Encore une fois, j’ai eu un bonheur fou à écrire ce roman et à jongler entre mythe et réalité, histoire et fiction, faits véridiques et sagas dans le cadre de cette belle histoire d’amour… On commence par le vrai du faux ?
Le vrai du faux
Le vrai :
- La Norvège était bien divisée en 29 petits royaumes (j’en liste les noms dans mon roman : Hordaland, Rogaland, Vestfold etc), son nom d’ensemble, en norrois, était bien « Noréegr », la « Route du Nord » (péninsule et côte ouest de la Scandinavie).
- A la fin du IXe s., Harald à la Belle Chevelure a bien entrepris la conquête systématique de tous ces petits royaumes, jarldoms (comtés) et chefferies indépendants. Son père avant lui avait bien commencé à étendre son pouvoir sur les royaumes voisins de leur Vestfold d’origine (Agder etc.), comme je l’explique dans mon roman (je n’ai rien inventé concernant l’Histoire d’Harald, de ses parents et de ses grands-parents). Tout ce que je raconte sur Harald à la Belle Chevelure et sa famille (sa mère, son père, son grand-père, les assassinats, le lac gelé…) provient des sagas à leur sujet et relève donc de la réalité (ou plutôt : légende/tradition).
- Le Rogaland et le Hordaland auraient bien été les deux derniers royaumes à avoir résisté aux prétentions hégémoniques d’Harald, même si je n’ai pu trouver cette information qu’une seule fois ! (le nom des opposants d’Harald est bien souvent oublié !)
- Ils ont bien été défaits à la bataille navale de Hafrsfjord, près de Stavanger. Date supposée : été 872 (mais, comme toujours, une bonne part de l’Histoire de la Scandinavie relève des sagas, donc de la légende et de reconstitutions… parfois des siècles après les faits !)
- Trois épées fichées dans le sol près de Stavanger constituent un monument commémoratif de cette dernière victoire d’Harald. Bien sûr il aura fallu encore un siècle pour que la Norvège soit vraiment unifiée (les historiens ne sont d’ailleurs pas tous d’accord à ce sujet : Harald n’aurait pas vraiment tout conquis et unifié en un seul règne – il y a une part de légende/saga là-dedans !) ; on considère souvent que le travail d’unification de la Norvège était à peu près terminé sous le règne d’Olaf le Saint, soit plus d’un siècle plus tard… Malgré tout, Harald reste dans les esprits comme « LE » premier roi de (toute la) Norvège.
- L’Islande a bien été découverte à ce moment-là (juste avant) : années 860-70.
- Les noms des différents « découvreurs » de l’Islande sont authentiques (enfin, on va dire qu’ils relèvent aussi des sagas, donc… mi-part de vérité, mi-part de légende), je ne les ai pas inventés. Si les fans de la série « Vikings » ont retrouvé « Floki » dans le lot, c’est parce qu’un homme de ce nom fait bien partie des premiers explorateurs de l’Islande ! De même qu’Ingolf et les quelques autres explorateurs que je mentionne.
- Les velléités d’Harald et sa (supposée/prétendue) tyrannie, notamment en matière de taxes, ont bien fait partie, selon certains historiens, des facteurs ayant poussé grand nombre de Norvégiens à fuir vers l’Islande (mais aussi les Féroé, les Orcades, les Shetland, l’Ecosse). De là, ces « émigrés » harcèleront régulièrement la Norvège d’Harald (mais aussi les côtes de l’Ecosse) pendant plusieurs années, ce qui conduira Harald à une campagne expéditive aux Orcades et aux Shetland et à les placer sous son autorité avant de les confier ensuite à un jarl de ses amis (fidèle partisan), le jarl de Møre (un nom que j’évoque dans mon roman), dont le frère sera à l’origine de la longue lignée de jarls des Orcades… que j’évoque dans un autre de mes romans : Shaena !
- Quant aux dates, elles sont « choisies » par mes soins parmi les foules de dates proposées par les historiens (qui ne sont pas tous d’accord sur l’année de naissance d’Harald, de la colonisation de l’Islande et de la bataille de Hafrsfjord, pour ne citer que ces quelques moments-clés…) A 15 ans près, on a des versions différentes. Une chose est à peu près sûre : tout cela aurait eu lieu autour des années 870. Je me suis donc servie des dates qui m’arrangeaient le plus pour mon intrigue combinant cette dernière bataille d’Harald près de Stavanger et la fuite de Norvégiens vers l’Islande.
