (née autour de Plymouth) aux colonies plus au sud de Virginie etc…
- la prise de la Nouvelle-Suède
- la fondation de nouvelles colonies anglaises (Maryland, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Pennsylvanie…) tout au long du XVIIe siècle
- la fondation de la Géorgie en 1732, pour finir.
Pendant ce temps, les Espagnols ont fini de conquérir l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale, mais aussi (fait très important en ce qui concerne le sujet de cet article, vous en conviendrez avec moi), la Floride, le Texas et tout le sud-ouest des futurs Etats-Unis : Arizona, Utah, Nevada, Colorado, Californie. A noter : ils ont touché/exploré/colonisé ces futurs états méridionaux des USA (côte nord du Golfe du Mexique, Floride, Californie et tout le grand sud-ouest…) dès le milieu du XVIe s., bien avant les colonies de Jamestown et de Plymouth !
Les Français, quant à eux, ont créé la « Nouvelle-France », qui inclut non seulement le Québec (et même toute la partie est du Canada), mais aussi toute la « Louisiane », qui inclut alors non seulement la Louisiane d’aujourd’hui, mais aussi tout le centre-est des USA modernes, tous ces territoires situés entre les Appalaches à l’est (chaîne de montagnes) et les territoires indiens du grand Ouest américain : en somme, cette Louisiane française lie les côtes du golfe du Mexique au Québec en englobant toutes les terres situées au milieu : les états actuels du Missouri, de l’Illinois, de l’Arkansas, de l’Iowa, du Wisconsin, du Mississippi, du Minnesota, du Michigan, de l’Ohio, du Kentucky, du Tennessee, de l’Indiana, de l’Alabama… Oui, tout ça !
Ce sont donc des Français (Louis Jolliet, Jacques Marquette et Cavelier de La Salle, notamment) qui exploreront et remonteront le fleuve Mississippi tout au long du XVIIe s.
La vaste « Louisiane » est ainsi nommée en l’honneur de Louis XIV. Les Français, avec leurs « coureurs » des bois, explorent aussi toute la moitié est (et même au-delà) du Canada, nouent des rapports commerciaux étroits avec les Indiens et possèdent alors près de la moitié du continent nord-américain, qu’ils ne contrôlent que grâce aux solides alliances qu’ils ont conclues avec les tribus locales.
A l’ouest : les territoires inexplorés, indiens (toute la moitié ouest des futurs USA, possessions espagnoles du sud-ouest mises à part) : en somme, le Montana, les 2 Dakotas, le Wyoming, le Nebraska, l’Oregon, l’Etat de Washington, tout le grand ouest Canadien… tout cela reste aux mains des Indiens.
Remarque : nous n’y reviendrons pas, mais c’est aussi à partir du début du XVIIe s. que les Anglais, décidés à rattraper leur retard et à se doter eux aussi, à l’instar du Portugal et de l’Espagne, d’un véritable empire colonial… se lancent dans sa construction à travers le monde entier.
1 – Ils s’installent :
- En Gambie (Afrique de l’ouest) en 1618, pour veiller au bon déroulement de leur part du commerce triangulaire (esclavage…)
- A Madras (1639), Bombay (1662) et Calcutta (1696) pour veiller aux intérêts de la Compagnie des Indes orientales anglaise qui, à la fin du XVIIe, parvient presque à rivaliser avec ses concurrentes ibériques.
2 – Ils colonisent :
- Les Bermudes (1612)
- La Jamaïque (1655)
- Les Bahamas (1666)
- Les Iles Caïman (1670)
: comme les Français, les Anglais s’installent dans plusieurs îles des Caraïbes où ils développent le système des plantations de canne à sucre reposant sur l’esclavage, système déjà lancé par les Portugais au Brésil.
