L'Histoire (la grande !)

Le vin, oui ! Mais la morue… aussi !

👉🖋️ NB : Cette anecdote est issue de mon ouvrage Bordeaux et le vin, 2000 ans d’Odyssée. 📚

Bordeaux, port morutier

Pendant près de cinq siècles, la morue est l’un des poissons les plus consommĂ©s en Europe. Dès le XVIe siècle, des milliers de pĂŞcheurs des cĂ´tes d’Europe occidentale partent chaque annĂ©e vers Terre-Neuve pour de longues et pĂ©nibles campagnes de pĂŞche Ă  bord de « terre-neuviers Â».

Si Bordeaux a armĂ© bien moins de navires que les Bretons, les Normands ou les Basques (pour ne pas parler des Espagnols, des Portugais et des Anglais) pour partir Ă  la « Grande PĂŞche Â», la ville s’est, très tĂ´t, habilement placĂ©e dans le nĂ©goce de la prĂ©cieuse denrĂ©e, au point que, dès la fin du XVIIe siècle, elle devient le plus grand port de dĂ©chargement, de nĂ©goce et d’exportation de la morue en France… pour le rester jusqu’au XXsiècle. Hollandais, Danois, HansĂ©ates et des ressortissants de nombreuses rĂ©gions de France (notamment via la Garonne, la Dordogne, l’Isle, le canal du Midi et le canal latĂ©ral) profitent du système de redistribution mis en place au Port de la Lune et viennent s’approvisionner Ă  Bordeaux. MĂŞme Michel de Montaigne, dont la famille verse dans ce commerce, aura dĂ» longtemps supporter le sobriquet de « fils de pĂŞcheurs de harengs Â».

Le sel, denrĂ©e prĂ©cieuse, taxĂ©e et contrĂ´lĂ©e Ă  l’époque moderne, est un incontournable de la pĂŞche Ă  la morue et doit ĂŞtre embarquĂ© en grandes quantitĂ©s Ă  bord des chalutiers. Il transite par la porte des Salinières et, pour faciliter les octrois, un rapport sel/morue est Ă©tabli : 10 kg de sel pour 130 kg de morue. Ă€ bord des navires, qui partent de longs mois dans les eaux ouest-atlantiques, la morue est immĂ©diatement salĂ©e afin de lui permettre de tenir jusqu’au retour des morutiers Ă  bon port.

Au plus fort de l’activitĂ©, au XIXe siècle, Bègles, commune ouvrière au sud de Bordeaux qui s’est spĂ©cialisĂ©e dans le sĂ©chage de la morue, comptera une quarantaine de sĂ©cheries, stratĂ©giquement placĂ©es sur des palus de faible qualitĂ© (donc non propices Ă  la culture de la vigne) et Ă  l’abri des vents dominants d’ouest (pour ne pas empester la bourgeoisie bordelaise ni risquer de « gâter le vin Â»). En 1907, Bordeaux accueille encore 70 % des stocks de la pĂŞche Ă  la morue française rapportĂ©e par les terre-neuvas, chalutiers et autres morutiers, et 30 des 37 sĂ©cheries françaises : la ville fixe souverainement les prix.

L’évolution technique permettra plus tard aux bateaux frigorifiques de congeler le poisson une fois pĂŞchĂ©. Dans les annĂ©es 1960, la consommation de la morue surgelĂ©e (nommĂ©e alors « cabillaud Â») remplace peu Ă  peu la consommation de la morue salĂ©e, et les quotas de pĂŞche rendent finalement ce poisson de plus en plus rare, et bientĂ´t dĂ©trĂ´nĂ© par d’autres espèces.

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Texte : (c) Aurélie Depraz
Illustration article : image libre de droit Pixabay

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