L'écriture, l'édition & moi

LA JUNGLE DU LIVRE

La jungle éditoriale en chiffres…

…Ou : Le milieu de requins dans lequel un primo-romancier se jette…

Quelques chiffres / quelques faits pour comprendre le milieu de l’édition… et se donner une idée de la situation (sources citées en fin d’article)…

NB : Bon, je n’exclus pas une ou deux redites (j’ai brassé tant de données que ce n’est pas impossible que certaines répétitions – ou données contradictoires ! – m’aient échappé en cours de listing !) mais cela donne un bon aperçu du milieu… Restez avec moi jusqu’au bout, car en milieu d’article, ça devient croustillant !

L’auto-édition & le numérique

Les Etats-Unis constituent un marché plus mature que la France :

  • Déjà 30 à 40% des livres achetés le sont en format numérique
  • 14% des livres achetés proviennent d’auteurs auto-édités
    • 42% des publications de fiction viennent de l’auto-édition
    • 12% des publications de non-fiction viennent de l’auto-édition
  • Les revenus et succès des auteurs auto-édités américain sont beaucoup plus impressionnants que ceux des Français… car leur marché (tout le monde anglo-saxon, et même, pour ainsi dire, le monde entier) est bien supérieur au marché francophone…

En France :

  • 200 auteurs en France réaliseraient plus de 10 ventes par jour et par ebook
  • 1000 auteurs en France réaliseraient plus de 3 ventes par jour et par ebook
  • 4000 ebooks réalisent plus d’une vente par jour en France sur Amazon (sur plusieurs centaines de milliers de titres)
  • 75% des ebooks français réalisent moins de 1 vente par semaine
  • Pour qu’un titre soit dans le top 3 de la boutique Kindle, il doit se vendre à environ 150 exemplaires numériques par jour
  • 80% des auteurs auto-édités gagnent moins de 500 euros par mois (c’est évidemment bien moins encore pour les auteurs en maison d’édition ! voir la suite de ce petit rapport)

A titre de comparaison : du côté des auteurs édités en maison traditionnelle ?

  • 70% des livres édités en maison d’édition se vendent à moins de 500 exemplaires papier (même chez les grands éditeurs)
  • 10% se vendent entre 500 et 700 exemplaires
  • 10% se vendent entre 700 et 1000 exemplaires
  • Donc 90% se vendent à moins de 1000 exemplaires
  • 9% se vendent de 1000 à 2000 exemplaires
  • 1% à plus de 2000 : cap des bestsellers (!)
  • Les auteurs en maison d’édition gagnent beaucoup moins par livre qu’un auto-édité
  • sur tout tirage, il y a à peu près 60 % de retours (=invendus : l’éditeur n’a plus le droit de les vendre : ils sont voués au pilonnage).
  • Ces chiffres sont valables même chez les grands éditeurs.
  • Environ 700 titres seulement en France rapportent plus de 200 euros par mois à leur auteur
  • 50% des auteurs gagnent moins de 50 euros par mois avec leurs livres
  • 70% gagnent moins de 200 euros
  • 5 % gagnent plus de 500 euros par mois avec leurs livres
  • La plupart des livres édités le sont à perte. Les éditeurs ne parviennent à la rentabilité que grâce aux très rares ouvrages qui se vendent à plus de 1 000 exemplaires et dont les bénéfices couvrent les pertes qu’ils réalisent sur le reste de leur production.
  • En France, seuls 40 écrivains (une centaine selon d’autres sources) vivraient de leurs ouvrages.
  • Près de 65% des auteurs perçoivent moins de 10% de droits d’auteur sur le prix public des livres.
  • 20% des auteurs sont même rémunérés à un taux inférieur à 5%
  • Seulement 6,4% des auteurs cotisants à l’AGESSA bénéficient de sa couverture sociale ; ce qui signifie que seulement 6,4% des auteurs touchant des droits d’auteurs en maison d’édition touchent plus de 8449€ par an (condition pour être affilié à l’AGESSA).
  • 87,2% des cotisants touchent ainsi moins de 4000 euros de droits d’auteur par an.
  • un auteur touche au mieux 17% du prix d’un livre numérique (toujours dans le cadre de l’édition traditionnelle). Le partage des droits du numérique favorise ainsi nettement les éditeurs.
  • Globalement, précarité grandissante de la profession :
    • surabondance de nouveaux auteurs (notamment grâce aux opportunités offertes par l’auto-édition et l’édition à compte d’auteur) ;
    • diversification massive de l’offre côté éditeurs pour amortir les risques ;
    • mais, en conséquence, un nombre de ventes par titre chaque jour plus faible.
  • 350 exemplaires vendus en moyenne pour un nouveau titre : ce chiffre est à prendre toutes catégories d’éditeurs confondues, Hachette, Le Seuil, Flammarion, Gallimard., et les petits éditeurs de province.
  • La durée de vie moyenne d’un livre est aujourd’hui de 3 mois.
  • En septembre, lors de la fameuse « rentrée littéraire » la durée de vie moyenne d’un nouveau titre n’excède pas un mois.

