La Pléiade : suite de ma petite série d’articles sur l’Histoire de la littérature française…
Pour retrouver les 2 articles précédents, c’est ici :
Introduction
La Pléiade marque en France les dernières décennies de la période humaniste (1550 à 1580 plus précisément) et constitue une sorte de ramification de celui-ci articulée autour du genre poétique. De fait, si les auteurs de la Pléiade sont également humanistes, ils se concentrent sur deux sujets principaux :
- la poésie
- la langue française.
Tout comme les autres humanistes, les poètes de la Pléiade souhaitent retrouver l’inspiration qui a fait la grandeur de la culture antique et partagent les grands idéaux de la Renaissance, mais ils vont également revendiquer quelques spécificités…
Les grandes caractéristiques du mouvement
Les auteurs de la Pléiade se concentrent sur le genre poétique et cherchent à donner à la poésie écrite en français ses lettres de noblesse (et donc à ne plus écrire en latin, mais en français… afin que la poésie française puisse enfin rivaliser avec la poésie gréco-latine et la poésie italienne).
Ils concentrent l’essentiel de leurs efforts poétiques sur le sonnet (forme poétique inventée par l’italien Pétrarque au XIVème siècle) : nombre d’auteurs de la Pléiade imiteront ainsi ses Canzionere. Ils abandonnent par ailleurs des dizaines de genres poétiques du Moyen-âge (ballade, rondeau, chanson, virelais…), ne conservent du passé que ceux qui viennent de l’Antiquité (ode, hymne, épigramme, élégie, églogue, satire, épopée…) et se donnent pour mission de purifier le genre, de renouveler la production poétique et de poursuivre un idéal unique, articulé autour d’un souffle, d’une inspiration et de goûts communs.
Ils enrichissent la langue française de mots nouveaux et d’innovations syntaxiques et grammaticales. Leur but est de défendre la langue française, de l’enrichir et de la retravailler pour lui conférer ses lettres de noblesse et lui permettre de rivaliser avec le latin et le grec (=les deux grandes langues savantes et scientifiques de l’époque), ainsi qu’avec l’italien. Réglementation de l’orthographe, règles d’accords, codification de la langue… On invente des mots (=néologismes) à partir de l’italien, du latin, du grec, on banalise les termes techniques des métiers, on ressort de vieux mots des placards, on reprend au compte du français des mots issus des dialectes régionaux (langue d’Oc et d’Oil, catalan, franco-provençal, basque, alsacien, breton etc.), on associe plusieurs mots (= création de mots composés), on substantive verbes et adjectifs etc. Les auteurs de la Pléiade restent célèbres pour avoir fortement contribué à faire du français une langue littéraire et pour l’avoir soutenue contre la « concurrence » qui fait alors rage (langues régionales, latin, espagnol et italien), notamment dans le cadre des actes administratifs, du parler local, des écrits scientifiques etc.
Par ailleurs, l’érudition semble indispensable aux auteurs de la Pléiade qui, en bons humanistes, ont soif de connaissances. Par la poésie, ils cherchent à communiquer au lecteur cette envie, ce désir de savoir. De nombreuses œuvres se veulent ainsi érudites, heuristiques, spirituelles et philosophiques ; le poète est perçu comme un philosophe qui explore les mystères de la vie, se donne pour mission de préserver les mystères sacrés de la Création et/ou de les révéler aux regards profanes et rend visible (par allégories, images, approximations, métaphores, périphrases…) la vérité et la beauté cachées derrière le voile des apparences. Une idée que l’on retrouvera, plus tard, chez les symbolistes : les poètes tirent leur inspiration du divin… et, visionnaires, sont capables de voir plus loin que le commun des mortels.
Ils pratiquent en outre abondamment l’intertextualité / l’innutrition (influences des auteurs les uns sur les autres), l’imitation, la citation, voire le plagiat. Ils imitent les auteurs et les œuvres de l’antiquité pour en retrouver toute la richesse (Horace, Virgile, Properce, Ovide, Tibulle, Martial, Pindare, Théocrite…) mais se copient également entre eux et s’inspirent des auteurs étrangers de leur temps. Cela fait bien sûr polémique, certains critiques réclamant davantage d’originalité et d’audace créatrice.
