Deuxième volet de mon étude sur les sous-genres de la romance. Nous allons aujourd’hui en présenter 3, intimement liés, souvent confondus, et pourtant fondamentalement différents : la romance fantastique (ou paranormale), la romantic fantasy et la romance futuriste.
Mais pour simplifier la compréhension des nuances subtiles qui viennent distinguer ces 3 genres, il convient peut-être de rappeler ici, avant toute chose, la grande différence entre fantastique, fantasy et science-fiction, indépendamment de toute dimension sentimentale. Petit rappel, donc.
Le fantastique
Né au XIXe s. (grand auteur fantastique en France : Maupassant), il puise ses racines dans les romans gothiques (anglo-saxons à l’origine) de la fin du XVIIIe et du début du XIXe s. Il consiste en l’insertion dans un monde familier, banal, normal, quotidien, d’éléments dérangeants, paranormaux, incompréhensibles, inexplicables par la raison, et dont on ne connaîtra jamais l’origine. Le personnage tout comme le lecteur oscille entre explication rationnelle et irrationnelle sans trouver la clé de l’énigme. De ce fait, le fantastique est très souvent associé à un sentiment de malaise, d’anxiété, voire d’angoisse. A l’extrême, il verse dans l’horreur.
Le type d’éléments surnaturels que l’on peut trouver en fantastique ? Du vampire au loup-garou, du talisman au miroir magique, du fantôme à dracula, du voyage inexpliqué dans le temps à certains pouvoirs inexplicables comme la télépathie ou la télékinésie, toute anomalie, toute étrangeté est la bienvenue…
Quelques grandes œuvres fantastiques (toujours hors du cadre de la romance) pour vous donner une idée : Shining de Stephen King, le Horla de Guy de Maupassant, le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, la Vénus d’Ille de Prosper Mérimée, des nouvelles d’Edgar Poe, le Château des Carpathes de Jules Verne (plus connu pour ses œuvres de science-fiction, certes ! mais cette œuvre-ci est fantastique). Si vous avez des enfants au lycée, demandez-leur de vous faire un topo ! ^^ C’est au programme du bac ! (ça les fera réviser…)
La fantasy
Ce terme, anglais bien sûr, désigne la version moderne du merveilleux : rien à voir avec le fantastique. L’histoire s’ancre directement dans un monde à part, imaginaire et magique, revendiqué comme tel (le « il était une fois… » des contes de fée). Il n’y a donc pas cette angoisse inhérente au monde du fantastique qui rime avec l’idée que des éléments surnaturels et inquiétants puissent surgir dans notre monde réel/quotidien et en perturber la tranquillité.
Le monde de la fantasy est entièrement merveilleux et on le prend comme tel, avec ses elfes, ses fées, ses licornes, ses créatures fantastiques, ses mages et ses pouvoirs magiques. Un pacte est conclu entre l’auteur et le lecteur d’entrée de jeu : les sorcières et les dragons existent, la poudre de lumière et les monstres des Enfers aussi.
Les contes de Charles Perrault, des Mille et une Nuits et des frères Grimm, le Seigneur des Anneaux, Game of Thrones… font tous partie du merveilleux (le merveilleux traditionnel pour les contes, la fantasy moderne pour les deux derniers titres).
La fantasy est le terrain idéal pour qui veut se lancer dans d’interminables sagas en 20 tomes. Il n’y a pas d’hésitation entre réalisme et paranormal, monde connu et éléments dérangeants : le monde entier créé dans le roman est merveilleux, et le principal enjeu réside plutôt dans l’opposition entre les forces du Bien et les forces du Mal. L’imaginaire traditionnel médiéval est très souvent utilisé (chevaliers, princesses, claymores, arcs et flèches, forteresses imprenables, armures, chevaux…). Le genre plonge d’ailleurs un certain nombre de ses racines dans l’univers du roman de chevalerie médiéval, justement (Perceval, Yvain et Lancelot de Chrétien de Troyes…)
Il existe de nombreux sous-genres à la fantasy : la dark fantasy, l’heroic-fantasy, la medieval fantasy, la light fantasy (ou « fantasy burlesque »), la fantasy urbaine… Je laisse le soin aux spécialistes de vous expliquer en quoi le(s) classement(s) de la fantasy constitue(nt) un sacré micmac… Pour ce qui est de cet article, la définition générale de la fantasy nous suffira 🙂
La science-fiction
Son terrain de jeu à elle, c’est le futur : on imagine la société telle qu’elle pourrait évoluer d’ici 10, 100, 1000 ans. On décrit aussi des communautés, des peuples, des mondes, que l’on pourrait être amenés à découvrir. Mais l’histoire s’ancre dans le réel, tout est explicable rationnellement, scientifiquement, technologiquement. Là où les frontières peuvent paraître floues à première vue, c’est que certains éléments de la SF peuvent faire penser à du fantastique ou à du merveilleux ; mais leur explication sera toujours logique et rationnelle (en opposition au registre de la fantasy, où l’explication est irrationnelle et magique, et à celui du fantastique, où elle demeure tout simplement inconnue, ou bien irrationnelle, mais sans que l’on puisse l’intégrer logiquement et de façon satisfaisante à notre monde rationnel). En science-fiction, si un être est télépathe, par exemple, ou s’il a d’autres supers-pouvoirs d’ailleurs, c’est parce qu’il a subi une mutation génétique lui conférant cette aptitude inhabituelle (cf. les X-men) – entre autres causes possibles (mais toujours scientifiques).