Le marché, la concurrence dans le monde du livre

  • 200 à 300 nouveaux titres paraissent chaque jour en France
  • Donc chaque jour, 200 à 300 nouveaux titres viennent disputer sa place et son classement à votre livre
  • + de 70 000 nouveaux titres paraissent chaque année en France
  • Les librairies n’ont plus de place dans leurs rayons
  • Les lecteurs numériques sont submergés par l’offre
  • La concurrence « déloyale » vient compliquer les choses :
    • réédition de livres classiques
    • bestsellers américains traduits
    • livres signés d’auteurs people (politicards, stars de télé-réalité etc.)
    • livres issus de concours littéraires aux prix décernés par les grands éditeurs (no comment)
  • Explosion des offres et productions « gratuites »de la part d’auteurs, artistes etc. cherchant à se faire connaître
  • Développement très important du piratage (numérique…)
  • Une présence dans les médias totalement inégale : les lauréats des prix littéraires, par exemple, sont largement surreprésentés dans les médias, alors que les genres les plus populaires (BD, SF, polars, littérature sentimentale, livres numériques, fantasy…) sont étonnamment sous-représentés. Tout se passe comme s’il y avait une littérature « officielle » d’une part (celle que publie les « grands », pour l’essentiel), et une autre, pourtant plus importante en données brutes, et plus vivante, dont personne ne parle, ou qu’il est même de mauvais goût de fréquenter : la littérature populaire.

Côté éditeurs :

  • les groupes Editis et Hachette maîtrisent plus de 40 % du marché français à eux seuls, et si on leur ajoute Albin-Michel, Gallimard et Le Seuil, ces cinq groupes totalisent plus de 50% du chiffre d’affaire du marché du livre (contre les milliers de petits éditeurs indépendants)
  • Donc quasi-monopole par les grands groupes ou, en tout cas, conditions de concurrence insupportables pour les plus petits acteurs malgré la loi du prix unique du livre
  • ces 5 grosses machines contrôlent la quasi-totalité des circuits de diffusion, de distribution et de vente
  • ces 5 grands groupent influencent les médias et l’attribution des grands prix littéraires
  • la plupart des petites maisons d’édition ferment en moins de 5 ans
  • beaucoup (de petits éditeurs) sont contraints d’être bénévoles et n’ont pas les moyens de se rémunérer ou de rémunérer un salarié. Ils exercent leur métier par pure passion.
  • les petites maisons d’édition ne se composent généralement que d’une ou deux personnes qui touchent des salaires de misère et réalisent des économies en assurant tous les rôles (comité de lecture, correcteur, graphiste, maquettiste, GRC, secrétariat…)
  • si un petit éditeur s’en sort bien, il sera racheté/absorbé par un grand groupe
  • Opacité du monde de l’édition, manque de transparence, lourdeur, lenteur (voir section suivante)
  • 1 à 2% des auteurs ont la chance de voir leur manuscrit accepté par un éditeur
  • Evidemment, ce ratio passe à 1 pour mille (voire 1 pour 6000, selon de nombreux sites) pour les grands éditeurs, et est plus favorable chez les petits éditeurs (qui n’ont par contre derrière qu’une force de frappe commerciale très, très limitée)
  • même les stars peuvent avoir des difficultés à vendre, avec des flops à 200 ou 300 exemplaires ! cf. Ces chiffres donnés par les Editions HuHumanis sur 2-3 fiascos de 2011 :
    • Luc Chatel & Jean-Pierre Chevènement, Le Monde qu’on leur prépare, 931 ventes,
    • Noël Mamère, La Malédiction des justes, 362 ventes,
    • Christine Boutin & René Frydman, Les Nouvelles Familles, 261 ventes

