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Bordeaux, port morutier
Pendant près de cinq siècles, la morue est l’un des poissons les plus consommés en Europe. Dès le XVIe siècle, des milliers de pêcheurs des côtes d’Europe occidentale partent chaque année vers Terre-Neuve pour de longues et pénibles campagnes de pêche à bord de « terre-neuviers ».
Si Bordeaux a armĂ© bien moins de navires que les Bretons, les Normands ou les Basques (pour ne pas parler des Espagnols, des Portugais et des Anglais) pour partir Ă la « Grande PĂŞche », la ville s’est, très tĂ´t, habilement placĂ©e dans le nĂ©goce de la prĂ©cieuse denrĂ©e, au point que, dès la fin du XVIIe siècle, elle devient le plus grand port de dĂ©chargement, de nĂ©goce et d’exportation de la morue en France… pour le rester jusqu’au XXe siècle. Hollandais, Danois, HansĂ©ates et des ressortissants de nombreuses rĂ©gions de France (notamment via la Garonne, la Dordogne, l’Isle, le canal du Midi et le canal latĂ©ral) profitent du système de redistribution mis en place au Port de la Lune et viennent s’approvisionner Ă Bordeaux. MĂŞme Michel de Montaigne, dont la famille verse dans ce commerce, aura dĂ» longtemps supporter le sobriquet de « fils de pĂŞcheurs de harengs ».
Le sel, denrée précieuse, taxée et contrôlée à l’époque moderne, est un incontournable de la pêche à la morue et doit être embarqué en grandes quantités à bord des chalutiers. Il transite par la porte des Salinières et, pour faciliter les octrois, un rapport sel/morue est établi : 10 kg de sel pour 130 kg de morue. À bord des navires, qui partent de longs mois dans les eaux ouest-atlantiques, la morue est immédiatement salée afin de lui permettre de tenir jusqu’au retour des morutiers à bon port.
Au plus fort de l’activité, au XIXe siècle, Bègles, commune ouvrière au sud de Bordeaux qui s’est spécialisée dans le séchage de la morue, comptera une quarantaine de sécheries, stratégiquement placées sur des palus de faible qualité (donc non propices à la culture de la vigne) et à l’abri des vents dominants d’ouest (pour ne pas empester la bourgeoisie bordelaise ni risquer de « gâter le vin »). En 1907, Bordeaux accueille encore 70 % des stocks de la pêche à la morue française rapportée par les terre-neuvas, chalutiers et autres morutiers, et 30 des 37 sécheries françaises : la ville fixe souverainement les prix.
L’évolution technique permettra plus tard aux bateaux frigorifiques de congeler le poisson une fois pêché. Dans les années 1960, la consommation de la morue surgelée (nommée alors « cabillaud ») remplace peu à peu la consommation de la morue salée, et les quotas de pêche rendent finalement ce poisson de plus en plus rare, et bientôt détrôné par d’autres espèces.
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Texte : (c) Aurélie Depraz
Illustration article : image libre de droit Pixabay