3 – Ils se lancent dans la traite négrière, certes encore une fois avec un temps de retard sur les Portugais et les Pays-Bas (Provinces-Unies), mais pour finir par assurer 1/3 de toutes les déportations d’esclaves depuis l’Afrique, des origines de la traite jusqu’à son abolition au XIXe siècle… Deux plus grands ports négriers anglais : Bristol et Liverpool…
Un empire britannique qui ne cessera de grandir, de bouger, de se modifier, pour atteindre son apogée à la veille de… la Deuxième Guerre Mondiale ! (voir aussi mon article intitulé « Petite histoire de l’Empire britannique »).
Des débuts difficiles…
Au XVIIe et au début du XVIIIe s., la vie est loin d’être facile dans les toutes nouvelles colonies anglaises (ce n’était guère mieux pour les Français, les Suédois ou les Hollandais, vous me direz, mais vous me serez sûrement reconnaissants de commencer ENFIN à me concentrer sur l’Amérique du Nord et les colonies britanniques, puisque cet article était censé se consacrer… à l’histoire des Etats-Unis !…^^). Ainsi :
- Les premiers migrants fuient souvent des persécutions religieuses (les puritains, notamment) : les protestants fuient les guerres de religion et l’intolérance européennes, nombre d’Anglais cherchent de nouvelles terres à cultiver, on envoie des prisonniers peupler les colonies (principe qui sera repris plus tard pour l’Australie)…
- Les terres colonisées par les Anglais sont pauvres en richesses naturelles (ce qui explique en partie que les Espagnols, en quête d’or avant tant tout, les aient délaissées)
- Les puritains qui voulaient atteindre la Virginie ont en fait « atterri » bien plus au Nord, en Nouvelle-Angleterre, dans un territoire austère, loin de tout ; ils sont mal équipés, ne savent pas tirer, pêcher, ne sont pas préparés à ce territoire nouveau et coupé du reste du monde…
- L’eau potable est insuffisante, le paludisme sévit, les récoltes sont parfois maigres, on meurt de faim et de froid, la peste arrive avec les vagues de nouveaux colons, on mange parfois des rats et certains actes de cannibalisme, dans des cas de famine extrême, sont aussi recensés… On est loin de la terre paradisiaque promise ! Nombre de colons trouveront refuge chez les Indiens pour survivre et, repris par les autorités blanches, seront punis, battus ou exécutés, et les Indiens massacrés !
- Parmi les nouveaux colons, on trouve aussi des sortes de « serfs à durée déterminée » : pour coloniser ces nouvelles terres et y développer le commerce, la traversée est offerte aux volontaires par la compagnie londonienne de Virginie contre 7 ans de travail gratuit, suite auxquels le colon se voit donner un lopin de terre… C’est ce qu’on a appelé les « indentured servants », qui seront bientôt remplacés par les esclaves noirs…
Côté démographie, les remous de l’histoire anglaise au xviie siècle ont une grande influence sur le peuplement des colonies : les dissidents (religieux) sont bientôt rejoints dans leur migration par les aristocrates et les catholiques après la Révolution anglaise et la proclamation de la République en 1648, puis par les Jacobites au début du XVIIIe siècle (voir ma « Petite Histoire de l’Ecosse » et ma « Petite Histoire de l’Angleterre »).
Enfin, des Suédois, des Allemands, des Hollandais et des protestants chassés par la Révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV en 1685 viennent eux aussi commencer une autre existence.
Peu à peu, et malgré ces conditions précaires, les colonies s’étendent le long du littoral atlantique. Une nouvelle société est fondée, qui s’articule autour de divers courants évangéliques. Les colons (Français, Anglais, Hollandais…) nouent des contacts avec les autochtones de la côte est des futurs USA, Hurons, Delawares, Algonquins…
La culture du tabac, plante découverte par les Indiens, se lance. Les Indiens font aussi découvrir aux colons leurs plantes et leurs animaux, le dindon, le maïs… En échange, les colons, pour les remercier de les avoir aidés à passer les premiers hivers (dans certains cas) et célébrer les premières bonnes moissons, organisent une journée d’action de grâce, à laquelle ils invitent les autochtones : c’est l’origine de la fête américaine de Thanksgiving.
