L'Histoire (la grande !)

L’Ecosse et la France : histoire d’un grand amour

A l’occasion de la parution de ma 4e romance historique écossaise (L’Ecossaise d’Inverness, après Pour l’amour d’une Sasunnach, Un Highlander pour un autre et Shaena), j’ai décidé de m’intéresser à ce qui, des fans de la série Outlander aux adeptes de la romance écossaise en général (historique ou « new »), des passionnés de Walter Scott aux inconditionnels de Braveheart et des bienheureux nouveaux détenteurs français d’un titre de « laird » ou de « lady » (de Glencoe, par exemple) aux dizaines de milliers d’abonnés aux divers blogs et autres pages Facebook consacré(e)s à l’Ecosse, faisait de nombre de nos compatriotes de grands amoureux (et de grandes amoureuses !) de ce magnifique pays. Une agréable étude à mettre au regard du constat non moins agréable que tout voyageur revenu d’un petit tour outre-Manche n’aura pas manqué de faire : cet amour, ô joie, ô bonheur, semble largement réciproque !

Introduction

Si vous avez eu l’occasion de voyager en Ecosse, de rencontrer des Ecossais, d’en accueillir chez vous ou de suivre des reportages (et autres interviews), vous l’aurez sans doute remarqué : l’Ecosse aime la France… et la France le lui rend bien.

En effet, force est de constater que, si on leur pose la question, l’immense majorité des Français (même ceux qui n’ont jamais eu affaire à des Ecossais « personnellement ») éprouvent spontanément de la sympathie pour l’Ecosse… et vice-versa. L’image à la fois rude et romantique que véhicule ce pays… ses paysages, ses coutumes, ses hommes en kilt (sans rien dessous, dit la légende…), ses clichés, sa laine, ses moutons, ses whiskys… son accent rigolo (un peu rustique…), ses monstres aquatiques dans le Loch Ness, ses gros costauds qui portent des troncs d’arbres et se jettent des rochers à la face… Tout concourt à nous rendre cette fascinante contrée sympathique.^^

Mais, toute plaisanterie mise à part, ce qui plaît probablement le plus aux Français… c’est la chaleur des Ecossais. Leur sympathie. Leur sens de l’hospitalité, leur serviabilité. Et, surtout (soyons honnêtes)… le fait qu’ils nous adorent.

Franchement, quoi de plus sympathique qu’un type qui vous a spontanément à la bonne ?

Le plus étonnant, c’est que cette affection réciproque ne date pas d’hier… mais de la fin du XIIIe siècle ! Et qu’elle trouve ses racines dans ce que de Gaulle, un peu cavalièrement peut-être, appelait déjà en son temps « la plus vieille alliance du monde » !

Allez, hop ! Un peu d’Histoire, ça vous dit ?^^

Aux origines du grand amour franco-écossais : une alliance militaire…

Aux origines, il y a un pacte. Un traité. Une alliance militaire. Contre qui ? Mais… contre la perfide Angleterre, bien sûr ! La plus grande ennemie à la fois :

  • de la France pendant des siècles (pour ne pas dire un millénaire, en somme de l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066 à la fin du XIXe siècle, quand la palme lui est finalement ravie par la Prusse-Allemagne !),
  • et de l’Ecosse… plus longtemps encore (du IXe siècle – époque à laquelle le principal danger vient à la fois de la gourmande Angleterre, qui lorgne déjà sur le nord, et des Vikings qui déferlent sur les côtes et les îles septentrionales et occidentales de l’Ecosse – jusqu’à la fin du XVIIIe siècle – avec les révoltes Jacobites, les Highland Clearances etc., pour ne pas dire plus !).

Et quoi de plus évident qu’un ennemi commun pour tisser des liens d’amitié ? Les ennemis de nos ennemis ne sont-ils pas nos amis ?

Tout commence en 1295. A ce moment-là, ça chauffe entre la France et l’Angleterre (ce n’est certes pas la première fois). Et au même moment, il se trouve que… ça chauffe entre l’Angleterre et l’Ecosse ! Vous me direz, ça chauffe si souvent de part et d’autre de la Manche et de part et d’autre de l’antique mur d’Hadrien qu’une telle « coïncidence » ne se produisait sûrement pas pour la première fois !

Cela dit… que se passe-t-il exactement ?