Le côté obscur de la force :

Le côté obscur de la force fréquemment retrouvé dans les plaintes des auteurs… et avoué par de nombreux éditeurs eux-mêmes au fil des blogs et articles parcourus sur le Web !

  • Oui, le piston joue énormément dans le monde de l’édition
  • Oui, être une célébrité aide à voir son ouvrage publié (même en étant issu de la télé-réalité…)
  • Oui, quand on est le fils de machin ou de truc, on trouve aussi un éditeur en claquant des doigts (enfin, faut que machin ou truc soit assez important, ou un sacré bon pote de l’éditeur, quand même)
  • Oui, si on a fait la FAC avec le meilleur ami de l’éditeur, ça ouvre des portes.
  • Un auteur ne perçoit ses premiers droits qu’environ 18 mois après le lancement du livre (quand il les perçoit)
  • Les éditeurs restent très axés « papier » et, quand ils publient également un titre au format numérique, ils le mettent à un prix élevé, totalement décourageant. Ils font tout pour freiner le développement du numérique.
  • Un éditeur fait remanier son texte à un auteur dans 99% des cas, et cela peut aller jusqu’à :
    • Tronquer des chapitres
    • En rajouter
    • Faire tout réécrire avec un point de vue différent
    • Faire tout réécrire au présent
    • Faire tout réécrire à la première personne
    • Réécrire toute une scène
    • Changer tel aspect du style
    • Changer le titre
    • Changer le dénouement (!!!)
    • Bref, une refonte partielle ou totale

… L’HORREUR ! (pour l’auteur !)