De nouvelles cultures se lancent et des produits sont bien vite exportés, aussi bien de l’Amérique du Nord que du Sud : maïs, coton, tabac, sucre, cacao, pommes de terre, or, argent, riz… Bientôt, la main-d’œuvre est insuffisante (les Indiens sont décimés par les maladies européennes, contre lesquelles ils ne sont pas immunisés, et la main-d’œuvre blanche est insuffisante) : les Français et les Anglais rejoignent les Portugais dans la traite des Noirs. C’est le début de l’esclavage et du commerce triangulaire…
L’évangélisation des populations locales, lancée depuis longtemps en Amérique hispanique, se met aussi en place.
Quand s’ouvre le XVIIIe siècle…
Au XVIIIe s., Boston est devenu le centre économique de la Nouvelle-Angleterre ; Philadelphie est la ville la plus peuplée.
Des conflits éclatent entre colons et Indiens, entre Français et Anglais, entre trappeurs, mais on est encore loin de l’extermination pour ainsi dire « programmée » des Amérindiens : ceux-ci décèdent avant tout des maladies comme la variole, le choléra et la peste introduits par les Européens. Bien sûr, des tensions règnent, des conflits éclatent épisodiquement et certaines populations sont déjà contraintes de reculer vers l’ouest ou de se replier dans certains coins des colonies britanniques, mais on est encore loin des drames du XIXe siècle…
Et c’est surtout avec le XVIIIe s., qui pointe son nez à l’horizon, et l’impact des grandes guerres européennes du temps des Lumières que le destin des colonies outre-Atlantique, de ces vastes territoires, va se jouer… et que les USA vont naître…
Texte: (c) Aurélie Depraz
Illustration : Pixabay
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Pour poursuivre votre lecture, quelques liens :
- mon article sur l’Empire colonial britannique
- ma Petite Histoire de l’Angleterre (en 4 parties)
- la 2e Partie de cette Petite Histoire des Etats-Uniques d’Amérique
- mon roman Retour à Blue Valley
Vidéos et articles sur cette période de l’Histoire de l’Amérique en particulier :
Série de 4 vidéos sur la découverte et la colonisation de l’Amérique : (voici la 1ere, les autres suivent sur Youtube) https://www.youtube.com/watch?v=foqLfQbdhpw
Vidéo très très bien faite visuellement https://www.youtube.com/watch?v=DP0_LhNOM4s
Sur les Pilgrim Fathers du Mayflower : https://www.youtube.com/watch?v=ESGY3HoAukM + https://fr.wikipedia.org/wiki/Mayflower
Sur les colonies françaises d’Amérique (leur création puis leur perte) : https://www.youtube.com/watch?v=q-Y5UTiZNb0
Idem, version longue (long documentaire Arte de 1h30 sur les colonies françaises d’Amérique, leur création et leur perte: https://www.youtube.com/watch?v=DY1X5krzGIA
Histoire coloniale de l’Amérique du Nord : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_coloniale_de_l%27Am%C3%A9rique_du_Nord
Les Amérindiens : https://fr.wikipedia.org/wiki/Am%C3%A9rindiens_aux_%C3%89tats-Unis
Histoire globale :
Un super résumé de l’Histoire des USA : https://www.youtube.com/watch?v=BVBHlg8xDUA
Un documentaire arte 1h30 sur la Liberté au cœur de la construction des USA des origines à nos jours : https://www.youtube.com/watch?v=RXylXsZgz9Y
Version très courte : https://www.youtube.com/watch?v=eWhbAYv8u3Q
L’Histoire des USA : une simple histoire de migrations successives, en fait (j’aime beaucoup les 3 dernières minutes, très touchantes) :