Côté continental, dans les années 1290, on se dispute la Guyenne (nom médiéval de l’Aquitaine) : celle-ci, en effet, est rattachée à l’Angleterre par le mariage depuis 1154. Pour rappel, en 1152, Aliénor, duchesse d’Aquitaine, épouse Henri Plantagenêt, comte d’Anjou et du Maine et duc de Normandie. Deux ans plus tard, Henri hérite de la couronne d’Angleterre : le couple est propulsé à la tête d’un immense empire comprenant l’Angleterre, mais aussi l’Aquitaine, la Normandie, l’Anjou, le Maine… et bientôt bien d’autres territoires, tant en France qu’outre-Manche (c’est que c’était un belliqueux, ce Henri ! et Aliénor, une femme aussi combative qu’ambitieuse !).

Néanmoins, la situation est délicate : le roi d’Angleterre est extrêmement puissant… mais, pour ce qui est de ses possessions sur le sol « français », il est théoriquement vassal du roi de France… et lui doit donc allégeance ! (On retrouve d’ailleurs à la même époque exactement la même situation, mais en rapport inversé, entre l’Ecosse et l’Angleterre – nous y reviendrons). En 1258, Saint Louis (roi de France) avait bien confirmé à Henri III d’Angleterre, le père d’Edouard Ier, la possession de la Guyenne (Aquitaine) ; mais le roi de France n’en conservait pas moins l’autorité « suprême » sur ce territoire en tant que suzerain et gardait donc le droit (entre autres) de faire juger par le Parlement de Paris, en dernier recours (un peu comme une « cour suprême ») les affaires impliquant les sujets du duché d’Aquitaine.

Et c’est précisément ce qui se produit en 1293, suite à une querelle entre marins gascons et français (les Gascons ayant, a priori, lancé les hostilités, avec morts à l’appui) : Philippe le Bel convoque Edouard III d’Angleterre comme un vulgaire vassal et l’invite à répondre, en tant que duc d’Aquitaine, des méfaits de ses sujets gascons.

« Edouard ne voulait pas d’un conflit avec le roi de France. Un siècle plus tôt, c’était par une procédure du même genre que Philippe Auguste avait confisqué à Jean sans Terre la Normandie, le Maine, l’Anjou et le Poitou ; en 1294, une guerre franco-anglaise risquait fort de se conclure par la disparition du dernier fief anglais en France » (Michel Duchein, Histoire de l’Ecosse).

Edouard essaie donc de négocier une transaction ; mais Philippe, jaloux de son autorité, ne l’entend pas de cette oreille et confisque tout de même le duché. La guerre semble inévitable ; l’Angleterre s’allie avec le comte de Flandre (également en conflit avec son suzerain, le roi de France), mais aussi avec l’empereur germanique, le comte de Bar… De son côté, la France s’allie à la Castille, à l’Aragon, à la Norvège…

Au même moment, pourtant, c’est Edouard lui-même qui tente de subjuguer l’Ecosse exactement de la même façon : profitant d’une crise de succession là-haut dans le nord, il a réussi (assez déloyalement, il faut le dire) à se faire reconnaître comme « seigneur suprême » par les nobles écossais et à choisir en 1292 le successeur d’Alexandre III, mort sans héritier (à ce sujet, lire mon article sur les guerres d’indépendance écossaises) : Jean Baliol, « pantin d’Edouard », a donc été couronné à Scone après avoir juré allégeance au roi d’Angleterre…

Mais dans les années qui suivent, Edouard multiplie les abus d’autorité et de pouvoir, les humiliations, les exigences déraisonnables. Résultat : quand il demande à son vassal exaspéré de lui fournir une armée en prévision d’une guerre contre la France, celui-ci refuse tout net, rompt son serment d’allégeance… et préfère se rapprocher des Français ! (à noter : la famille Baliol était originaire de France : elle avait débarqué outre-Manche au temps de Guillaume le Conquérant… et possédait toujours des terres en Normandie…)

En octobre 1295, une ambassade écossaise se trouve donc à Paris pour négocier un traité d’alliance, qui stipule qu’« en réponse aux injures et violences injustifiées du roi d’Angleterre », l’Ecosse soutiendra la France, et la France l’aidera en retour, « soit en y envoyant des secours directement, soit en tenant le roi d’Angleterre occupé par ailleurs ». C’est la naissance de l’Auld Alliance, qu’un mariage vient sceller : celui du fils de Jean Baliol, Edouard, avec la nièce de Philippe le Bel, Jeanne de Valois.