- Les Celtes d’Irlande et d’Ecosse étaient bien les esclaves privilégiés des Norvégiens et l’ADN d’origine celte est l’autre ADN extrêmement prépondérant (avec l’ADN norvégien) et pour ainsi dire exclusif des Islandais : les Norvégiens, Féringiens, Orcadiens (tous Vikings)… amenèrent leurs esclaves avec eux ! Beaucoup de femmes, notamment, auraient été de sang celte (tiens, tiens ! Aélis !!!^^)
- L’Islande, à ses débuts, a bel et bien été un chef-d’œuvre de « tolérance », d’« égalitarisme » etc. à l’image de ce dont rêvait Haakon. A ses débuts, je dis bien. Elle s’est dotée de things locaux, sans rois, puis d’un Thing commun (le tout premier parlement européen !!) etc. (voir mon article sur la « petite Histoire de l’Islande ») et il y avait tant de place pour tous que peu d’affrontements étaient nécessaires ; chacun jetait l’ancre là où il pensait que les dieux voulaient qu’il s’établisse, y prenait la terre et y fondait une ferme. Ce n’est que plus tard (plusieurs décennies plus tard – au cours du Xe s. et surtout à partir de l’an Mil) que les choses se sont gâtées : de plus en plus de monde (donc des conflits à propos de la terre, qu’il fallait régler), la christianisation forcée du pays, son rattachement (sorte de « vassalisation ») au royaume de Norvège… etc. Et, sous la domination danoise, l’Islande connut quelques siècles plutôt sombres… (voir ma « Petite Histoire de l’Islande » pour plus de détails).
- L’Islande a bien toujours été considérée comme le fleuron de la culture viking… (=le rêve d’Haakon, mon héros).
- A l’arrivée des premiers Norvégiens/Scandinaves, c’était bien une terre vierge, a priori jamais colonisée par l’homme (sauf quelques moines irlandais venus chercher l’isolement : les « papar », que je mentionne dans mon roman, et qui fuirent effectivement l’Islande à l’arrivée des premiers colons vikings – on les comprend !^^)
- Le roi de Francie Occidentale de l’époque était bien Charles le Chauve.
- Tout ce que je dis sur la situation géopolitique des Norvégiens, des Danois et des Anglo-saxons dans les îles de la Grande-Bretagne actuelle est vrai : la répartition de leurs terrains de « chasse » privilégiés, la situation dans le Danelaw, les chefs vikings mentionnés (Ivar…)… Alfred sera bien le roi qui, à partir de cette même année 871, stoppera la progression des troupes vikings dans les anciens royaumes anglo-saxons (Northumbrie, Mercie, Est-Anglie…) et qui, depuis le Wessex, entreprendra une longue guerre contre eux, l’amenant progressivement à être le « roi de tous les Anglo-Saxons » et, plus tard, considéré comme premier roi des Anglais dans leur ensemble. L’année 871 fut d’ailleurs surnommée par les historiens « l’année des batailles d’Alfred ». Ce contexte anglo-saxon n’aura pas été (je l’espère !) sans vous rappeler l’intrigue de « L’amour, la mer, le fer et le sang », mon tout premier roman au temps des Vikings !
- L’anecdote d’Harald qui serait devenu « aux Beaux Cheveux » le jour où il aurait juré de ne plus se couper les cheveux tant qu’il n’aurait pas conquis toute la Norvège et, ainsi, pu épouser une dénommée Gida, qui l’en avait défié, est authentique (toujours du domaine de la saga, bien sûr !)
- Ce que je dis sur la condition féminine, sur le mariage, les conditions de divorce… chez les Vikings est authentique : les Vikings étaient très, très en avance sur leur temps de ce point de vue-là (comme de bien d’autres !). Le fait qu’une femme puisse demander le divorce pour violence conjugale (même de l’ordre de la gifle)… Que les biens des époux (dot, propriétés etc.) soient alors répartis selon la responsabilité de chacun et du demandeur… Ce que je dis sur les enfants nés hors-mariage si la femme est allée voir ailleurs… Tout cela a été lu au cours de mes recherches !
- Ce que j’évoque sur le système de solidarité de type un peu « sécurité sociale » à la scandinave est vrai (moyens de subvenir aux besoins des veuves, orphelins, infirmes, vieillards…) ! Les Vikings étaient bel et bien dotés d’un tel système ! La sécu avant l’heure !
- Dans l’ensemble, ce que je raconte sur les origines de l’Islande et la situation en Norvège à cette époque est vrai.
- Le comte Eudes (supposé père d’Aélis) a bien existé, à la cour de Charles le Chauve.
- L’anecdote sur le roi Pampelune (rançonné après plus d’un an de captivité) est réelle.
- Les membres du clergé, quand ils étaient rançonnés, l’étaient bien auprès du pape.
- Les différents noms des Danes-Danois, Svears-Suédois etc., Norrois, Nortmanni, Northmen etc. sont réels. On les utilisait alors.