  • Oui, l’éditeur se saisit donc du texte de l’auteur pour en faire « son » produit et l’aligner sur sa collection et ce qu’il souhaite vendre à ses lecteurs
  • Très rares sont les auteurs qui trouvent un éditeur dès leur premier manuscrit
  • D’innombrables grands noms de la littérature se sont fait recaler un nombre incalculable de fois ou sur un nombre incalculable de manuscrits avant de trouver preneur
  • Pour un éditeur, les souhaits de « créateur » d’un auteur sont le cadet de ses soucis ; il cherche avant tout à remodeler un produit qui corresponde à SES attentes et SES lignes directrices
  • 39% des auteurs se déclarent globalement insatisfaits de leur relation avec leur éditeur (!)
  • 66% sont mécontents du travail de promotion et de communication fourni par l’éditeur
  • 63% sont insatisfaits de l’exploitation commerciale de leur œuvre effectuée par l’éditeur
  • 43% sont insatisfaits par rapport au travail de création/réécriture réalisé avec l’éditeur
  • 45% sont insatisfaits des contrats qui leur sont proposés
  • 70% ont des à-valoir inférieurs à 3000 euros
  • De plus en plus de contrats ne prévoient même pas d’à-valoir
  • Les grands éditeurs proposent souvent des à-valoir en 2 ou 3 temps… (se laissant donc toujours une marge de manœuvre pour ne pas verser les à-valoir suivants en cas de problème subit avec l’auteur)
  • La moyenne des à-valoir versés ne cesse de diminuer, année après année
  • 8% des auteurs estiment même avoir des relations conflictuelles avec leur éditeur
  • L’opacité dans la reddition des comptes n’est pas une légende : 50% des auteurs n’ont aucun retour, aucune visibilité sur les ventes et les autres « la jugent peu claire et incomplète »
  • De nombreux auteurs se plaignent également de ne pas être tenus au courant des projets concernant la traduction, l’adaptation (cinéma…) ou la mise au pilon (moins agréable !!) de leur œuvre !
  • Concernant le partage des droits numériques (dont la mise en ligne du manuscrit ne coûte pourtant rien à l’éditeur, contrairement à l’impression papier), l’abus reste de mise et le partage des gains très nettement en faveur de l’éditeur
  • Même avec un contrat d’édition signé, rien n’est gagné pour l’auteur tant que le livre n’est pas en librairie : il arrive que des éditeurs se rétractent après avoir fait poireauter un auteur des mois… voire des années !
  • Certains éditeurs profitent de leur position de supériorité pour faire traîner les choses
  • Des éditeurs font retravailler le texte AVANT d’avoir proposé un contrat à l’auteur… et finissent par ne jamais lui en offrir !
  • A moins de s’appeler Musso ou Lévy, sur un livre à 10€, un auteur touche en moyenne entre 0,50€ et 1€. Pour les formats « poche », le pourcentage touché par l’auteur est moindre… !
  • On considère qu’un roman ne s’est pas trop mal écoulé à partir de 30% du tirage initial… ! soit 300 exemplaires pour un tirage de base de 1000 exemplaires… !!!
  • Les grands éditeurs abusent de leur position de force et sont souvent les plus radins
  • Les petits éditeurs comportent en leurs rangs beaucoup d’arnaqueurs, d’incompétents, d’amateurs, d’éditeurs insolvables, de maisons sur le point de déposer leur bilan, de maisons dépourvues de toute force de frappe, de maisons mal distribuées/diffusées, de maisons n’ayant pas les moyens ou les contacts nécessaires pour diffuser correctement une œuvre…
  • Pour certains éditeurs ou auteurs qui connaissent bien le milieu, les « coups de foudre littéraires » dont certains grands éditeurs aiment faire l’étalage/la promo, n’existent pas : un éditeur ne prendra que ce qui correspond à sa ligne éditoriale. Il ne sortira pas de sa ligne de conduite, il ne prendra pas de risques. S’il a un coup de foudre, c’est parce que le produit qu’il a sous les yeux correspond parfaitement à son marché, pas parce que c’est une perle de littérature ou parce qu’il a détecté un talent fabuleux.
  • L’éditeur a intérêt à intimider le primo-romancier afin de lui imposer ses choix éditoriaux par la suite.
  • de nombreux éditeurs proposent des pourcentages de rémunération progressifs en fonction du nombre d’exemplaires vendus. Quand le livre se vend à moins de 1 000 exemplaires (ce qui est très fréquent), la part de l’auteur n’est souvent que de 5 à 6 % du prix du livre.
  • difficultés à se faire payer fréquentes (combien d’auteurs doivent courir après un éditeur qui joue la sourde oreille ?)
  • « les délais de paiement sont très longs. En effet, les éditeurs envoient des relevés de vente une fois par an (deux fois par an en BD) en moyenne 6 mois après la clôture des comptes de l’année précédente (…) sans parler des retards et oublis fréquents » Samantha Bailly
  • « les auteurs français n’ont aucun système leur permettant d’avoir un droit de regard sur les ventes. Cela ne tient qu’à la bonne volonté des éditeurs de leur communiquer les chiffres » Samantha Bailly
  • Sans compter les auteurs qui n’ont aucune nouvelle de leur éditeur depuis des années
  • Ceux qui ont signé un contrat et qui galèrent pour récupérer leurs droits alors que l’éditeur ne fait pas avancer les choses
  • Ceux dont les appels à leur éditeur ne passent pas le standard et dont les mails demeurent sans réponse
  • Les clauses abusives des contrats :
    • Les clauses dites d’avenir vague organisant dans les contrats d’édition des sessions pour tous supports existants ou à venir
    • le droit de préférence (sur les 5 prochains romans de l’auteur ou les 5 prochaines années)
    • l’accaparement de la totalité des droits d’exploitation (y compris pour les adaptations en vidéo ou au cinéma, pour les traductions en langues étrangères (droits dérivés), pour l’adaptation aux formats numériques, pour l’adaptation en « audiobook », …) sans avoir les moyens ni la volonté d’utiliser réellement certains de ces droits
    • les contrats sans limite de durée.
  • Il y a énormément de turn-over de la part des auteurs, qui tendent à passer allègrement d’un éditeur à l’autre. Ceci, à mon sens, tend à souligner l’insatisfaction chronique des auteurs face aux prestations fournies par leurs premiers éditeurs (ou l’horreur des relations humaines) : moins d’un auteur sur 10 signe la totalité de ses contrats d’édition, au cours de sa vie, avec un seul et unique éditeur ! (et ce n’est pas une question de savoir pondre des genres variés !)
  • 60% des auteurs estiment que leurs relations sont insatisfaisantes, voire conflictuelles: avec tous leurs éditeurs (20%); la majorité de leurs éditeurs (15%); ou certains de leurs éditeurs (25%)
  • 42% des auteurs sont instatisfaits du travail commercial de leur éditeur
  • 48,8% des auteurs sont insatisfaits du travail de leur éditeur en matière de communication
  • 60% des auteurs considèrent que les conditions des contrats signés avec un éditeur pour une édition imprimée ne sont pas toujours claires
  • 80% des auteurs considèrent que les dispositions concernant l’édition numérique de leur livre manquent de clarté
  • Seulement 7% des auteurs touchent plus de 10% de droits d’auteur sur le prix public de leur livre
  • 27% des auteurs toucheraient moins de 5% de droits d’auteurs
  • 75% des auteurs ne touchent pas leurs droits d’auteurs, ou ne les touchent que de certains de leurs éditeurs, mais pas tous !
  • 45% des auteurs ne reçoivent jamais de redditions de comptes ou bien d’une partie de leurs éditeurs seulement (= communciation des chiffres des ventes par l’éditeur) !
  • 20% des auteurs disent avoir écrit plusieurs fois à leur(s) éditeur(s) pour obtenir cette reddition desc omptes.
  • Lesdites redditions de comptes ne sont claires et complètes chez tous les éditeurs d’un auteur que dans 13% des cas !
  • En 2015, 28% des auteurs ont découvert que leur oeuvre avait été exploitée à l’étranger… sans qu’ils n’en aient jamais été informés par leur éditeur !
  • La même année, 29% des auteurs n’ont pas été informés de la mise au pilon de leurs livres…
  • Toujours la même année, 59% des auteurs dont les oeuvres ont été exploitées à l’étranger… n’ont jamais perçu de droits sur cette exploitation !