La science-fiction possède elle aussi de nombreux sous-genres (peut-être l’objet d’un autre article un jour, mais ce n’est pas ma spécialité !) : le space opera, le planet opera, la dystopie, le post-apocalyptique, le cyberpunk… Leurs deux points communs : leur cadre futuriste (sauf dans l’uchronie et le steampunk – mais ce serait trop long à expliquer ici !) et l’explication scientifique (médicale, physique, météorologique, virale, astronomique, génétique, industrielle…) des phénomènes qu’on y découvre, bien souvent surprenants pour nous, au regard de notre propre époque et de notre propre réalité.
Quelques exemples : Jules Verne, bien sûr, maître et fondateur incontesté du genre, la Planète des singes de Pierre Boule, Chroniques martiennes, Blade runner, Les Fourmis etc.
Bon ! ce cadre étant posé, revenons-en à nos moutons.
La romance fantastique
Comme son nom l’indique, la romance fantastique incorpore à son histoire d’amour des éléments surnaturels, piochés dans le monde du fantastique, voire, parfois, de l’horreur. Il s’agit, typiquement, d’histoires d’amour entre humains et vampires (le vampire renvoyant à l’archétype du bad boy, et son immortalité au rêve d’un amour éternel…), loups-garous, esprits, fantômes…
Il peut aussi s’agir de voyages dans le temps inexplicables (« time travel romance »): auquel cas, la romance sera bien sûr à la fois paranormale et historique (pour toute la partie située dans le passé ! ex : Outlander) ou futuriste, si le voyage se fait dans le futur… Les cas les plus fréquents sont ceux de l’héroïne qui part dans le passé et y trouve son héros (digne d’une romance historique) ; et celui du héros qui vient du passé et arrive dans le présent (certains titres sont éloquents, comme Vint un chevalier, de Jude Devereaux).
La romantic fantasy
On est là bien sûr dans un sous-genre à la fois de la romance et de la fantasy. A noter (mais je pousse le vice) : on distingue parfois même la romantic fanstasy de la fantasy romance… Si la première met davantage l’accent sur la partie fantasy, la seconde (on s’en doute), insistera davantage sur la partie romance (il s’agit parfois même d’une romance contemporaine empreinte pour le plaisir d’éléments fantasy… on se permet beaucoup de choses en littérature !). Tout serait donc question de dosage.
Au-delà de ce distinguo fort subtil, la romantic fantasy (au sens large) donne souvent la part belle aux rôles féminins : parfois même, l’histoire est centrée uniquement sur les femmes, dans le cadre d’une société matriarcale (ex : le Cycle d’Avalon, les Amazones…). Côté ambiance et descriptions charnelles, beaucoup de poésie.
La romance futuriste
Aussi dite (on s’en doute aussi) « science-fiction romance ». Les héros masculins sont alors souvent des envahisseurs d’autres planètes ou des pilotes de l’espace (est-il utile de rappeler que l’idée reste qu’ils soient emblématiques et incarnent le fantasme de la force, de la puissance, voire de l’agressivité ?). On mêle aussi parfois ce genre à du policier (une sorte de Blade runner doublé d’une histoire d’amour, quoi…)
Et plus si affinités…
Dans mon prochain article, je vous parlerai de 3 autres genres très souvent rattachés à la romance, mais qui n’en sont pas des sous-genres au sens strict, au sens où ils débordent du cadre précis de la romance pure (l’amour n’est dans ces genres annexes qu’un des éléments de l’intrigue, il est parfois même secondaire au regard d’autres aspects de la vie du personnage principal – à la grande différence des romances, vous l’aurez compris, où l’histoire d’amour est toujours au cœur de l’intrigue).
Mais dans la mesure où, quand parle de romance, on évoque très souvent ces 3 genres au même titre que tous ceux que nous venons de voir ; où ils gravitent donc dans la nébuleuse de la romance ; où les fans de ces 3 genres sont bien souvent également de grands consommateurs (de grandes consommatrices…) de romances (et vice-versa) ; où le lectorat est, dans la romance comme dans ces 3 genres complémentaires, essentiellement féminin ; où le numérique cartonne dans les deux cas ; et où l’addiction est bien souvent au rendez-vous tant pour les uns que pour les autres… il me semble judicieux – voire nécessaire –, dans un souci d’exhaustivité, de les présenter dans un article à part.
Vous êtes curieux ? Eh bien non, je ne vous dirai pas de quoi il s’agit ! Mais je suis sûre que les lectrices de romances vous les citeront sans hésitation !^^
Texte : © Aurélie Depraz
Source photo : Unsplash