« The Regency » est, depuis plusieurs décennies, une période de l’Histoire anglaise très prisée des auteur(e)s de romances historiques anglo-saxonnes. Sauf que, pour nous autres lecteurs et lectrices français, à part les quelques détails que l’on comprend et que l’on devine au fil des pages et des dialogues de ces romans abondamment traduits dans notre langue, la « Régence » anglaise, c’est en général le flou artistique complet. On comprend, de toutes les dates mentionnées au début des romans, que ça s’est déroulé au début du XIXe s., mais à part ça…
Du coup, petit éclairage aujourd’hui sur cette période mise à l’honneur dans ses romans par Jane Austen, auteure célèbre de l’époque, et très exploitée par les romancières américaines et anglaises d’aujourd’hui…
La Régence au sens strict ne dure que de 1811 à 1820 : elle correspond à la fin du règne de George III, quand la santé mentale du roi amène son fils, le Prince de Galles, largement en âge de gouverner, à assurer la Régence du royaume en attendant la mort de son père et son avènement officiel.
Mais au sens large, on parle souvent de la Régence pour qualifier toute la période courant de 1795 à 1830, soit du moment où George III commence à perdre ses facultés de gouvernance à la mort de son fils, devenu, après 1820, George IV. On inclut même parfois le règne de son successeur Guillaume IV (1830-1837) qui précède une nouvelle ère majeure de l’histoire britannique : l’époque victorienne, avec l’accession au trône de la reine Victoria en 1837.
Cette période de la Régence (au sens large comme restreint) s’insère dans la plus vaste période dite « géorgienne » correspondant, comme son nom l’indique, aux règnes des rois George I, II, III et IV, c’est-à-dire de 1714 à 1830 (le règne de Guillaume IV est, encore une fois, parfois inclus dans cette période, ce qui amène la fin de l’ère géorgienne à 1837).
Ces 4 « George », Guillaume IV et Victoria constituent la dynastie de Hanovre qui succéda à celle des Stuarts à la tête de l’Angleterre et, à partir de ce début du XVIIIe s., de la Grande-Bretagne et du Royaume-Uni. Pour rappel, voici l’ordre de succession des dynasties à la tête de l’Angleterre saxonne, puis de l’Angleterre médiévale et moderne, et enfin de la Grande-Bretagne et du Royaume-Uni (à partir de la formation de ces deux ensembles au XVIIIe) :
- Maison de Wessex
- Maison de Jelling (scandinave !)
- Alternance des deux maisons précédentes au cours du XIe s. (voir ma « Petite Histoire de l’Angleterre, volet 1 »)
- Les Normands à partir de Guillaume le Conquérant (1066-1154)
- Les Plantagenêts (autre maison française !)(1154-1399)
- Alternance des Maisons de Lancastre et d’York durant la guerre des deux Roses (1399-1485)
- Dynastie Tudor (1485-1603)
- Dynastie Stuart (1603-1707, en excluant la période des Révolutions anglaises et l’intermède de Cromwell au milieu du XVIIe s.)
- Dynastie de Hanovre (celle qui nous intéresse pour cet article)
- Maison de Saxe-Cobourg-Gotha (renommée « Windsor » en 1917 en raison des consonances germaniques malvenues dans le contexte de la Première Guerre Mondiale) : maison toujours à la tête du Royaume-Uni aujourd’hui
(lire ma « Petite Histoire de l’Angleterre en 4 articles) pour plus de détails sur les hauts faits de ces différentes dynasties !)
Mais recentrons le débat ! La période géorgienne, donc, comprend (entre autres) la Régence du début du XIXe s. et prépare l’ère victorienne qui suivra de par les nombreux bouleversements dont elle se fait le théâtre. Car le XVIIIe s. et le début du XIXe s. ne manquent pas d’évènements politiques et sociaux majeurs :
- L’écrasement des révoltes jacobites successives en Ecosse, jusqu’à la bataille de Culloden (véritable désastre pour l’Ecosse) et la quasi-extinction de la culture gaélique des Highlands au cours des Highland Clearances qui s’ensuivent (une des périodes les plus sombres de l’Histoire de la Grande-Bretagne moderne – voir ma « Petite Histoire de l’Ecosse« )
- La Guerre de Sept Ans (toute première véritable guerre mondiale !)
