Petite histoire de la littérature française
4 – Le classicisme
Suite (après ce bref intermède consacré à l’Histoire des Etats-Unis d’Amérique – en 5 parties tout de même ! – et à la parution de Retour à Blue Valley, mon 10e roman) de ma Petite Histoire de la Littérature française, du XVIe siècle à nos jours… commencée il y a quelques semaines sur ce blog.
Pour rappel, nous avions commencé avec :
- Une petite introduction générale
- Un article sur l’Humanisme
- Un article sur la Pléiade
- Et un article sur le Baroque, bien sûr…
Mais sans attendre, passons au mouvement qui fera la gloire de toute la seconde partie du XVIIe siècle français : j’ai nommé : le classicisme !
Introduction
Le classicisme, qui marque donc la seconde moitié du XVIIe siècle en France, sera un mouvement en totale opposition avec le baroque. S’il commence à poindre dans les années 1640 avec des auteurs comme Malherbe (à cheval sur le baroque et le classicisme – « Enfin Malherbe vint… » écrira Boileau dans son Art poétique), il ne connaîtra son véritable essor, puis son apogée, que sous le règne personnel de Louis XIV, et plus précisément de 1660 à 1715.
Rappelons en effet qu’au cœur du chaos de la seconde moitié du XVIe siècle (guerres italiennes et européennes, guerres de religion, guerres civiles, assassinats politiques, crise dynastique, massacres entre catholiques et protestants, arrivée des Bourbons sur le trône de France avec Henri IV suite à l’extinction des Valois…) et de la première moitié du XVIIe siècle (assassinat d’Henri IV par le catholique Ravaillac, enfant-roi trop jeune pour régner (Louis XIII), régence chahutée de Marie de Médicis…) était né le baroque.
Avec l’affirmation du pouvoir royal sous Louis XIII (et Richelieu) puis sous Louis XIV (avec Mazarin tout d’abord, puis seul), le contexte politique en France se stabilise peu à peu. Les dernières véritables secousses internes se font ressentir quand, en 1642 et 1643, Richelieu et Louis XIII meurent coup sur coup : Louis XIV, alors âgé de 5 ans, n’est pas encore en âge de régner : on revient quelque trente ans en arrière, au moment de la mort d’Henri IV : une régence doit être assurée par la reine-mère (Anne d’Autriche, en l’occurrence) aidée d’un puissant ministre (Mazarin). Le pays est alors secoué par la Fronde et diverses révoltes, mais Mazarin tient bon la barre. Lorsqu’il meurt en 1661, Louis XIV, alors âgé de 23 ans, décide de régner seul, en monarque absolu. La noblesse et la bourgeoisie parlementaire ont été matées, il est tout-puissant.
Il marquera la fin de son siècle par son influence, sa détermination et sa volonté de centraliser tous les pouvoirs et d’établir une monarchie absolue de droit divin. Il consolidera le royaume et, malgré les guerres qu’il mènera aux frontières, stabilisera la situation politique et économique en France (alors le plus puissant royaume d’Europe, tant du point de vue économique – notamment agricole – que militaire).
A cette situation politique nouvelle et à la stabilisation de la question religieuse en France (Louis XIV révoque l’Edit de Nantes signé par Henri IV en 1598 et réaffirme la prééminence du catholicisme) correspondra, en toute logique, l’émergence d’un ordre artistique nouveau, éminemment français : le classicisme.
Maître absolu, Louis XIV (qui a pour devise, rappelons-le, « Une foi, une loi, un roi ») engage en effet rapidement tous les artistes à célébrer son règne, sa puissance et sa personne. Il entend tout contrôler et contrôle tout, impose des normes artistiques et littéraires, de la rigueur, un retour à l’austérité. Sa principale mission : unifier le royaume de France (autour de sa personne), non seulement par la guerre et l’acquisition de nouveaux territoires aux frontières, mais aussi par les arts (via l’édiction de règles, mais aussi le mécénat et la protection qu’il octroie aux artistes), qui permettent à la France de rayonner plus que jamais.
Tout comme le baroque reflétait l’instabilité du monde, le classicisme doit refléter l’ordre, la mesure, la raison et la rigueur qui marquent le règne du Roi-Soleil.