Quelques citations :

« Comme dans l’armée, l’Editeur, ton officier, va tout faire pour te casser en tant que personne. Il va te frapper, te molester – psychiquement on s’entend, dans ton amour-propre et ton enthousiasme d’écrire. Pourquoi ? Pour que tu sois à sa merci. En bon petit soldat des lettres. Pour que, brisé tu pondes exactement les bouquins dont il a envie lui (et on pas ceux dont tu as envie toi. » Stoni, dans son article « J’écris des romans… je suis un caca ! «  (le ton est donné…)

« Il va te démoraliser. Il te fera toujours des critiques négatives. Jamais, il ne te dira que ce que tu écris est bon. (…) Si ton manuscrit est refusé ? Tu seras déçu. Si ton manuscrit est accepté ? Tu auras du mal à me croire, mais tu seras très déçu aussi. » Stoni

« La défiance que certains entretiennent à l’égard du « système » n’est donc pas entièrement dénuée de fondements. L’édition est une jungle dont les règles sont souvent obscures. » Editions Humanis

« les « grands » éditeurs, qui ont les moyens de se payer un « vrai » comité de lecture et des correcteurs attitrés, sont réputés pour être bien plus « radins » que les petits : droits d’auteur ridicules et payés au lance-pierre, droits des illustrations à la charge des auteurs, travail de correction réalisé à la sauvette… aucune économie ne semble superflue. » Editions Humanis

« Là, tout est opaque, à commencer par les chiffres réels de vente » Express

« Quand le refus n’est pas beaucoup plus spontané : « L’argent des écrivains ? Ouh là ! » » Express