- Les races d’animaux domestiques (chevaux, poneys, moutons, chèvres, vaches, chats…) et de chiens que j’évoque sont bien des races scandinaves (même si la plupart ne possédaient probablement pas encore les noms d’aujourd’hui que j’emploi dans mon roman, bien sûr).
- Les Vikings utilisaient bien skis et patins à glace, ce n’est pas anachronique ! Les Lapons aussi. Il s’agit d’ailleurs d’inventions bien plus anciennes !
- La plupart des détails que je mentionne sur la fête de Jöl (ou « Yule ») sont exacts (en tout cas, tirés de sources) mais je me suis permis d’ajouter quelques éléments. Il est exact que notre fête de Noël tire bon nombre de ses caractéristiques non seulement de cette fête païenne nordique, mais aussi des saturnales romaines antérieures (qui se déroulaient également en décembre)… Tout comme il est exact que l’Eglise catholique adopta cette date du 25 décembre et cette stratégie pour assimiler les croyances et pratiques païennes, les reprendre à son compte, favoriser les conversions… et que tout notre « folklore commercial » de Noël (rennes, traîneau, sapin, lutins-elfes, neige, houx…) est, bien évidemment, hautement scandinave dans l’âme ! Néanmoins, la fête de Noël telle que nous la connaissons aujourd’hui (y compris son aspect nettement mercantile, le Père Noël etc.) ne s’est bien sûr développée sous cette forme que récemment : je me suis permis d’opérer ce rapprochement entre les détails de la fête de Jöl et ceux de Noël de façon « légèrement » anachronique par pur plaisir personnel, j’espère que vous ne m’en voudrez pas ! Il va de soi qu’au IXe s., la célébration chrétienne de Noël ne partageait pas grand-chose avec le Noël d’aujourd’hui, si ce n’était sa date ! Mais la symbolique du houx, du gui, de l’arbre du monde, de la renaissance, les cadeaux aux enfants… Tout cela relevait bel et bien de la fête païenne de Jöl déjà à l’époque (c’est simplement le Noël chrétien qui n’avait encore rien à voir avec celui d’aujourd’hui !)
- Les quantités de bois (saule, épinette, chêne, tilleul…) que j’indique comme nécessaires pour construire un bateau viking peuvent paraître surestimées… et pourtant, elles sont authentiques !
Le faux :
- Les noms de baies et villages (y compris Sørjevik) sont inventés (mais l’histoire est censée se dérouler non loin de Stavanger qui est, bien sûr, une ville réelle de Norvège – de surcroît la ville près de laquelle eut lieu la fameuse bataille du Hafrsfjord.
- Tous mes personnages principaux sont inventés (Haakon, Aélis, Loken, le chef danois, le mari franc…)
- Comme je l’ai dit, j’ai fait des choix personnels quant aux multiples dates proposées par les historiens pour un même événement et ai pris celles qui m’arrangeaient pour la cohérence de mon intrigue. Selon certaines sources, le dénommé Harald aurait eu 10 ou 15 ans en 871… ça ne m’arrangeait pas (même si on n’avait pas besoin d’être majeur à l’époque pour se battre, revendiquer un trône… enfin, vous voyez ce que je veux dire !) Selon d’autres, il aurait eu 10 ans de plus… ça m’arrangeait davantage… Bref je suis parfois restée dans le flou et me suis accommodée des faits, dont la « véracité », de toute façon, reste plus que contestée parmi les spécialistes !
- Evidemment, la colonisation (tout juste balbutiante) de l’Islande ne s’appelait pas encore « Landnámsöld » en 871 ! C’est le nom qui a été employé dans les sagas bien plus tard pour qualifier cette grande vague migratoire. Je me suis permis de l’utiliser de façon, disons, quelque peu… « anticipée » ! ^^
A propos… de Loken
Autre détail : à l’origine, j’avais doté le jarl et meilleur ami d’Haakon d’un nom quelconque, qui sonnait bien pour un chef, selon moi, mais qui ne m’émouvait pas particulièrement : Thorkell. C’était un perso secondaire, je n’avais donc pas besoin de me creuser davantage la cervelle.
Mais il s’est trouvé que, comme pour mon roman des Orcades (Shaena)… je me suis peu à peu attachée à ce personnage, à sa droiture, à son profond sens de l’amitié… Et qu’au moment des adieux entre Haakon et lui, j’ai versé ma petite larme. Je me suis surprise à me dire que… je l’enverrais bien les rejoindre, une fois la bataille de Hafrsfjord passée… Que je l’aurais bien suivi en Islande… que je l’aurais bien doté, lui aussi, d’une belle histoire d’amour…
Enfin, bref, dans le doute : je lui ai changé son nom… histoire qu’il ait déjà, en amont, un beau prénom digne d’un de mes futurs héros ! Et c’est « Loken » que j’ai choisi…
En effet, m’étant fait piéger par mes lectrices une fois (et même deux !), qui se sont mises à me demander des suites et des spin-off, à présent, j’assure mes arrières !