Le classicisme : origine du mot
En latin, « classicus » signifie « de premier rang, supérieur, fortuné, qui appartient à la classe supérieure des citoyens ». Par glissements successifs, le terme en est venu à désigner les écrivains de référence de l’Antiquité, ceux que l’on étudie dans les classes, et à connoter l’idée d’excellence.
Ensuite, les penseurs de la Renaissance le reprennent pour désigner l’esthétique nouvelle qui s’inspire alors du modèle antique gréco-romain et s’oppose à l’art dit « gothique » (= « barbare », quelque part) du Moyen Âge.
Au XVIIe siècle, et aujourd’hui encore, le terme de « classique » désigne finalement à la fois les auteurs de l’Antiquité (les « Anciens » jugés, à l’époque moderne, dignes d’être étudiés et imités) et d’autre part les auteurs français du XVIIe siècle ayant développé un art de mesure et de raison s’opposant farouchement au baroque.
Quant au terme de « classicisme » lui-même, il n’apparaîtra qu’au XIXe siècle : il est utilisé pour la première fois par Stendhal pour désigner les œuvres régies par des règles et imitant l’art antique, par opposition au romantisme naissant.
A noter cependant : le terme de classicisme appliqué à une période de la littérature nationale est propre à la littérature française (le mouvement classique du XVIIe siècle ayant été une véritable exception française liée au règne du Roi-Soleil), les autres nations poursuivant alors l’art baroque… et réservant ce terme aux « premiers » auteurs classiques, c’est-à-dire les auteurs de l’Antiquité gréco-romaine ayant servi de modèle à leurs successeurs de l’ère moderne…
Grandes caractéristiques et innovations de ce mouvement
- Une stricte opposition au baroque : si celui-ci se caractérise par le chaos, le changement, les bouleversements, l’imprévu, la liberté, le classicisme aspire, pour sa part, à un retour à l’ordre, au précis, à la sobriété, à la clarté, à la mesure et à la retenue, loin du foisonnement brouillon du mouvement précédent. Autant le baroque reflétait l’instabilité, les inquiétudes et la fébrilité de son époque, autant le classicisme épouse son propre contexte : celui d’un règne long et solide, d’une poigne de fer, d’un roi puissant, d’un pouvoir centralisé et d’une monarchie absolue.
- L’édiction de règles : la règle de vraisemblance (illusion du vrai), la règle de bienséance (ne pas choquer le lecteur ou le spectateur, ne pas montrer de sang ni la mort sur scène au théâtre, ne pas représenter le vulgaire… en opposition au baroque, au burlesque…)
- 3 règles d’unité au théâtre :
- Unité de temps = l’action (l’histoire) doit se dérouler en moins de 24 heures.
- Unité de lieu (= en 1 seul lieu), plutôt neutre (ex : un palais, une salle, un hôtel particulier bourgeois…)
- Unité d’action (= une histoire, une cohérence – vs. le foisonnement des péripéties baroques). En matière de classicisme, point d’intrigues secondaires multiples. L’action doit être complète, linéaire, articulée autour de quelques personnages seulement, avec un commencement, un milieu et une fin, point.
En résumé : « Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli » (Boileau, Art poétique).
→ NB : pour en savoir plus sur le théâtre classique plus particulièrement, c’est ici.
- Une stricte séparation et la codification des genres. On sépare strictement la comédie, la tragédie, l’épopée, la poésie officielle, le portrait, les fables, les romans… et chaque genre se retrouve précisément défini. La comédie est affinée et allégée, on l’éloigne peu à peu de la farce des périodes précédentes (même si Molière continue d’en écrire çà et là).
- L’idéal de l’honnête homme humaniste (que l’on retrouve) : un gentilhomme doit être raisonnable, modéré, tempéré, aimable, poli, éduqué, cultivé, élégant, mesuré, discret, humble, raisonnable et honnête (=personnage très différent du personnage baroque) ; l’honnête homme a intégré toutes les règles de la civilité, de la politesse et du bon goût. L’art de la conversation est important, de même que l’art de savoir plaire : l’honnête homme est un mondain, il sait s’adapter à autrui.
