L'écriture, l'édition & moi

Interview – questions de Dominique Constantin

En octobre, je répondais aux questions de Dominique, administratrice du groupe Facebook « Les Sassenachs suisses… et d’ailleurs »

Pour les curieux, petit partage ici de nos échanges (légèrement remis à jour – je pense aux réponses ayant nécessité un petit rafraîchissement depuis mes octobre ; trois fois rien, en fait). Si vous aussi vous avez des questions à me poser, n’hésitez pas à me les envoyer par le formulaire de contact… ou en commentaire, tout simplement !

Quel est le livre qui t’a donné envie d’écrire ?

En fait, j’ai toujours écrit et aimé la lecture : enfant, je tenais déjà de nombreuses correspondances, des journaux intimes, j’écrivais des poèmes, des contes… Adolescente, j’ai commencé deux ébauches de romans (y compris un roman médiéval ! Comme quoi, le Moyen Âge, c’est une passion ancienne, chez moi !^^) Mais le véritable déclencheur, ça a été à vingt-neuf ans, en reprenant la lecture après une (très) longue pause dans ce domaine : après ma première année d’hypokhâgne, à dix-huit ans, j’avais en effet quasiment cessé de lire des romans (burn-out complet). Et ce n’est que dix ans plus tard, en passant par hasard devant une boîte à livres de campagne pendant l’été, que je me suis laissé tenter : une bienheureuse marraine-fée venait d’y vider sa collection de romances érotico-historiques, un genre que je ne connaissais pas et, ma foi, je me suis laissé tenter par plusieurs résumés.

J’ai dévoré le premier livre. Puis le second. Puis le troisième.
Une romance écossaise. Une viking. Une à l’anglo-saxonne (XVIIIe siècle).
Et, en plein milieu de la lecture écossaise (je crois), dont je serais malheureusement bien incapable à ce jour de retrouver le titre, je me suis dit : « Bon sang, mais c’est ça que je veux faire ! »

En effet, cela faisait des années que je me cherchais, que je me livrais en freelance à toutes sortes d’activités très intéressantes, mais que je savais ne pas être « ma voie », ma vocation. Je cherchais, je cherchais… je faisais beaucoup de stages de développement personnel, de recherches, d’introspection…

Et c’est en lisant ces deux ou trois premières romances historiques, de trois genres différents, que j’ai eu le coup de cœur : le flash. Comme je l’ai alors dit à mon compagnon : « Mais j’aurais pu l’écrire, ce bouquin ! »

Dès la rentrée de septembre, je me mettais à la préparation de ma première romance historique : Pour l’amour d’une Sasunnach (écossaise, évidemment). Et voilà !

Comment un roman naît-il ?

A la base, d’une simple idée de rencontre entre une homme et une femme généralement de cultures différentes. Une simple idée de scénario, de contexte : par exemple, « une romance entre un Viking danois et une anglo-saxonne au IXe siècle », « entre un homme du Nord et une Slave au Xe », « une romance australienne », « un roman au XIXe siècle, dans tel pays, au moment de la Révolution Industrielle », « une romance impliquant les Orcades et Shetland du temps où la Norvège et l’Ecosse se les disputaient » etc…

Ensuite, je laisse les idées s’accumuler au fur et à mesure que j’effectue mes recherches (historiques, géographiques, socio-économiques, culturelles, géologiques, botaniques, mythologiques etc.) Je regarde des films, écoute des musiques en rapport avec le sujet, visionne des reportages, des documentaires, des synthèses, des vidéos, lis des articles, des blogs, des bouquins sur le sujet…

En général, j’écris alors mes propres synthèses historiques (ou thématiques), que je publie sur mon blog au moment de la parution du roman, pour les amateurs de précisions historiques.

Les idées s’accumulent, un peu en mode cocotte-minute : jusqu’à vouloir littéralement rejaillir de ma tête.

Quand j’ai accumulé assez d’idées, assez de « pression », que je suis vraiment sous tension (après en général deux à trois mois de recherches) et que l’histoire ne demande plus qu’à être écrite, hop ! C’est parti : j’arrête tout le reste (administratif etc.) et je m’isole pendant 7, 10, 15 jours, le temps qu’il faut pour, toutes mes notes sous le coude, écrire le roman de A à Z.

Tu as 33 ans et déjà un actif de 9 livres ; à quel âge as-tu commencé à écrire ?

Comme je le disais, petite fille, j’écrivais déjà. Mais mes véritables romans, ceux que je publie aujourd’hui, j’ai commencé à les écrire le jour (très symbolique) de mes 30 ans, juste après ce « flash » estival, ce coup de cœur pour ces trois premières romances historiques, qui m’ont vraiment mise sur la voie. C’était donc il y a trois ans.