« Si l’argent versé par les éditeurs reste encore largement tabou en France, cela tient sans doute au fait qu’il s’agit historiquement de maisons familiales, analyse Claude Durand. Leurs propriétaires préféraient que « leurs » auteurs ne sachent pas exactement combien gagnait le voisin, pour ne pas encourager des prétentions financières à la hausse. L’habitude est restée. » Raphaël Sorin va même plus loin : « Longtemps, les éditeurs minimisaient les tirages aux yeux de leurs auteurs ou réimprimaient sans le leur dire. Il y avait aussi le fameux « droit de passe », qui faisait que les écrivains ne touchaient rien sur les premiers dix pour cent du tirage, au motif que cela couvrait les exemplaires défraîchis, abîmés, envoyés à la presse… Tout cela a tendance à disparaître. Les auteurs savent mieux s’informer et se défendre, aujourd’hui. » Express

« Les éditeurs ne cessent de se retrancher derrière les fameux comptes d’exploitation, qui mentionnent les coûts d’un livre, pour ne pas verser trop de droits d’auteur, complète un expert des arcanes de l’édition. » L’Express

« Un chef d’œuvre littéraire peut passer sous silence s’il est mal distribué ou diffusé. Et d’un autre côté, un torchon peut connaitre un succès commercial si l’éditeur investit des gros magots pour le promouvoir. » Dominic Bellavance

« Mais revenons aux heureux élus des opérateurs de valves. Ces écrivains sont épaulés et relayés par d’énormes machines éditoriales, qui contrôlent les circuits commerciaux et les médias. Ce sont les seuls dont on nous parle dans la presse et à la télé, en nous abreuvant de leurs mirobolants chiffres de ventes. Ils représentent 0,1 % des écrivains. » Mediapart

« C’est un tout petit monde, fait de relations et d’entregent. » Mediapart

« En 2014, la moitié des auteurs n’ont pas reçu des redditions de comptes de tous leurs éditeurs, et près de 72% n’ont pas été payés par tous. Seulement 13% des auteurs reçoivent des redditions claires de tous leurs éditeurs et un auteur sur cinq doit écrire (parfois plusieurs fois) à son éditeur pour obtenir ses redditions. » Iggybook article à lire intégralement, c’est édifiant ! (parfois pire que les chiffres que j’ai rapportés ci-dessus !) Il est dans la liste de mes sources en bas de cet article.

Pour conclure, suis-je contre l’édition traditionnelle ?

Il est clair qu’au vu de toute ceci, il y  de quoi avoir peur.

Cependant, après mûre réflexion, et un peu de recul par rapports à mes débuts dans le monde de l’auto-édition, si je suis très attachée à ma liberté et à l’autonomie fabuleuses dont je jouis en tant qu’auteur indépendant (=auto-édité – voir mes deux articles sur mon choix de l’auto-édition, ici et ), je pense qu’un éditeur pourrait avoir, un jour, un grand intérêt dans mon cas :

  • Pour diversifier mon offre papier, me distribuer en librairie, gagner en visibilité concernant le format broché : je ne suis pour l’instant disponible que sur Amazon, en impression à la demande… et passer à d’autres modes de distribution nécessiterait BEAUCOUP de nouveaux efforts et une quantité d’énergie incroyable (reformatage du livre pour qu’il puisse être tiré chez un imprimeur, stockage, démarchage de libraires, animation de séances de dédicaces, nouveau formatage pour une distribution à la demande via d’autres plateformes en ligne, création de nouveaux comptes, lecture de nouvelles conditions générales, prise de connaissance d’une nouvelle plateforme, participation à des salons…) pour un impact probablement faible ;
  • pour, du coup, élargir mon lectorat papier (actuellement, 75% de mes ventes sont réalisées au format numérique) et améliorer la qualité du produit papier grâce à l’expertise professionnelle de l’éditeur en question ;
  • pour être en contact avec des éditeurs étrangers et faciliter la traduction de mon ouvrage ;
  • pour faciliter son adaptation au cinéma le cas échéant, à condition que l’éditeur en question ait de véritables contacts dans ce milieu et de véritables intentions de mettre en avant mon roman (sinon, il n’est guère plus avancé que moi, et à quoi bon lui céder les droits correspondants ?) ;
  • pour le prestige du nom (le cas échéant).