A noter : certains font même remonter les prémisses de cette alliance un siècle plutôt, quand Guillaume le Lion (roi d’Ecosse) envoie une ambassade à Louis VII le Jeune en 1165. La littérature médiévale invente même une origine quasi mythologique à l’alliance, la faisant remonter jusqu’à l’époque de Charlemagne ! (époque à laquelle, rappelons-le, l’union scotto-picte à l’origine de la création du royaume d’Alba (= nom médiéval de l’Ecosse) n’avait même pas eu lieu !) Encore plus poétique, en 1428, le poète français Alain Chartier écrit que « l’Auld Alliance n’a pas été écrite sur un parchemin de peau de brebis mais gravée sur la peau d’homme, tracée non par l’encre mais par le sang ». C’est beau !

Néanmoins, n’en déplaise à la version embellie des faits, cette alliance n’eut, dans l’immédiat, pas vraiment l’effet escompté (en tout cas, côté écossais) : furieux (à juste titre), Edouard d’Angleterre envahit l’Ecosse dès 1296 : c’est le début de la première guerre d’indépendance écossaise. Et la France, quoi qu’on dise… ne se donne pas beaucoup de mal pour soutenir sa toute nouvelle alliée. Certes, elle se bat pour l’Aquitaine (et occupe donc quelques troupes anglaises sur le continent), mais, empêtrée dans ses propres difficultés et conflits (avec les Flandres, le Saint Siège…), elle n’a de cesse de rechercher une trêve avec l’Angleterre. Et, celle-ci obtenue, elle ne s’engage pas davantage aux côtés de l’Ecosse.

Disons-le franchement : les Ecossais se seront débrouillés absolument tout seuls pendant toute leur première guerre d’indépendance. Pire ! après avoir signé la paix avec l’Angleterre en 1303, Philippe le Bel donne sa fille Isabelle en mariage au fils du roi d’Angleterre – c’est d’ailleurs le contexte du début des Rois Maudits de Maurice Druon). Aujourd’hui encore, les historiens écossais déplorent amèrement cette défection…

Pourtant, avec le traité de Corbeil de 1326 entre Charles IV et Robert Bruce, roi d’Ecosse depuis 1306 (qui mène la rébellion écossaise contre l’Angleterre depuis cette date), l’alliance est renouvelée. Pour bien des historiens, c’est ce traité qui, plus que celui de 1295, mérite d’être considéré comme le véritable acte fondateur de la « Vieille Alliance » franco-écossaise.

Et, en 1336, enfin, quatre ans après le début de la deuxième guerre d’indépendance écossaise, Philippe VI de France fournit une aide militaire au nouveau roi écossais, David II, alors exilé en France après un coup d’état mené par Edouard Baliol, prétendant au trône, et Edouard III d’Angleterre. Philippe assure qu’il aidera David par tous les moyens possibles.

En retour, en 1346, cinq ans après être revenu en Ecosse pour reprendre son royaume en main, David attaque l’Angleterre pour aider Philippe VI, qui s’est lancé, depuis 1337, dans la Guerre de Cent Ans (David sera malheureusement blessé, capturé et emprisonné à la bataille de Neville’s Cross – il restera prisonnier de la Tour de Londres pendant onze ans…)

In fine, aux XIVe et XVe siècles, le traité sera invoqué à six reprises.

Les Ecossais, notamment, combattront à plusieurs reprises aux côtés des Français pendant la Guerre de Cent Ans l’opposant à l’Angleterre (et jusqu’aux côtés de Jeanne d’Arc lors du siège d’Orléans !)

En 1422, un corps écossais est constitué pour défendre la personne du roi de France, dont la garde personnelle restera longtemps exclusivement une garde écossaise.

Pendant les guerres d’Italie de la fin du XVe et du début du XVIe siècles (coucou François Ier !), l’Ecosse participe à l’effort de guerre français.

Lors de la très sanglante bataille de Flodden Field entre l’Ecosse et l’Angleterre, en 1513, la France est aux côtés de l’Ecosse.

En 1543, cette alliance est reconduite, accompagnée d’une promesse de mariage entre Marie Iere d’Ecosse et le futur roi de France, François II. Le mariage aura lieu en 1558. Sous ce couple royal, les deux royaumes de France et d’Ecosse sont unis (par ce qu’on appelle une « union personnelle » ; tout comme l’Angleterre et l’Ecosse le seront sous Jacques VI d’Ecosse et Ier d’Angleterre en 1603).

«A vrai dire, les Ecossais sont bien davantage venus aider les Français que l’inverse», relève Catherine Valaster, secrétaire générale de l’association franco-écossaise, dans cet article.