- Le respect, en conséquence, de la morale, des bonnes manières et du bon goût… L’œuvre doit comporter une morale et la littérature se fait didactique (voir point suivant).
- Des œuvres cherchant à édifier le public, à instruire le spectateur tout en le distrayant. La devise de Molière est, à ce titre, « castigare ridendo mores » = corriger les mœurs par le rire. L’idée est de plaire, de faire rire et de distraire tout en instruisant le public/lecteur. La tragédie, quant à elle, doit permettre la catharsis du public (comme les tragédies antiques grecques) : le purger de ses passions ; elle montre les désordres qu’entraîne la passion, les déchirements intérieurs des êtres partagés entre raison et passion, la mort des personnages qui ne parviennent pas à maîtriser leurs pulsions, les vices, les tendances et les excès humains… L’homme excessif se rend malheureux ; l’homme mesuré, raisonnable, sociable et courtois, s’en sort mieux face à l’adversité.
Au-delà des messages et des morales implicites et explicites de la poésie, des romans, du théâtre etc., certains écrivains sont même explicitement qualifiés de moralistes, comme Bossuet (Sermons), La Bruyère (Caractères), Blaise Pascal (Pensées) ou La Rochefoucauld (Maximes).
Dans tous les cas, les œuvres doivent avoir une utilité morale ; elles analysent l’homme et se veulent de portée générale (universalité) : on recherche des valeurs et des enseignements éternels.
- L’apparition des Académies, et notamment de l’Académie française (1635) : autant de créations qui révèlent, dans le domaine esthétique, cette volonté de se doter de repères, de règles, de conventions, d’une vérité, d’un arbitre des élégances. Les académies contrôlent la production littéraire et artistique, la conformité des œuvres aux règles nouvellement établies, et en faire partie devient bientôt une consécration pour les auteurs, ce qui les amène à vouloir respecter les exigences académiques émergeantes… De quoi, pour le pouvoir en place, contrôler de façon croissante la production artistique. L’Académie française devient la nouvelle garante de l’orthodoxie de la langue et de la littérature.
- L’utilisation politique de la littérature, et notamment du théâtre ;
- L’imitation des œuvres gréco-latines de Phèdre, d’Esope, d’Horace, d’Aristophane, d’Euripide, de Térence, de Plaute… Racine, La Fontaine, Molière… s’en inspirent et reprennent certaines de leurs pièces/fables. On réécrit les textes anciens en les transposant en vers, on reprend la poétique antique… Grandes références des classiques : la Poétique d’Aristote et l’Art Poétique d’Horace
- La nécessité de se conformer à la raison (cartésianisme) et le goût pour le rationalisme, la lucidité, la raison et l’analyse… qui préfigurent l’esprit des Lumières
- L’impérative imitation de la nature (parfaite), garante de qualité (d’où la règle de vraisemblance)
- L’emploi de figures de style de symétrie (parallélismes, chiasmes… ; alexandrins équilibrés, avec césure à l’hémistiche…) et de retenue, afin d’être dans la mesure et la discrétion (euphémismes, litotes…) ; pas de digressions, d’enjolivements inutiles, de périphrases, d’arabesques et de circonvolutions… Les morales sont directes, incisives, épurées (comme celles de La Fontaine), on ne s’embarrasse pas de superflu et de détails susceptibles d’obscurcir le message.
Le classicisme consiste ainsi en une grande période de codification de l’écriture et de la langue française… et de l’art en général. Loin de se cantonner à la littérature, il touche en effet également l’architecture, la peinture, la sculpture, la littérature, la musique… (NB : en matière de musique, le baroque perdurera bien au-delà du XVIIe siècle et la musique dite « classique » – au sens « répondant aux codes du classicisme français » -, représentée par Haydn et Mozart, par exemple, n’apparaîtra que durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, en net décalage avec le reste du mouvement classique français).