Et à condition :

  • que je garde les droits sur le numérique : il reste clair que les éditeurs traditionnels (surtout les grands) restent fermés au numérique et ont un très mauvais positionnement dans ce domaine. OR, le marché du numérique est un marché en plein essor, en particulier dans le genre de la romance ! Ils ont donc tout faux et cela me porterait préjudice, à moins de pouvoir conserver les droits sur le numérique et en assurer la diffusion moi-même ;
  • qu’il ait un bon réseau de distribution/diffusion au format papier et puisse me placer dans des librairies intéressantes (FNAC, Cultura etc) ;
  • qu’il ait une véritable politique promotionnelle.

Texte : © Aurélie Depraz
Source image : Pixabay

Sources :

Ces articles et études se fondent eux-mêmes sur les chiffres :

  • du conseil permanent des écrivains
  • de l’Agessa
  • de la DGMIC (Direction générale des médias et des industries culturelles…)
  • des impressions-écran de tableaux de bord exposés par des auteurs sur leurs blogs…
  • des témoignages d’auteurs
  • de la SCAM
  • de la SGDL
  • etc (voir leurs articles)

 

6 thoughts on “LA JUNGLE DU LIVRE

  1. Il y a une typo là, non ?
    —-
    50% des auteurs gagnent moins de 50 euros par mois avec leurs livres
    70% gagnent moins de 200 euros
    5 % gagnent moins de 500 euros par mois avec leurs livres
    —–
    5% gagnent plus de 500 euros par mois

  2. Bonjour Aurélie,
    Vous avez réalisé l’article le plus complet, le plus précis et les plus fouillé sur la question. Félicitations !
    Comme tous les auteurs, je connais les faits que vous évoquez, mais le degré de détail que vous atteignez ne laisse aucune place au doute.
    Le constat est quand même accablant pour l’édition traditionnelle, entraînée dans une spirale infinie de surproduction, sans aucun souci des auteurs. Le paradoxe, c’est que des entreprises totalement incapables de prédire la réussite de leurs produits (pour parler en termes économiques) se mêlent de modifier les livres qu’elles éditent, sans offrir aux auteurs aucune garantie que leur travail aboutira à de meilleures ventes.
    Au regard de vos chiffres, on dispose d’arguments décisifs pour affirmer qu’il y a un lien entre la surproduction de livres qui ne seront jamais lus et l’absence totale d’engagement des éditeurs envers les auteurs. Dans un secteur économique non protégé, une telle politique aurait déjà mené à des faillites en chaîne.
    Je me reconnais bien dans votre définition de l’éditeur idéal. Je crains, hélas, qu’il n’existe pas. Le jour où des auteurs indépendants, las de dépendre de partenaires incompétents, menteurs et peu fiables, décideront de créer des structures d’édition et de distribution/diffusion souples et efficaces, nous n’aurons plus besoin d’attendre qu’un éditeur nous propose le contrat parfait.

  3. Même si je connais beaucoup des faits et des constats dressés ici, c’est toujours une excellente chose de les voir rassemblés.
    Oui, j’en ai découvert aussi.
    Pourquoi seulement Amazon pour le numérique, par contre ? On ne peut pas se dire auteur indés si on est exclusif. On est auteur Amazon.
    Idem pour le papier. Il y a des prestataires qui distribuent en étendu. J’ai vendu des centaines d’exemplaires à d’autres lecteurs que les clients Amazon d’un livre.

    En tout cas merci pour l’art

    1. Bonjour Cyril,
      Oui bien sûr, il n’y a pas qu’Amazon ! Pour ma part, je m’y suis cantonnée jusqu’à présent… par fatigue et simplicité ! J’avoue que ça a déjà été un travail monstrueux de découvrir l’auto-édition par KDP, de créer ce blog, ma page FB, mon compte Instagram, Twitter, Linkedin et j’en passe… de me lancer dans les ebooks, le papier… Et j’ai tant de scénarios qui se bousculent que j’ai du mal à tout mener de front ! Aussi n’ai-je pas encore cherché à beaucoup diversifier ma distribution… mais ça viendra ! Ce ne sont pas les idées et envies qui me manquent en la matière ! 🙂
      Au plaisir
      Aurélie

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