Il va vraiment falloir, entre deux proches ou membres de ma famille, que j’arrive à dédier l’un de mes romans à M. C… La question est : ce monsieur accepterait-il d’être nommé par son nom complet en 7e page d’un roman sans être prévenu ? Impossible de le savoir, je n’arrive pas à le retrouver sur le Web (oui, oui, même via Facebook !)
Mais qui fut M. C…, vous demandez-vous ?
C’est bien simple : le plus extraordinaire prof d’Histoire-Géo dont on puisse rêver, gamin. Un prof drôle, bienveillant, accessible… Tout le monde l’aimait, et tout le monde en rêverait !
Il faut dire que j’ai eu la chance extraordinaire de passer 3 de mes années de collège en Thaïlande, à Bangkok, au « LFB » (Lycée Français de Bangkok), un établissement qui comprenait, si je ne dis pas de bêtises, 500 élèves de la maternelle à la terminale : un microcosme où chaque classe ne comportait que 15 élèves et où chacun était choyé, chouchouté… et où l’immense majorité des profs était… Comment dire ? « Sympa ». Oui, tout bêtement. « Sympa », bienveillante, décontractée, abordable… proche de nous…
Il y avait M. D…, prof de sport, jeune et dynamique, « Vincent » de son petit nom. Mme S…, prof de maths, avec « sa règle d’or : on simplifie d’abord » (fractions…) qui, sous ses airs féroces et ses éclats de voix tonitruants, nous aimait beaucoup et avait à cœur d’aider chacun d’entre nous… Mme C…, prof d’anglais et mère d’une de mes bonnes copines… M. M… (j’ai un doute sur l’initiale de son nom, à celui-ci !), prof d’informatique, à qui je dois beaucoup, bien que je n’aie guère goûté nos cours d’informatique à l’époque ! (une « discipline » qui me rebute fort encore aujourd’hui). Je n’aimais pas du tout cette matière, mais cet excellent professeur a eu l’intelligence de nous enseigner des choses… qui me servent encore grandement aujourd’hui, et que bien peu de profs enseignent, d’après les échanges que j’ai pu avoir avec de nombreux élèves de ma génération, une fois de retour en France ! Un exemple ? La dactylo : un logiciel très ludique nous permettait de nous entraîner à taper à l’ordinateur, sans regarder les doigts, avec un niveau de difficulté et de rapidité croissant. Dès qu’on finissait un travail plus conséquent (powerpoint…), on basculait sur ce logiciel pour s’améliorer (notes, évaluations…) Eh bien, je peux vous dire qu’en tant qu’écrivain, aujourd’hui, le fait de savoir taper si vite au clavier et les yeux rivés uniquement sur mon écran… est un sacré, sacré atout !!!!
Bref, un petit monde d’expatriés, préservé, à part, un cocon doré…
Seule exception (qui me vienne à l’esprit, du moins !) à cette collection d’adorables professeurs : M. M…, prof de latin proche de la retraite. Une terreur !!! Le type de profs qu’on avait probablement dans les années 40… Carrément effrayant quand vous tombez sur lui pour la 1ere fois, vous, petit élève de 5e, 11 ans, 1m40 et… pas très affirmé ! Rigueur, discipline, intransigeance, dureté… Mais, au fil des ans, on apprenait à le connaître, à le comprendre à demi-mot, et on se prenait à l’aimer malgré cette carapace ô combien pétrifiante…. En tout cas, quand on n’était pas son bouc émissaire de prédilection… Sa spécialité ? La douche bien glacée (au sens littéral), complètement inattendue, quand vous pensez que tout va bien et quand vous commencez enfin à vous détendre dans sa classe ! Toute peur mise à part, c’était un excellent professeur ; à l’ancienne, mais (ou bien « et donc » ?) excellent ! Bon, et puis, j’avais de la chance, il m’aimait (relativement) bien, ce qui, il faut l’admettre, aidait à survivre à cette terrifiante épreuve bi-hebdomadaire qu’étaient nos cours de langue morte !
Et puis… Eh bien, il y avait M. C…, le prof d’Histoire-géo pour les classes de collège. Une institution. Un mythe. Le seul prof à qui on demandait, fébrilement, en fin de 4e, si c’était bien lui qu’on aurait encore l’année suivante… Le prof qui nous appelait « mes petits poussins », qui nous disait « vos gueules », qui profitait d’une extinction de voix pour nous coller une interro surprise, un rictus sadique au coin des lèvres, sourd à nos protestations de principe… qui faisait couiner sa chaise métallique pour nous déconcentrer pendant un contrôle… Et, cerise sur le gâteau, qui nous enseignait avec passion… une matière passionnante !
L’amour que j’ai développé pour cette matière, à son contact, ne s’est jamais démenti. Je crois que j’ai eu la chance d’avoir plusieurs excellents professeurs en cette matière (voir aussi mon article à venir sur M. L… prof de CE2). La vie m’a ensuite invitée à suivre des chemins parfois tortueux, mais… je suis toujours revenue à l’Histoire. J’ai envisagé d’être prof en cette matière, pendant un temps. J’ai fait une prépa littéraire, un an de fac d’Histoire, un an de fac d’Anthropologie… Je me suis passionnée pour la Préhistoire, l’Histoire Antique, l’Histoire médiévale, les deux guerres mondiales… Quoi que je fasse, je me mettais à retracer l’historique de l’activité en question. Je danse la salsa ? Bougez pas, je me fais un dossier sur l’Histoire des danses latines. Je danse le rock ? Attendez, j’ai besoin de savoir d’où ça vient, je trouve les origines des danses swing… Je travaille dans l’œnotourisme ? Je me lance dans des semaines de recherches sur l’Histoire de la vigne et du vin, du Caucase à Bordeaux, je me constitue un classeur monstrueux… et j’envisage d’en faire un livre…
Bref, un pattern s’est instauré.
Merci à vous, M. C… Grâce à vous, j’ai non seulement passé des centaines d’heures merveilleuses en classe, mais aussi découvert une passion… oserais-je même dire « une vocation » ?
EDIT : après une délicieuse reprise de contact avec lui par l’intermédiaire du CPE (toujours le même ! 20 ans plus tard!) du Lycée Français de Bangkok, « M. C… » accepte que le voile soit levé ! Je serai donc ravie, M. Couet, de vous dédier l’un de mes futurs romans… et de découvrir vos propres ouvrages (vivement leur parution!!^^)
Texte : (c) Aurélie Depraz
Image : pixabay