Nouvelle érotique, romance, romance érotique, littérature pornographique… Comment s’y repérer ?
Bien que les frontières et les définitions soient – comme souvent – discutées et tout à fait subjectives – nous verrons en quoi –, on peut tenter de tracer les grandes lignes d’un distinguo entre ces différentes catégories de la manière suivante :
La romance « pure » se consacre essentiellement aux sentiments. La plus traditionaliste se cantonne à l’échange d’un baiser chaste et conserve beaucoup de pudeur mais, depuis les années 80, force est de constater que l’acte sexuel y occupe une place de plus en plus importante. Cependant, lorsqu’il y est rapporté, c’est souvent de façon métaphorique, poétique et romantique, à renfort d’euphémismes et de suggestions.
La romance érotique se fait plus explicite dans l’exploration et la transcription du désir et dans la narration des ébats des héros, mais continue de donner la part belle aux sentiments et à la naissance d’une véritable relation. Elle reste avant tout une romance, donc une histoire d’amour. Les descriptions peuvent être plus explicites et les scènes d’amour physique plus nombreuses et plus osées, mais certains sujets (déviances, pratiques…) restent tabous.
La littérature érotique (romans et nouvelles) donne la part belle aux actes sexuels sans oublier toutefois la mise en scène, la contextualisation et la narration : les ébats ne surviennent que dans le cadre d’une histoire et d’une mise en situation qui les justifient et leur donnent sens. L’accent est cependant bel et bien mis sur le désir et les interactions physiques ; les sentiments, s’il y en a, sont secondaires. Certaines maisons d’éditions sont spécialisées dans l’érotisme. Les pratiques évoquées se diversifient.
La littérature pornographique se passe (quasiment) d’histoire et l’acte sexuel de prétexte et de contexte. Si scénario ou préambule il y a, il est court et basique. Il n’y a pas de tabou dans les pratiques retranscrites, les termes sont crus, les propos éventuellement obscènes (à noter que ces caractéristiques peuvent commencer à transparaître dans la littérature érotique). Si l’érotisme est fréquemment rattaché à l’art, la pornographie ne l’est que difficilement. L’érotisme serait doté d’une esthétique certaine, ce dont la pornographie serait dépourvue.
Bien sûr, ces délimitations sont tout à fait contestables dans la mesure où la ligne entre érotisme et pornographie, par exemple, est éminemment subjective et les démarcations fluctuantes. On a tendance à considérer que l’obscénité et l’immoralité permettent de tracer la ligne rouge entre érotisme et pornographie. Sauf qu’il s’agit bien évidemment de concepts hautement subjectifs : ce qui est obscène et répugnant pour l’un ne l’est pas forcément pour un autre ; ce qui est excitant pour l’un laissera l’autre de marbre, voire le dégoûtera ; ce qui choque moralement à une époque se retrouve plus tard banalisé ; ce qui est censuré ne l’est plus ; celui qui est taxé de « pornographe » (Zola, pour Thérèse Raquin en 1867), ne l’est plus (j’ai même étudié ce roman en 2nde en cours de français !) ; celui qui fait l’objet de poursuites pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs » (Flaubert pour Madame Bovary, en 1857), est au programme du baccalauréat un siècle et demi plus tard…
Et quand on pense que certains lobbys américains (puritains, cela va sans dire), traitent les romances (y compris les récits purement « fleur bleue » à la Barbara Cartland, où on n’a même pas droit à un baisemain) de pornographie féminine (si, si !), il semble clair que chacun donne à la romance, à l’érotisme et à la pornographie les contours qui lui conviennent !
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Texte : © Aurélie Depraz