- La Révolution américaine et la perte des colonies (un désastre pour l’Angleterre de l’époque)
- La Révolution française et ses conséquences outre-Manche : vaste débat d’idées, accueil de nobles émigrés, guerres de la Révolution, puis :
- Les Guerres européennes de Napoléon (1803-1815), les Anglais figurant en tête de la liste des ennemis de l’Empire (Nelson et Wellington font alors figure de héros nationaux) – voir mon article sur les guerres napoléoniennes
- Le mouvement anti-esclavagiste et, finalement, abolition de l’esclavage en 1833
- Les prémisses des idées féministes
- Le développement de l’Empire britannique (voir ma « Petite Histoire de l’Empire Britannique »), un « morceau » plus que marquant de l’Histoire du Royaume-Uni (et un empire qui, à son apogée, couvrira un quart de la population mondiale, tout de même !)
- L’émergence de la Première Révolution industrielle (dont le berceau fut l’Angleterre elle-même dès les années 1750) : voir mon article sur la Première Révolution industrielle
En ce qui concerne la Régence au sens strict, une fois les dernières guerres napoléoniennes soldées par Waterloo, en 1815, il s’agit d’une période de répit marquée par la personnalité extravagante du Prince-Régent (futur George IV).
Né en 1762, il fut aussi critiqué pour ses dépenses scandaleuses, sa vie privée dissolue (débauche, maîtresses, enfants illégitimes, dettes), son irresponsabilité, son égocentrisme et ses extravagances coûteuses qu’il fut reconnu pour son goût, sa contribution à l’évolution des modes, son généreux mécénat, sa culture et son intelligence. Malgré son titre de « premier gentleman d’Angleterre » (dû à son charme, ses manières, son goût sûr, son sens de l’art et sa mise), il irrita son peuple et affaiblit le prestige de la monarchie. Son mode de vie à la fois monstrueusement coûteux et outrancier lui valut d’ailleurs de nombreuses disputes avec son père et son mariage (forcé) avec sa cousine Caroline de Brunswick fut un désastre (George interdit même à son épouse d’assister à son couronnement et de revendiquer son titre de reine consort lorsqu’il accéda au trône en 1820).
Il mourut obèse, probablement intoxiqué au laudanum, et victime de toutes sortes de problèmes de santé en grande partie imputables à son mode de vie dépravé (abus d’alcool et de bonne chère) : goutte, artériosclérose, cataracte, et probablement porphyrie (maladie mentale) aussi (comme son père, quoique de façon moins marquée).
S’il fut peu impliqué en politique (ce sont ses gouvernements qui menèrent l’Angleterre jusqu’à la victoire contre Napoléon par exemple, sans grand soutien de la part du Régent), on n’en doit pas moins lui reconnaître certains mérites… sur d’autres plans : il fut le premier monarque britannique à visiter l’Irlande depuis Richard II (au XIVe s. !) et l’Ecosse depuis Charles Ier (au XVIIe s. !) ; il fit évoluer la mode (même si ses choix furent avant tout dictés par sa propre corpulence !), favorisa le retour du tartan dans les Highlands (interdits depuis Culloden en 1746), encouragea l’émergence de ce qu’on appela le « style Regency » en architecture (marqué par John Nash), en matière de mode (avec l’exemple de la référence en la matière pour les hommes, Beau Brummel, et l’équivalent du style Empire pour les femmes), d’arts décoratifs (Robert Adam), d’arts en général etc…
Peut-être en raison de son exemple, la Régence fut une période de faste et d’excès pour l’aristocratie : bals, soirées, spectacles, réceptions, parties de chasse, promenades, opéra… Un cadre propice à toutes sortes d’intrigues mettant en scène lords, ladies, domestiques et parfois roturier(ère)s et mêlant souvent à l’intrigue amoureuse des éléments cocasses et burlesques ou des investigations « policières » (en mode détectives amateurs). Le style adopté s’inspire souvent de celui de Jane Austen (éléments comiques, autodérision…) et favorise les dialogues piquants et pleins d’esprit (l’art de la conversation étant à l’époque aussi loué que central).
Il s’agit d’un des sous-genres de la romance historique les plus populaires… et d’une des périodes de prédilection de Barbara Cartland, auteure prolifique de romance s’il en fut. De nombreuses romancières après elle publièrent des dizaines de titres (chacune) prenant pour cadre la Régence.
J’ai moi-même succombé à la tentation. Vous pouvez découvrir le premier tome de ma trilogie « Regency » ici : découvrez:
- Alexander, premier tome de ma trilogie « Passions Londoniennes »
- Jay, le deuxième tome de « Passions Londoniennes”
- James, le troisième tome
Je parle aussi beaucoup de la Régence et de George IV dans le tome 3 de cette trilogie (« James », parution prévue pour l’automne 2020).
A très bientôt pour de nouvelles découvertes !
Textes : (c) Aurélie Depraz
Image : pixabay