« Politiquement et militairement, l’alliance prend fin en 1560, année de la mort de la régente Marie de Lorraine (membre de la famille des Guise), et du revirement politique des Grands d’Écosse passés à la Réforme, eux-mêmes soutenus par l’Angleterre. Le 6 juillet 1560, le traité d’Edimbourg met officiellement un terme à l’essentiel des dispositions de l’alliance, après presque 265 ans. L’Écosse devenue protestante s’allie désormais avec l’Angleterre, également protestante. En 1562, elle envoie 200 soldats en Normandie pour aider les Huguenots dans leur lutte face au pouvoir royal catholique. » (Wikipedia, article sur l’Auld Alliance)

Puis, en 1707, et avec l’Acte d’Union créant la Grande-Bretagne, l’Auld Alliance n’a vraiment plus de sens… : cette union vient, en quelque sorte, entériner l’annulation de l’Auld Alliance

Mais l’amour persiste !

Néanmoins, si c’est là la fin de l’alliance officielle, politique et militaire entre la France et l’Ecosse (quoique la garde écossaise du roi de France existera jusqu’au XIXe siècle !), c’est loin d’être celle des autres formes d’échanges et de relations nées avec l’Auld Alliance.

En effet, celle-ci prévoyait également un volet culturel : par exemple, des échanges universitaires d’étudiants en théologie ! (Les premiers frémissements d’Erasmus ?^^). Elle avait aussi pour but de développer les échanges commerciaux entre les deux pays, de créer des liens de fraternité entre les sujets des royaumes d’Écosse et de France, etc.

Certaines dispositions absolument uniques perdureront aussi : par exemple, les lettres de naturalité octroyées dans chacun des deux royaumes à des sujets de l’autre : ainsi, le roi de France accordait régulièrement la nationalité française à des Ecossais établis sur son territoire, ou pour bons et loyaux services (garde écossaise…) et vice-versa ! Ces dispositions seront renouvelées plusieurs fois, y compris sous Louis XIV !

Héhé, je vous vois venir d’ici… Mais (hélas !), non, « ces textes ne sont plus valides. En effet, cette collation, valable uniquement pendant la durée du règne du roi qui l’avait octroyée, a été confirmée du côté français par Henri II, en juin 1558, et Louis XIV, le 19 septembre 1646, mais elle n’a pas été renouvelée depuis. Elle a ensuite été privée d’effet lorsque l’Ecosse a été réunie à l’Angleterre au XVIIe siècle : depuis cette date, la nationalité écossaise a disparu au profit de la nationalité britannique. Ces lettres de naturalité auraient en tout état de cause perdu force de loi à la date d’entrée en vigueur du premier livre du code civil, promulgué le 27 ventôse an XI (18 mars 1803), conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi du 30 ventôse an XII. Quant à la lettre de naturalité de novembre 1558 en faveur des sujets français résidents en Ecosse, elle faisait partie des textes ayant été abrogés le 4 août 1906 par le Statute law revision (Scotland) Act, du parlement britannique, parce qu’étant devenus sans objet. » (source : ici)

Néanmoins, l’impact de l’Auld Alliance en matière de démographie est de taille : on assiste à de très nombreux échanges de population et, encore aujourd’hui, nombreux sont les Ecossais rêvant de venir vivre en France et vice-versa.

C’est surtout sur les plans scolaires, artistiques, architecturaux, culinaires (on dit que le vin de Bordeaux aurait été la boisson préférée des Ecossais au XVe siècle, bien avant le whisky !), juridiques, linguistiques, commerciaux (tarifs préférentiels) et littéraires que la belle amitié franco-écossaise perdure ; les Lumières françaises (Voltaire, Rousseau…) voyagent en Ecosse et s’éprennent des idées des Lumières écossaises ; les grands écrivains écossais du XIXe (Walter Scott bien sûr, « créateur » s’il en est du roman historique et grand chantre de l’Ecosse romantique, auteur d’Ivanhoe, de Rob Roy… ; mais aussi Robert Louis Stevenson, grand voyageur et auteur de romans et nouvelles d’aventure et fantastiques aussi célèbres que l’Île au trésor ou Dr Jekyll et Mr Hyde, pour ne citer qu’eux) séduisent les Français ; et à la fin du XIXe siècle, la Franco-Scottish Society voit le jour (axée, entre autres, sur les relations inter-universitaires).