En fait, j’ai écrit 15 livres et, tu as raison, j’en ai publié 9. J’ai un assez gros décalage entre la production et la publication, car le travail éditorial nécessite, à mon sens, un temps de repos du manuscrit avant de le reprendre. Et puis, c’est un assez gros travail (la relecture, la correction, la mise en page, la confection de la couverture…), qui s’étale sur plusieurs mois. Sans compter que j’apprécie d’avoir quelques œuvres « d’avance », en cas de panne d’écriture (on ne sait jamais !), pour ne pas imposer ce genre de « traversée du désert » à mes lecteurs !^^

J’ai la chance, je pense, d’écrire très vite et d’avoir de nombreuses idées de scénarios. Tout ce que j’espère, c’est que cela continuera !

Comme je le racontais un peu plus haut, je pense que je me suis très longtemps éloignée de ce besoin essentiel qu’est pour moi l’écriture (une dizaine d’années), et que j’ai mis beaucoup de temps, après ce burn-out « littéraire » à dix-huit ans, à me retrouver et à retrouver vraiment le goût de la littérature en général. Mais qu’après cet élément déclencheur (ces romances historiques trouvées dans une boîte à livre), le volcan en dormance s’est tout simplement (enfin) réveillé !

Du coup, mes 15 premières rédactions se sont enchaînées à un rythme assez intense, bientôt entremêlé à celui (non moins éreintant) de l’édition.

Mais ça va peut-être commencer à se calmer, et le rythme à ralentir un peu, à présent !^^

Combien de temps mets-tu pour écrire un livre ?

La rédaction proprement dite m’a toujours, jusqu’à présent, pris entre 7 (pour le plus court et premier de mes romans, Pour l’amour d’une Sasunnach) et 17 jours (pour le plus long à ce jour, celui qui doit paraître au printemps 2021). Mais les recherches, menées de front avec toutes sortes d’autres tâches (travail éditorial, communication, marketing, administratif etc) s’étalent sur deux-trois mois en amont, et me fournissent de très nombreuses idées.

Si bien que, le moment de passer à la rédaction venu, ça se fait pour ainsi dire tout seul ! J’écris alors quasiment en non-stop, de façon très dense, très concentrée, sur une courte période. Je ne vois personne (mon compagnon mis à part), je ne mets pas le nez dehors, rien ! Je me consacre à 100% à l’écriture du roman. Jusqu’au point final. Une transe, pour ainsi dire !^^

Ensuite, bien sûr, il y aura les relectures, le travail éditorial… Ca, je me permets de l’étaler dans le temps, de laisser le manuscrit reposer plusieurs mois avant de le reprendre… Mais j’y apporte en général très peu de changements : l’essentiel du travail, à ce stade, c’est de détecter les coquilles. Je dirais que je garde mon manuscrit d’origine à 98% ^^

Y’a-t-il des périodes, des lieux plus propices pour l’écriture ?

Les périodes, je me les aménage moi-même : il faut que j’aie accumulé assez d’idées, de recherches et de vocabulaire et, surtout, que ce soit une période sans corvées administratives, sans pépins techniques, que mon mental soit libéré et que je puisse me consacrer sans interruption au processus d’écriture. Je me réserve donc mentalement souvent une période de 15 jours – 3 semaines (donc avec un peu de marge, au cas où…) très en amont, je me dis « à telle date (propice), je m’enferme et je commence mon roman », et je m’arrange pour m’être débarrassée de tout ce qui pourrait être déplaisant ou contrariant, du contrôle technique de la voiture à ma déclaration trimestrielle de revenus, avant cette période, qui doit être « sacrée », intouchable !^^

J’écris chez moi ou chez mon compagnon ; dans les deux cas, il a la merveilleuse gentillesse de s’occuper des courses et des repas pendant toute ma période d’écriture… que je puisse me consacrer à 100% à mon bonheur et à la création, sans me soucier du matériel, du quotidien, des tâches diverses et variées !

Tous tes romans sont des romans historiques, tu dois faire beaucoup de recherches, quels sont tes supports pour ta documentation ?

Ah, eh bien j’ai déjà pas mal répondu à cette question sans m’en rendre compte !^^ Reportages, documentaires, atlas, ouvrages de spécialistes, synthèses, articles, blogs, films, romans, musiques… tout est bon pour s’imprégner de l’époque, du lieu, de la culture explorée, des mœurs… Sans compter mes propres voyages !

Ecosse, Danemark, Norvège, Londres… Tes romans, en plus de nous faire voyager dans le temps, nous font voyager tout court. Comment arrives-tu à transposer les lieux d’aujourd’hui en lieux d’hier ?