Le mouvement est également marqué par une profusion d’essais et de réflexions sur l’art rhétorique, sur l’inspiration, la poétique et la création littéraire. Les auteurs de la Pléiade considèrent que la forme et l’écriture poétiques doivent nettement se distinguer de la prose et doivent être caractérisées par l’abondance, la richesse du style, les ornementations, les figures d’amplification, les images et tout ce qui peut distinguer la parole poétique de la prose triviale et vulgaire. Avec eux, la poésie est un art et doit être aussi peaufinée qu’un tableau de maître : c’est cette recherche de la perfection formelle, de la beauté et de la difficulté technique qui est, selon leur pensée, censée pouvoir leurs conférer en tant qu’auteurs la gloire et l’immortalité. Un idéal que l’on retrouvera quelques siècles plus tard, dans le courant parnassien (XIXe siècle).
Les grands thèmes de la Pléiade :
- La fuite du temps, les regrets, la nostalgie et la mélancolie
- Les sentiments amoureux exaltés
- La beauté féminine, reflet de la splendeur de l’univers
- L’immortalité de la poésie et de l’art
- La philosophie, le savoir
- Le thème du Carpe diem : « cueille le jour présent, saisis le jour » : une invitation (souvent adressée à une femme) à profiter de l’instant présent, de sa jeunesse, et à se livrer (le plus souvent) aux avances du poète.
Les 7 auteurs principaux de la Pléiade
Le nom de « Pléiade » renvoie à une constellation de sept étoiles et sert à désigner les sept principaux poètes du mouvement : Ronsard, Du Bellay, Jodelle, Baïf, Belleau, Pontus de Tyard et Peletier Du Mans. Mais on parle parfois de « Brigade », au sens où une génération entière de poètes et d’auteurs fut en réalité concernée par ce mouvement (un courant plus vaste comprenant Dorat, La Péruse…) et où la liste des principaux auteurs fut régulièrement remaniée… ; ce terme de « Brigade » renvoie par ailleurs à cet esprit combatif et engagé pour le renouvellement de la langue française, à ces idéaux, à ces ambitions communes, à ce projet collectif. Le manifeste du mouvement, Défense et Illustration de la Langue Française (de du Bellay, 1549), témoigne aussi de cet état d’esprit.
Mots-clés de ce mouvement
Creuset de la poésie, défense et illustration de la langue française, enrichissement de la langue française, imitation de l’antiquité, beauté de la femme, sonnet, recherche de l’immortalité, perfection formelle, poésie heuristique et philosophique, intertextualité, inspiration
Conclusion
Véritable école dont les membres répondent à une mission et à un idéal communs, la Pléiade rassembla une génération de poètes portés par des goûts et un projet collectifs. A noter : on trouve déjà au cœur de la poésie de la Pléiade plusieurs des fondements de la poésie classique du siècle suivant…
Redécouverts au XIXe et mis à l’honneur par les romantiques, l’histoire des poètes de la Pléiade (et de la Renaissance en général) a principalement été reconstituée à cette époque (comme bien d’autres époques historiques, le Moyen Âge en tête…)
Prochain mouvement de cette série : le baroque !
Quelques œuvres :
- Odes, Ronsard
- Hymnes, Ronsard
- Sonnets pour Hélène, Ronsard
- Les Amours, Ronsard
- Les Regrets, Du Bellay
- L’Olive, Du Bellay
- Les Antiquités de Rome, Du Bellay
- Défense et Illustration de la Langue Française, Du Bellay
- Cléopâtre captive, Jodelle
- Le grand et vrai art de pleine rhétorique, Pierre Fabri
- Les Erreurs amoureuses, Pontus de Tyard
- Les Amours de Méline, Baïf
- L’Uranie, Peletier du Mans
- Microcosme, Maurice Scève
- Les vers lyriques, Maurice Scève
Texte : (c) Aurélie Depraz
Sources images : Portraits :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Joachim_du_Bellay
https://www.wikipoemes.com/poemes/jacques-peletier-du-mans/biographie-index.php
https://actualitte.com/article/15629/ebooks-gratuits/telecharger-les-livres-de-pierre-de-ronsard
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Jodelle
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pontus_de_Tyard