En outre, s’il est « officiellement » et communément admis que le traité d’Edimbourg de 1560 mit fin à la vieille alliance, « certains historiens remettent en cause ce traité, d’une part, parce que ses termes  ne visent pas clairement le traité ratifié en 1296, et d’autre part, parce que Marie Stuart aurait refusé de le signer. En 2011, l’historienne britannique, Siobhan Talbott a publié le résultat de ses recherches sur l’Auld Alliance et a conclu que l’alliance ne fut jamais révoquée. » ! (Source : ici)

En tout état de cause, les rapports politiques et militaires entre les deux pays ne cessent pas non plus complètement à partir de 1560 :

  • De nombreux Ecossais auront continué à entrer au service de la France et à s’y installer, soit en tant que mercenaires, soit au titre de la Vieille Alliance. Exemple : les Stuart de Darnley, qui deviendront seigneurs d’Aubigny : Aubigny-sur-Nère (dans le Berry) où, rappelons-le, se tiennent annuellement de grandes fêtes franco-écossaises ! (Infos ici) Une ville qui sera restée très « écossaise » dans l’âme jusqu’au XVIIIe siècle !
  • Lors des rébellions jacobites (voir ma « Petite Histoire de l’Ecosse »), un grand moment de l’Histoire écossaise, nombre de Jacobites (les partisans des Stuarts) trouvent refuge en France (y compris les prétendants Stuarts au trône d’Ecosse, Jacques II, puis Jacques-François, puis Charles-Edouard ! #Outlander)
  • Après la cuisante défaite finale de Culloden, en 1746, nombre de Jacobites se réfugient à nouveau en France, en particulier à Saint-Germain-en-Laye et à Sancerre.
  • Pendant la Première Guerre mondiale, certains évoquent l’Auld Alliance pour justifier la constitution de la Triple-Entente (alliance militaire entre la France, le Royaume-Uni et la Russie) tout en palliant le sentiment anti-anglais très présent en France (je rappelle une nouvelle fois que l’Anglais est resté ZE ennemi number one de la France jusqu’au XIXe siècle ! L’idée de s’allier avec l’Angleterre contre l’Allemagne en 1914 ne coulait donc certes pas de source !)

Et aujourd’hui, alors ?

Oh, encore plein de choses !

Tout d’abord, de Gaulle qui, comme on l’a vu, qualifie un peu pompeusement l’alliance franco-écossaise de « plus vieille alliance du monde » en 1942 (pour faire autoriser des parachutistes français au sein d’une unité britannique (les SAS) alors dirigée par un Ecossais…) ; encore aujourd’hui, une plaque commémorative à Edimbourg rappelle les doux mots de Charlie… Pourquoi la « plus vieille » ? Parce que, malgré ce qui a été dit plus haut, certains contestent encore le fait que l’Auld Alliance ait été dûment abrogée –voir l’explication complète ci-dessous*

Ensuite, en 1995, des célébrations ont lieu tant en France qu’en Ecosse pour le 700e anniversaire de l’alliance.

Ensuite, depuis qu’en 1997, l’Ecosse est dotée à nouveau d’un Parlement et d’un gouvernement autonomes (politique de dévolution britannique), les liens séculaires ont pu être renforcés : en 2014, par exemple, les ministères de l’Éducation Nationale français et écossais ont signé un accord invitant à des échanges scolaires, notamment au niveau du personnel enseignant, entre les deux nations.

Et, lors du référendum sur le retrait britannique de l’Union européenne, on sait que les Écossais ont, pour leur part, voté en majorité pour le maintien dans l’Union européenne…

De nos jour, bien sûr, l’Auld Alliance est surtout évoquée lors d’événements culturels, sportifs, folkloriques… Elle encourage symboliquement les échanges artistiques, éducatifs, universitaires… et les événements commémoratifs, comme les grandes fêtes d’Aubigny susmentionnées. Côté sport, la Vieille Alliance revit aussi à travers le tout récent Trophée Auld Alliance (2018) qui récompense le vainqueur du match de rugby France-Ecosse dans le cadre du tournoi des six nations. C’est aussi en 2018, et par la même occasion, qu’est lancé l’« Auld Alliance Day » alias « Scottish Day » ou encore « anniversaire de la Vieille Alliance » (avec comme support médiatique le match de rugby France-Ecosse). « Le 23 février de chaque année est donc en principe le Auld Alliance Day. Toutefois la date des matchs du tournoi des six nations entre la France et l’Écosse peut varier entre février et mars selon les choix des organisateurs ; par conséquent, la date du Auld Alliance Day sera donc adaptée en fonction de la date du match qui se déroule chaque année entre ces deux nations » (Je laisse le soin aux fans de rugby de préciser ce point…^^)