Mots-clés du mouvement
Correction et pureté de la langue française, clarté du raisonnement, cohérence, concision, netteté, clarté, simplicité, sobriété, simplicité, raison, rationalisme, discernement, lucidité, propreté, ordre, rectitude, symétrie, tempérance, modération, respect des règles d’écriture, idéal moral, codes, normes, bon goût, équilibre, harmonie d’ensemble, maîtrise de soi, codification esthétique et morale, brièveté, précision, art de la formule, maîtrise des passions, naturel, règles formelles, adéquation parfaite entre la forme et le fond, écriture fluide et naturelle, recherche de la simplicité, élégance simple, vraisemblance, culture, modestie
En art : lumière, poses statiques, attitudes sobres, grandeur et respectabilité des personnages, stabilité, unité de couleur, contours nets, pâleur de la chair assimilant les personnages à des statues antiques, bienséance, art des proportions et de la perspective, mise en valeur des formes, composition claire et ordonnée de l’œuvre, scène insérée dans un cadre (vs. le baroque, souvent débordant hors-cadre), structuration de l’œuvre en plans successifs, lignes droites, absence de contrastes violents, courbes et diagonales (typiquement baroques) évitées, symétrie, harmonie mathématique de l’œuvre, ni vulgarité ni horreur, œuvres cherchant à édifier le public, goût pour les formes simples, les grandes lignes droites, la pureté, les attitudes nobles, froides simples et élégantes, l’idéal de beauté, de géométrie, d’ordre et de raison… Nombreux points communs avec l’art de la Renaissance, et opposition farouche à l’art baroque.
Grands thèmes :
- scènes et intrigues tirées de la mythologie grecque
- scènes bibliques
- scènes historiques (histoire romaine, chrétienne…)
- mise en scène et glorification de la royauté de Louis XIV ; célébration de la grandeur du roi ; art mis au service de la monarchie absolue de droit-divin
- allégories
- la nature
- scènes pastorales, paysages
- le triomphe de la raison sur le désordre des passions
- portraits (éventuellement satiriques) de bourgeois, d’aristocrates
- le rapport maître-valet (théâtre)
- la réflexion sur l’homme
- la morale héroïque, les sentiments héroïques et dramatiques (=contenu spirituel et moral)
- les grandes victoires
- la pureté des femmes
- expression du drame
- exaltation des sentiments nobles
Grands auteurs
La Fontaine, Bossuet, Pascal, La Bruyère, La Rochefoucauld, Molière, Mme de La Fayette, Charles Perrault, Nicolas Boileau, Racine, Corneille (tragédies – NB : ses comédies sont plutôt de style baroque)
Artistes :
- peinture : Nicolas Poussin, Charles Le Brun, Georges de La Tour, Louis Le Nain, Claude Lorrain, Philippe de Champaigne
- sculpture : Girardon, Coyzevox
- architecture : Jules Hardouin-Mansart, bien sûr (le célèbre Mansart, qui réalise une grande partie du château de Versailles, dont la Galerie des Glaces), Louis Le Vau, Jacques Lemercier, Claude Perrault ; en matière paysagère : Le Nôtre, bien sûr (créateur des jardins de Versailles, de Chantilly et de Vaux-le-Vicomte)
- musique : Lully (au service de Louis XIV)
Conclusion
Si le baroque reste très vivant dans tout le reste de l’Europe à la fin du XVIIe siècle, en France il cède la place au classicisme, dont les règles strictes conviennent mieux à un régime centralisé comme celui de Louis XIV. Exception française, toutes ses règles poétiques et de rhétorique ont pour but de garantir la création d’œuvres belles et de bon goût, conformes à des normes considérées comme universelles. On cherche à créer des œuvres parfaites en s’inspirant ici encore de l’Antiquité. La création culturelle est soutenue par l’Etat, à condition qu’elle contribue au prestige de la cour et au rayonnement de la France et de la monarchie de Louis XIV. L’Opéra, la Comédie Française et l’Académie française sont créés à cette époque.
Le classicisme s’éteindra peu à peu après la mort du Roi-Soleil, à la personne duquel il était éminemment rattaché, pour laisser place au mouvement suivant : le mouvement des Lumières.
Aujourd’hui encore, le terme de « classique », dans le langage commun, signifie souvent « conformes au bon goût, aux codes, aux règles et aux usages établis ».
