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Thérésa, Bordeaux et la guillotine
A Bordeaux, il est une jeune femme du temps de la Révolution française dont les guides ne se lassent pas de raconter la destinée extraordinaire… Et pour cause !
Tout commence lorsque, emprisonnée au fort du Hâ pendant la Terreur (après avoir fui les dangers de Paris pour se réfugier en province, au sein de sa famille bordelaise), la jeune aristocrate Thérésa Cabarrus écrit au représentant en mission envoyé de Paris par la Convention, Jean-Lambert Tallien (un proche de Danton, arrivé à Bordeaux à la tête de 1 500 soldats en octobre 1793 pour y faire régner la Terreur et y pourchasser les ennemis de la Révolution, aristocrates et grands bourgeois, et anéantir les velléités frondeuses de l’Aquitaine), afin de plaider sa cause.
Séduit par sa beauté, Tallien la libère et en fait sa maîtresse.
Porté par la passion, et sous l’influence de sa belle (dont les appartements, à l’hôtel Franklin, sont surnommés « le bureau des grâces »), il apporte bientôt moins de sévérité dans l’exécution des décrets du Comité de Salut public : chaque soir, sur l’oreiller, son amante lui fait signer des décrets de libération.
Le dévouement et l’acharnement de Thérésa à sauver des têtes bordelaises (moyennant, néanmoins, un véritable commerce : on achète, en réalité, auprès d’elle la clémence du tribunal révolutionnaire…) lui vaudront le surnom de « Notre-Dame de Bon Secours » (avant même son arrestation, elle intervenait déjà auprès des révolutionnaires pour faire libérer certains membres de sa famille ou d’autres premières victimes de la Terreur). À tel point que Tallien, s’étant attiré les foudres du Comité de Salut public, se retrouve bientôt appelé à rendre compte de ses actes à Paris, où l’on trouve qu’à Bordeaux, on guillotine bien peu, proportionnellement au reste de la France !
Ayant suivi son amant à la capitale, Thérésa est enfermée de nouveau sur place. Pour sauver une deuxième fois sa tête, elle n’a d’autre choix que de faire tomber Robespierre. Elle utilise alors, une fois de plus, son amant, qu’elle parvient à faire réagir en lui faisant parvenir un billet cinglant depuis sa geôle : « Je meurs d’appartenir à un lâche ». Piqué au vif, Tallien provoque la chute du « tyran », et Thérésa échappe de nouveau de justesse à la guillotine.
Elle survivra à la Révolution et connaîtra de nombreux autres hommes de pouvoir, dont un jeune général encore méconnu dont elle refusera les avances, un certain Napoléon Bonaparte…
Son influence sur le sort de la Révolution sera tel (entre ses intercessions auprès de Tallien atténuant la Terreur à Bordeaux et son billet précipitant la chute de Robespierre, qui lui vaudra d’ailleurs son nouveau surnom de « Notre-Dame de Thermidor ») que certains historiens iront jusqu’à dire : « Elle a étouffé la Révolution entre ses cuisses. » (Jacques Castelnau, citant Michelet dans Les grands jours de la Convention, 1792-1795). Quant à Thérésa elle-même, elle dira sur son lit de mort : « Ma vie fut un roman ». À Bordeaux, le Cru bourgeois Pontoise Cabarrus doit son nom à la famille Cabarrus (notables, négociants, armateurs, à la fois influents et fortunés) dont Thérésa aurait été la petite-cousine. Quoique n’appartenant plus à la famille Cabarrus, le nom de Thérésa et l’histoire de la famille apparaissent encore sur les étiquettes du vin du château : à Bordeaux, jamais l’histoire de la ville n’est très loin de celle du terroir ni l’histoire de la politique de celles du vignoble…
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Texte : (c) Aurélie Depraz
Illustration article : talbeau du peintre François Gérard (image libre de droit, domaine public, Paris musées – Source : Wikipédia)