Enfin, impossible pour moi de conclure cet article sans évoquer un détail littéraire tout à fait particulier (et dans lequel nombre de mes lecteurs et lectrices se reconnaîtront) : l’amour des lectrices françaises (puisqu’il s’agit, disons-le franchement, d’une majorité écrasante de femmes), en matière de romance historique, pour les histoires se déroulant en Ecosse. J’y consacrais déjà, il y a plus de trois ans, un article spécifique (que vous pouvez retrouver ici : L’Ecosse, la romance, les lectrices et moi) : car enfin, dites-moi franchement : quoi de plus romantique, pour un cœur à prendre, qu’un authentique Highlander ? ^^

Conclusion

Une chose est certaine : cette vieille amitié franco-écossaise a su traverser les siècles et reste très ancrée au sein des deux pays, jusque dans l’inconscient et l’imaginaire collectifs, expliquant probablement en partie l’affection profonde qui unit encore nos deux peuples. Il est à noter, cependant, que l’Auld Alliance semblerait, encore à ce jour, mieux connue des Écossais que des Français (ingrats que nous sommes !) ; elle n’en serait pas moins demeurée de part et d’autre de la Manche l’une des marques de nos identités nationales (différenciant, à ce titre, profondément les Ecossais des Anglais, et renforçant probablement longtemps l’inimitié chronique des Français comme des Ecossais envers les Anglais).

Pendant de nombreux siècles, l’Ecosse sera restée l’alliée privilégiée de la France, un lien nourri de nombreux échanges tant démographiques que culturels, militaires, politiques et affectifs.

Christian Allard, français d’origine et écossais d’adoption, au point d’être devenu député (pro indépendance), déclare : «Tout le monde est bien accueilli en Ecosse mais c’est particulièrement vrai pour un Français. Le souvenir des liens historiques avec la France est ici très vivace.» Il ajoute : « Les Ecossais ont tissé leur tartan au fil de leur histoire et, incontestablement, un fil de ce tartan est français.» (Source : ici)

En bref, l’amour est toujours là… aussi fort, probablement, que celui qui perdure entre Français et Québécois. Car avec nos amis outre-Atlantique, c’est là aussi le grand amour !

Mais ça, ce sera pour un autre article !

Allez, une petite vidéo pour la route ? 🙂

Texte: (c) Aurélie Depraz
Illustration créée à partir d’images libres de droit Pixabay

Mes romans

Pour découvrir mes 4 romances écossaises, c’est ici :

Quelques sources :

A butiner sans modération :

L’amitié franco-écossaise aujourd’hui :

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* Wikipedia rappelle : « Par le « Statute Law Revision (Scotland) Act » du 4 août 1906, le parlement britannique abroge la lettre de naturalité de novembre 1558 en faveur des sujets français résidant en Écosse. Relevant que cette date, après l’établissement en 1904 de l’Entente cordiale, marque pour certains la véritable fin de l’Auld Alliance, l’historienne britannique Siobhan Talbott souligne qu’on ne trouve cependant aucun texte, du côté français, abrogeant explicitement les dispositions symétriques. Elle en conclut qu’elles sont restées théoriquement applicables aux résidents écossais en France, du moins à ceux nés avant 1906.

La position officielle française, exprimée en 2001, ne laisse pas place à cette théorie : elle affirme en substance que ces textes ne sont plus valides parce que l’union des royaumes d’Écosse et d’Angleterre au xviie siècle, en faisant disparaître la nationalité écossaise au profit de la nationalité britannique, les a privés d’effet. La loi britannique de 1906 n’a fait que prendre acte de cette situation. Concernant la France, s’y ajoute le fait que les lettres de naturalité, pour rester applicables, devaient être renouvelées à chaque changement de roi : or elles ne l’ont plus été après Louis XIV. Enfin, quand bien même elles seraient restées valides sous l’Ancien Régime, l’entrée en vigueur du premier livre du code civil, promulgué le 18 mars 1803, aurait suffi à leur faire perdre force de loi.

Cependant, concernant l’alliance elle-même, l’absence d’abrogation explicite —  de ses recherches, Siobhan Talbott conclut en 2011 qu’elle n’a jamais été formellement rompue —, la poursuite de relations économiques privilégiées au-delà de l’acte d’Union de 1707 et la vitalité du sentiment national écossais jusqu’à nos jours alimentent l’idée d’une permanence qui en ferait l’alliance la plus longue de l’histoire ».

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