Plus tard, le romantisme sera le premier mouvement à s’ériger contre ces règles multiples, considérant toute contrainte et toute « norme » comme des entraves à la création artistique et littéraire… Le classicisme servira alors de repoussoir à tous ceux qui, Victor Hugo en tête, défendront une littérature moins réglée…
A l’inverse du baroque, dont les artistes et auteurs ne se réclamaient pas d’un mouvement conscient de lui-même, et qui ne seront désignés par le terme de « baroque » qu’à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle (au XVIIe, on les qualifiait plutôt d’« irréguliers »…), les classiques ont parfaitement conscience d’appartenir à un mouvement commun régi par des règles strictes et explicitement édictées.
Aujourd’hui encore, le terme de « classicisme » renvoie à un moment de grâce de la littérature française, celui où l’esprit français se serait le plus parfaitement illustré. Cet art rayonnera en Europe, notamment sous sa forme architecturale, comme reflet de la puissance du roi de France…
Quelques œuvres :
- Les Fables, La Fontaine
- Les Caractères, La Bruyère
- Les Maximes, La Rochefoucauld
- Pensées, Blaise Pascal
- Cinna, Corneille
- Polyeucte, Corneille
- Horace, Corneille
- Sermons, Bossuet
- Oraisons funèbres, Bossuet
- La Princesse de Clèves, Mme de La Fayette
- La Princesse de Montpensier, Mme de La Fayette
- Art poétique, Boileau (manifeste du classicisme)
Les nombreuses comédies de Molière dont :
- Le Misanthrope
- L’Avare
- Le Malade imaginaire
- Tartuffe
- Le Médecin malgré lui
- Les Précieuses ridicules
- L’Ecole des femmes
- Les Femmes savantes
- Le Bourgeois gentilhomme
- Les Fourberies de Scapin…
Les nombreuses tragédies de Racine comme:
- Phèdre
- Andromaqu
- Iphigénie
- Britannicus
- Bérénice…
→ NB : pour en savoir plus sur le théâtre classique plus particulièrement, c’est ici.
Les contes de Charles Perrault, notamment certains restés célèbres comme :
- Peau d’Âne
- La Belle au bois dormant
- Riquet à la Houppe
- Le Petit Poucet, Barbe Bleue
- Le Petit Chaperon rouge
- Cendrillon ou la Petite Pantoufle de Verre
- Le Maître chat ou le Chat botté…
Bonus : la Querelle des Anciens et des Modernes… et l’annonce du XVIIIe siècle
A la fin du XVIIe siècle, la querelle des Anciens et des Modernes met fin à la belle cohésion de l’école classique. En effet, les auteurs classiques se répartissent alors en deux « factions » : les « Anciens » et les « Modernes ».
Les Anciens (autour de Boileau, de La Fontaine, de La Bruyère) pensent qu’on ne peut faire mieux que les auteurs antiques, que la perfection a déjà été atteinte par ces génies de l’Antiquité et que le travail littéraire et esthétique ne peut consister dorénavant qu’en un travail d’imitation et de reproduction. Ils cherchent en outre à analyser ce qui, chez l’homme, est permanent et universel : leur idéal et leur modèle, l’homme universel, est abstrait.
A l’inverse, les « Modernes » (qui jugent ce mode de pensée rétrograde) pensent qu’il faut se hisser sur les épaules des maîtres gréco-latins pour faire encore mieux, voir plus loin qu’eux, se nourrir de leurs œuvres, les dépasser et ainsi favoriser le progrès. Ils vantent les sciences, le progrès dans l’art, la recherche d’un style nouveau. Leur idéal (l’action, le progrès) est concret et leur modèle de référence est l’homme actuel, l’individu du XVIIe siècle.
Cette querelle annonce le mouvement suivant (celui des Lumières) par la victoire des Modernes (Perrault, Fontenelle…) sur les Anciens, victoire qui témoigne déjà en soi d’une volonté de renouveau littéraire à la fois tonique et serein.
De grands esprits de la fin du XVIIe siècle et du tournant du XVIIIe siècle peuvent en outre être considérés comme de grands précurseurs des Lumières :
- en Angleterre, en Hollande et en Allemagne : Locke, Newton, Leibniz, Spinoza…
- et, en France, Fontenelle, Bayle puis Montesquieu.
Texte : (c) Aurélie Depraz
Illustration de l’article : Pixabay (image libre de droit)