L'Histoire (la grande !), Romans

Le château Trompette, symbole de l’oppression royale à Bordeaux

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De l’Aquitaine anglaise… à la coupe du roi de France

En 1453, après trois siècles de domination anglaise, l’Aquitaine repasse sous la coupe directe du roi de France. Un retour qui ne s’effectue pas sans heurts, les Bordelais ayant pris goût à une certaine forme d’autonomie et à une administration royale somme toute lointaine, depuis Londres, et à toutes sortes de privilèges commerciaux promettant d’être abolis sans délais par leur nouveau souverain. Restés fidèles à l’Angleterre tout au long de la guerre de Cent Ans, les Bordelais semblent donc peu disposés à accuellir la nouvelle autorité du roi de France, ses impôts et ses conditions, et, farouchement attachés à leurs privilèges, ne semblent guère favorables à l’idée de se comporter en dignes et loyaux sujets de Sa Majesté… qui, par conséquent, est bien obligée de prendre des mesures.

Destiné à surveiller la ville autant qu’à contrôler le fleuve (et donc, à prévenir toute nouvelle offensive anglaise comme toute rébellion gasconne), le château Trompette, terminé dès 1455, devient ainsi très vite le symbole de l’autorité royale française à Bordeaux… et, par là même, de toutes les libertés confisquées. Situé au niveau de l’actuelle esplanade des Quinconces, tout contre le fleuve, il est détruit une première fois par l’Ormée (un groupe d’opposants bordelais à la monarchie) lorsque, en 1649, le duc d’Épernon, alors gouverneur de Guyenne, ordonne à l’artillerie du château Trompette de tirer à la fois sur la population, la ville et le port, afin de réprimer le mouvement de révolte qui secoue la ville asphyxiée par les taxes et les nouveaux impôts levés.

Une fois le mouvement réprimé, le cardinal Mazarin ordonne la reconstruction de la forteresse selon ses anciens plans et sans agrandissements, conformément à une concession faite aux Frondeurs. Une concession qui ne fera toutefois pas long feu, Louis XIV faisant finalement reconstruire le château sous la forme d’une véritable citadelle bastionnée. Pire ! Les travaux d’agrandissement se font aux frais de la ville… et entraînent le rasage des ruines des Piliers de Tutelle (l’un des derniers vestiges de l’antique Burdigala), de deux couvents et de trois cents des plus belles demeures de la ville. L’espace ainsi dégagé sert à la création de l’immense glacis (terrain découvert) entourant la nouvelle forteresse et devant faciliter, le cas échéant, les tirs des canons, sans offrir le moindre abri à d’éventuels agresseurs. Les travaux durent de 1664 à 1675 et font du château Trompette, avec son corps castral à six bastions et trois demi-lunes, ses douves, sa forme extraordinaire, ses vastes proportions, ses décors architecturaux, ses casernes, ses corps de garde et son hôtel dédié au gouverneur, l’une des plus belles et des plus solides constructions militaires du règne de Louis XIV…

Vauban, bien sûr, ne manquera pas de signaler ses faiblesses dans les années 1680 et de proposer un projet d’amélioration, mais il l’abandonnera finalement pour se consacrer à l’élaboration du « verrou de l’estuaire », un ensemble de fortifications destiné à protéger Bordeaux en aval, directement sur la Gironde, avec trois forteresses alignées : le fort Médoc (rive gauche), la citadelle de Blaye (rive droite) et le fort Paté (sur l’île du même nom, au beau milieu de l’estuaire).

La paix revient finalement à Bordeaux au XVIIIe siècle, grâce au commerce colonial qui permet à la ville de renouer enfin avec la prospérité. Les Bordelais rentrent dans le rang et la forteresse semble perdre de son utilité. L’intendant Tourny, demeuré célèbre pour avoir considérablement embelli et modernisé la ville, s’efforce de l’intégrer dans le paysage urbain en aménageant jardins et promenades, comme les allées qui portent son nom. Et, lorsque le projet de la construction d’un Grand Théâtre se profile à l’horizon, Louis XV, signe fort, cède à la ville des terrains situés sur le glacis du château Trompette.

Après lui, Louis XVI autorisera la vente des matériaux de démolition du château… avant que le très impopulaire édifice ne soit finalement totalement rasé en 1818, pour permettre la réalisation de l’imposante place des Quinconces.

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Texte : Aurélie Depraz
image : illustration libre de droit Pixabay

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