Je m’explique : lorsque j’ai publié Pour l’amour d’une Sasunnach, je ne prévoyais pas du tout d’en faire ni la suite ni une trilogie. Pourtant, mes premières lectrices m’ont tout de suite réclamé, entre autres choses, l’histoire des deux autres seigneurs écossais et de leurs promises… Or, je n’avais pas du tout envisagé de le faire lorsque j’avais publié ce roman, qui devait être un titre unique et non le début d’une série quelconque ! Du coup, j’étais bien embêtée, car aucun de ces deux seigneurs n’avait été pourvu d’un nom qui me donne envie d’en faire un merveilleux Highlander !! (« Baltair », « Duncan »… beuh !) Si bien que j’ai tout de suite compris que, si je voulais bel et bien envisager cette trilogie sans tricher… il allait falloir la jouer « fine de clair » côté scénarios, comme dirait mon père !
Mais je n’en dis pas plus… secret professionnel ! Vous découvrirez cela… bientôt, je l’espère !
Alors, maintenant, je prends mes précautions : quand un personnage me plaît particulièrement, à moi, je me doute bien qu’on va me réclamer ses propres aventures dans un tome 2…^^ Et comme il se trouve que, là, j’ai moi-même envie de les écrire sitôt ce premier volume achevé… Au cas où… je prends mes dispositions ! Comme pour « Sean », le meilleur ami de Connor, dans Shaena…
Les prénoms
Je ne vous fais plus l’article : vous connaissez le refrain par cœur : ce qui compte le plus pour moi, quand vient le moment de choisir les prénoms des héros, c’est :
- La crédibilité
- La consonance, la mélodie
- La beauté, l’harmonie
- L’assortiment des prénoms du héros et de l’héroïne
« Haakon » (véritable prénom viking) et « Aélis » (véritable prénom franc médiéval) ont fait mon bonheur. « Haakon » s’écrit souvent « Håkon », et je trouvais cela très joli, visuellement, mais je ne voulais pas non plus trop perturber mon lectorat français avec un prénom que mes lecteurs n’auraient su comment prononcer (même mentalement!)
Quant aux prénoms des personnages secondaires, Dag, Hring, Alfgeir, Gandalf, Olaf… Je n’ai aucune raison de ne pas prendre de véritables prénoms vikings ! C’est donc ce que j’ai fait. Ils sont souvent courts, de surcroît : impec ! Et ce n’est pas le choix qui manque. Je veille toujours à ne prendre que des prénoms qui ne me plaisent pas particulièrement pour les personnages secondaires, de façon à garder mes prénoms « coup de cœur » pour mes héros (et futurs héros !)
NB : « Loken » est inventé 😊
Recherches :
Beaucoup de recherches pour ce roman (comme pour chacun de mes romans, me direz-vous…), notamment sur :
- Le mariage
- La condition féminine
- L’armement
- L’habitat & la construction
- Les animaux domestiques, de ferme
- La flore et la faune de Norvège, hiver & printemps
- La géographie norvégienne
- La géologie norvégienne
- L’Histoire de la Norvège
- L’Histoire de l’Islande (colonisation, origines, domination norvégienne puis danoise et toute l’Histoire du pays jusqu’au XXe s.)
- Géographie, faune et flore islandaises
- L’Histoire générale des Vikings (comme pour « L’amour, la mer, le fer et le sang »)
- Les Vikings (norvégiens) en Irlande
- Les Vikings (norvégiens) en Ecosse
- Zoom sur toutes les conquêtes plus spécifiquement norvégiennes
- Les tâches quotidiennes et activités agricoles, travaux fermiers, tâches quotidiennes des femmes…
- L’artisanat viking, les savoir-faire, produits échangés, spécialités…
- La construction navale de leurs navires
- Tous les types de navire scandinaves de l’époque
- Le vocabulaire maritime / de navigation
- L’esclavage au temps des Vikings
- Les mœurs et coutumes
- Le processus de fabrication de la bière
- Le traitement des ruches et l’obtention du miel
- Et j’en passe, et j’en oublie !
Si vous avez des questions, n’hésitez pas ! Si je peux, je serai toujours ravie d’y répondre !
A découvrir aussi, pour découvrir l’univers de “Comme une aurore dans la brume” :
- Le dessous des cartes de ce roman
- Les bonus de “Comme une aurore dans la brume”
Ma “Petite histoire de l’Islande” - Ma ” Petite Histoire des Vikings – 2: les Norvégiens
- Comme une aurore dans la brume : le roman
Texte : (c) Aurélie Depraz
Image : couverture Marine Manlay / clap image libre de droit