Oh, pour l’aspect géographique, tout simplement avec beaucoup de recherches, appuyées sur des atlas, des plans, des cartes (y compris historiques), des vues Google maps, des descriptions d’autres ouvrages, l’analyse de décors de films, des documentaires de type Arte etc… Mes nombreux voyages passés comptent aussi, bien sûr, pour les pays que j’ai eu la chance de visiter…

Pour l’aspect historique et la transposition, beaucoup de recherches sur les civilisations de l’époque au sens large, sur les objets du quotidien, l’artisanat, la nourriture, le vêtement, l’outillage, l’architecture, la décoration intérieure, le mobilier…

Enfin, une bonne dose d’imagination pour enrober le tout !^^

Ton premier roman, Pour l’amour d’une Sasunnach ; Jamie Fraser était-il déjà entré dans ta vie lorsque tu l’as écrit ?

Paradoxalement, non, mais c’est grâce à lui (mon premier roman) que j’ai découvert Outlander ! Ou plutôt, grâce à mon premier graphiste, qui en créant la couverture de ce roman, et en en découvrant le titre et le contexte (Ecosse médiévale), m’a dit : « Ah ! Mais tu dois adorer Outlander ! »

Outlander ? Non, je ne connaissais pas (je n’étais alors pas encore très portée sur les séries). Je me suis alors intéressée à la chose et ai regardé les deux premières saisons en VO. Le coup de cœur, bien entendu ! Par la suite, j’ai donc rejoint des groupes Outlander sur Facebook, et beaucoup de fans de la série ont lu et apprécié Pour l’amour d’une Sasunnach, puis Shaena, ma deuxième romance écossaise, parue en 2019.

Quant au terme de « Sasunnach » (gaélique ancien, vs « sassenach », gaélique moderne), je l’avais découvert dans une autre romance écossaise (probablement de Julie Garwood, mais je n’en mettrais pas ma main au feu – j’ai lu pas mal de romances écossaises, depuis cette première découverte !) Et j’ai retrouvé le terme de « Sasunnach », parfois aussi écrit « Sassanach » (ou « Sasannach »), uniquement avec des « a »), chez d’autres auteurs.

J’ai donc depuis lors découvert la série Outlander… mais pas encore lu les livres, grosse paresseuse que je suis !^^

Pourquoi une orthographe différente du mot « Sassenach » ?

Ah, j’anticipe toujours ! Eh bien voilà : parce que Pour l’amour d’une Sasunnach se déroule au Moyen Âge, et que j’ai donc opté pour l’orthographe gaélique ancienne. Également parce que, à l’origine, j’avais rencontré ce terme sous cette orthographe.

Je me suis souvent dit : « heureusement que je ne connaissais pas encore Outlander, sinon je n’aurais jamais osé utiliser ce terme (sous quelque orthographe que ce soit) », tant il peut sembler aujourd’hui… éculé, à force d’y être utilisé !

Sincèrement, j’aurais connu Outlander avant de publier ce tout premier roman, j’aurais sûrement choisi de changer de titre, par gêne, par complexe, par peur d’être taxée de plagiat, je l’ignore. Mais je suis contente que ça ne se soit pas passé comme ça, et que j’aie ignoré jusqu’à l’existence même des romans de Diana Gabaldon avant la confection de la couverture finale du roman (donc juste avant de le publier : là, ça devenait un peu tard pour changer), car il s’agit d’un des seuls titres qui me soit venu vraiment spontanément, pendant ma phase d’écriture, et vis-à-vis duquel je n’ai jamais hésité !

Dieu sait que, quand le titre ne s’impose pas de lui-même, comme une évidence, je galère pour en trouver un qui convienne ! (et ça m’arrive déjà environ une fois sur deux, tout de même !)

Arrives-tu à vivre de la vente de tes livres ?

Oui. A peu près un an après mes débuts dans l’édition, j’ai pu arrêter toutes mes autres activités et ne plus vivre que de mes romans. Le bonheur !

Comment faire pour commander tes livres ou te suivre (réseaux sociaux, site internet) ?

Je suis sur (presque) tous les réseaux sociaux, y compris Twitter etc., mais je suis surtout présente sur Facebook et Instagram. On peut trouver tous mes romans sur Amazon, tant au format ebook que broché, en tapant mon nom. Mais je peux moi-même expédier des romans par la poste, pour ceux et celles qui souhaiteraient éviter Amazon (ou qui auraient un faible pour les romans dédicacés !)

Je suis aussi parfois en dédicace en Gironde, dans les Cultura ou les Leclerc, par exemple, ou lors de fêtes médiévales, mais avec le covid… c’est un peu en stand-by, tout ça !

Enfin, mon blog, où l’on peut retrouver tous mes romans (même si la vente ne se fait que via Amazon ou par mes blanches mains), ainsi que tous mes articles historiques, littéraires, des bonus, des topos sur les univers de mes romans, leurs making-of, les cartes géographiques liées… : www.aureliedepraz.com

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Questions : Dominique Constantin, administratrice du groupe Facebook « Les Sassenachs suisses… et d’ailleurs », où vous pouvez retrouver l’interview d’origine.
Réponses : Aurélie Depraz
Illustration article : Pixabay

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